Chapitre 04

Le téléphone d’Aicha se met à sonner et à vibrer sur son trajet en direction de la voiture. Comme à son habitude, il s’agit de messages provenant des différents réseaux sociaux sur lesquels elle est inscrite. La jeune femme déverrouille donc son appareil mais ne les lit pas tous. Elle rentre dans son application ‘WhatsApp,’ sélectionne le contact de son petit-ami, puis appuie sur la touche pour envoyer une pièce jointe. La demoiselle va ensuite dans sa galerie, choisit la photo de la statue qu’elle avait photographie durant leur trajet, et la lui envoie.

  • He ! Regarde comment cette statue est moche, écrit-elle à la suite de son précèdent message.
  • Ne trouves-tu pas que tu exagères un peu ? lui répond Ridley quelques instants plus tard.
  • C’est-à-dire ?

Meriem et sa fille sortent des locaux de Gabon Télécom et sont immédiatement accueillies par Junior qui les attendait sagement dans la voiture.

  • C’est bon. Nous avons acheté nos cartes Sim. Y a-t-il un autre endroit que tu aimerais nous faire voir ? demanda la femme de David une fois installée dans la voiture.
  • Tout à l’heure, vous m’avez questionné sur l’histoire de la statue se situant aux bords de mer. Alors, pendant que vous étiez à l’intérieur, je me suis dis que ce serait une excellente idée d’aller faire un tour au village artisanal.
  • Village artisanal ? Qu’est-ce que c’est ? questionna de nouveau Meriem.
  • C’est un endroit où l’on peut trouver plusieurs objets traditionnels en provenance de tout le pays, répondit le jeune homme.
  • Je vois. Ça m’a l’air plutôt intéressant.

La femme de David est légèrement excitée de découvrir cet endroit. Elle donne donc l’ordre à l’employé de son mari de les y conduire. Pendant ce temps, Aicha a toujours les yeux rivés sur son téléphone portable. La conversation avec son petit-ami s’était légèrement envenimée. Celui-ci trouvait que sa copine dépassait légèrement les bornes en se moquant d’un bien public signifiant surement beaucoup pour les habitants du pays dans lequel elle se trouve.

  • Ce n’est qu’une putain de statue, écrit-elle en étant en colère contre lui.
  • Non justement. Ce n’est pas que cela, en tout cas pas pour eux. Comme tout monument, elle revêt une signification pour eux. Tu ne peux donc pas te moquer d’elle. Cela reviendrai à te moquer de leur culture, de leur identité.

Aicha en a marre des propos de Ridley. Si son but était de la mettre en colère, alors il avait réussi. Sans même le prévenir, elle va dans les paramètres de son application et met le contact de ce dernier dans la liste des personnes bloquées. Elle se dit que ça lui servirait de leçon, qu’il n’avait pas à la mettre de si mauvaise humeur. Après avoir fait cela, la jeune femme décide également de le bloquer sur les autres réseaux sociaux afin que ce dernier ne puisse utiliser d’autres alternatives pour la joindre. Une fois toutes ses manipulations terminées, elle remet ses écouteurs, lance de nouveau sa musique, et va regarder quelques vidéos sur YouTube.

Il ne faut pas très longtemps à Junior pour parcourir la distance qui les séparait de la maison mère de Gabon Télécom du village artisanal. Dès qu’ils y sont, le jeune homme gare son énorme véhicule le plus proche possible de l’entrée. Une fois la voiture totalement immobilisée, le trio descend et fait route vers cette communauté traditionnelle.

Le village artisanal dans lequel Aicha, Meriem, et Junior se trouvent est une accumulation de différents échoppes vendant toutes des articles divers. Les allées séparant les magasins sont petites, ne laissant pas assez d’espace pour que plus de cinq personnes puissent y circuler simultanément. Le jeune homme, qui sert actuellement de guide aux demoiselles, remarque que la plus jeune des deux est toujours en train de manipuler son appareil. Voyant la prévenir des dangers que cela comporte de le faire dans un endroit pareil, il s’approche d’elle et la prévient.

  • Tu ferais mieux de ranger ton téléphone, lui dit-il.
  • De quoi je me mêle ! répond-t-elle avec insolence.
  • Aicha ! s’exclame sa mère qui ne supporte pas le ton sur lequel sa fille vient de s’exprimer.
  • Quoi ? C’est lui qui est venu me déranger, s’écrit la jeune femme.
  • Non mademoiselle. Je vous dis juste qu’il serait très judicieux que vous n’utilisiez pas votre téléphone dans cet endroit. On pourrait vous le dérober, rétorque Junior.

La jeune femme en a vraiment marre qu’on lui dise ce qu’elle doit faire. C’est donc à contrecœur qu’elle range son appareil dans sa poche. Elle en profite cependant pour jeter un regard noir à sa mère.

  • On règlera ca lorsque nous serons à la maison, ajoute une dernière fois Meriem.

La femme de David continue son exploration des lieux en compagnie du jeune homme qui les accompagne. Le regard de cette dernière est alors attiré par plusieurs objets. Il s’agissait de masques de forme, de couleur, et de taille différents taillés dans le bois. Meriem s’approche d’eux pour les observer de plus près. Elle constate alors que certains possèdent des motifs tandis que d’autres n’en ont pas.

  • Bonjour madame. Vous voulez en acheter, demande le gérant de l’échoppe qui remarque l’intérêt de la jeune femme.
  • Je ne sais pas encore. En revanche, j’aimerais savoir pourquoi certains de vos articles sont beaucoup plus détaillés que d’autres, lui répond-t-elle.
  • He bien madame, c’est tout simplement parce qu’ils ne proviennent pas de la même tribu. Toutes les ethnies et tribus gabonaises décorent leurs masques de la même manière, déclare le vendeur.
  • Je vois. Pouvez-vous alors me dire de quel groupe est originaire celui-ci ? questionne-t-elle en pointant du doigt un masque en particulier.
  • Ce masque est d’origine Punu. On les retrouve majoritairement à l’intérieur du pays dans les provinces de la Ngounié et de la Nyanga.
  • Maintenant que j’y pense, il y a combien de groupe ethnique au Gabon ?
  • Je ne saurai vous dire le nombre avec exactitude, mais je sais qu’il y en a plus de cinquante.

Durant la conversation qu’elle a avec le vendeur, Meriem se rappelle une des conversations qu’elle avait une fois eue avec son mari. Dans cette dernière, celui-ci lui avait donné le nom du groupe ethnique dont il provenait. Malheureusement pour elle, le mot exact avait du mal à lui revenir.

  • Dis-moi Junior, mon mari appartient à quelle tribu ? demande-t-elle au jeune homme après s’être retournée vers lui.
  • Je ne saurai le dire. Tout ce que je sais est que monsieur fait partie des Fangs, rétorque-t-il.
  • Je vois. Et la tienne ? questionne-t-elle cette fois-ci par curiosité.
  • Je suis Téké madame et je suis originaire du Haut-Ogooué.

Alors que les trois individus ont une passionnante conversation sur les différents groupes du pays de son père, la jeune Aicha reste silencieuse dans son coin. Elle trouve leur sujet de discussion complètement inutile. Elle ne peut donc pas s’empêcher d’augmenter la volume de sa musique, ce qui l’isole encore plus du monde extérieur.

La jeune femme se met à déambuler de magasin en magasin. Elle ne s’éloigne cependant pas trop de sa mère et de Junior. Les vendeurs des autres boutiques essaient d’attirer son attention mais celle-ci les ignore tout simplement. De leurs côtés, Meriem s’est finalement décidée à acheter un des articles se trouvant devant elle. Elle opte pour deux masques Fang, se disant que cela plaira sans doute à son époux. Une fois son achat réglé et le reste de l’argent encaissé, la femme et le jeune homme se retournent pour constater que la troisième personne de leur groupe ne se trouvait plus à l’endroit où ils l’avaient laissée.

Les deux se mettent alors à la chercher. Meriem en panique se met à crier son nom. Toutefois, à cause de sa musique, Aicha ne les attend pas. C’est seulement après de très longues secondes de frayeur que la femme marocaine aperçoit sa fille. Elle se dirige vers elle tout en l’appelant mais cette dernière ne répond pas. Etant arrivée à son niveau, la mère attrape sa main par le bras, ce qui la fait légèrement sursauter.

  • Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? rétorque violemment Aicha.
  • Tu n’as pas entendu comment je t’appelais ? Pourquoi tu t’es éloignée sans prévenir ? hurla Meriem en retirant les oreillettes de sa fille.
  • Lâche-moi ! Tu me fais mal, s’exclame à nouveau la jeune femme.

Leur altercation finit par attirer les regards des vendeurs et des acheteurs se trouvant autour d’elles.

  • Aicha, je n’apprécie vraiment pas le comportement que tu affiches depuis un moment. Que le ciel m’en soit témoin, on réglera cette histoire dès qu’on sera à la maison. Et ne compte même pas sur l’intervention de ton père.

Meriem finit par lâcher le bras de sa fille. Les curieux qui espéraient peut-être assister à une bagarre mère-fille reprennent leurs activités même si certains se mettent à parler discrètement de cet incident. La femme de David s’excuse auprès de Junior pour la scène et l’invite à continuer sa visite guidée. Meriem ordonne une dernière fois à son enfant de rester près d’eux et le trio repart à l’aventure.

A suivre !!!

Catégories :

Laisser un commentaire