Chapitre 2

Plus claire la lumière, plus sombre l’obscurité…Il est impossible d’apprécier correctement la lumière sans connaître les ténèbres.”__ Jean-Paul Sartre


Se lamentant, et trainant littéralement les pieds, Elsy ne cessait de ressasser sa matinée désastreuse. Elle avait aussi assez peur de la réaction qu’aurait sa mère. Cette dernière avait déjà été convoquée une fois , alors elle peinait à croire que cette fois-ci tout se passerait bien. C’est donc la peine au coeur qu’elle marmonnait tout en marchant à l’aveuglette.

  • -Mais qu’est ce que je vais bien pouvoir raconter à maman, la vérité ou un mensonge? Je choisis quoi moi ! Bon faut pas aussi que j’oublie d’aller prendre l’autre énergumène à son école. Je n’ai surtout pas envie qu’il me fasse un autre sermon sur l’importance d’arriver à l’heure, j’en ai assez entendu pour toute une journé…

Elle leva les yeux au ciel en soufflant un bon coup. La fatigue était lisible sur son visage et ses gestes. Se baladant dans toute la ville, elle avait à présent enlevé sa veste et l’avait attachée à sa taille, sa chemise le long de son corps. Elle avait aussi dû fixer sa chevelure compte tenu de la chaleur qui pouvait régner .

Elle arriva finalement sans s’en rendre compte au centre ville, face à la cathédrale. Elle la fixa, mais sans pour autant y prêter une réelle attention. Ce fut l’odeur des pâtisseries qui la sortit de sa rêverie. Elle tourna alors le regard dans la direction de la fragrance puis dirigea ses pas devant le café d’où émanait l’effluve aux arômes sucrées et chaudes. Sur l’enseigne en bois au dessus de l’entrée, on pouvait y lire Angel’s Heart. Les lettres, écrites en grands caractères, étaient en couleur or et attiraient immédiatement l’attention des passants. La terrasse remplit de ses tables ornées de fleurs, chacune entourée de 3 chaises, contribuait aussi à l’affluence que l’on pouvait observer tout autour du café. Que ce soit son emplacement qui jouait avec les variations de la lumière, ou encore les différentes fleurs et plantes qui semblaient serpenter les murs de la façade, tout contribuait à ce que l’atmosphère qui y règne soit la plus confortable. La popularité de cette enseigne revenait aussi de beaucoup à ces différents serveurs dont la beauté semblait être tombée du ciel. 

Sans réfléchir à deux fois, la jeune fille entra alors dans le restaurant. Ce n’était pas sa première fois, mais elle aimait bien y aller quand elle voulait réfléchir ou juste passer du bon temps. Ce n’était pas très cher compte tenu de son budget et en plus, ils faisaient les meilleurs beignets de toute leur ville, donc pourquoi s’en priver?  

Elle alla prendre place, comme à son habitude, au fond à sa gauche près de la fenêtre. Elle pouvait, bien évidemment, voir toutes personnes qui entraient dans le café et elle avait aussi une magnifique vue sur la fontaine. Les bruits extérieurs ne pouvaient pas l’atteindre mais elle se laissait plutôt bercer par la musique qui s’élevait du haut du comptoir. 

A l’intérieur, la fragrance des pâtisseries encore bien chaudes était beaucoup plus forte. On pouvait sentir l’arôme assez concentrée du café noir, ce qui lui mit de suite de l’eau à la bouche. Etant une habituée, elle était assez connue par les différents serveurs et aux vues des quelques rougeurs qui prenaient naissances sur ses joues, l’un de ces mignons jeunes hommes ne devait pas la laisser indifférente.

Quand l’un d’entre eux se dirigea vers elle, ses rougeurs déjà présentes s’accentuèrent encore plus. Elle prit alors la carte du menu posée juste devant elle et fit semblant de la parcourir alors qu’elle connaissait cette dernière par coeur. Sans lever le regard, pour ne pas croiser les yeux de son interlocuteur, elle commanda un café au lait et des croissants. Quand elle eut finit, il repartit vers le comptoir et elle put souffler un grand coup et remettre la carte où elle était posée précédemment. Elle se concentra donc sur l’extérieur pour observer les passants qui ne lui prêtaient pas attention. 

Sur son chemin, elle avait pu s’acheter le dernier journal qui était sorti. Elle ne faisait pas partie du groupuscule de personne qui l’achetait pour s’enquérir des dernières nouvelles et actualités en lien avec l’économie ou encore la politique. Pour elle, seules les parties potins et horoscopes l’intéressaient. 

En attente d’être servie, elle le sortit de son sac, qui reposait sur ses genoux, puis s’y jeta. Le manque d’informations intéressantes l’entraîna assez rapidement à se tourner vers la partie horoscope. Très souvent, les prédictions étaient complètement fausses mais il arrivait des jours où des choses bizarres pouvaient se produire. Sans trop perdre de temps elle chercha la partie dédié à l’horoscope de la vierge car elle était née un 18 septembre. 

Avant même qu’elle n’eut le temps de le lire, le serveur qui avait pris sa commande revint et déposa ses desserts et sa boisson juste devant elle avec un petit sourire. Malheureusement, elle n’avait pas eut le temps de réfléchir à deux fois avant de lever sa tête et de rencontrer les yeux de ce garçon qui la regardait avec des yeux remplis de douceurs. Ce dernier était assez mignon avec ses traits fins, ses cheveux couleurs blés et ses yeux bleus. Il était aussi très grand comparé à notre jeune héroïne, une différence de près de 10 centimètres. 

Le temps semblait comme arrêté pour eux. Elsy n’arrivait pas à détacher son regard du sien et son coeur avait commencé  à entrer dans une pseudo transe, la faisant encore plus rougir et bégayer un léger merci. 

Après cet échange de regards assez gênant, le jeune serveur n’avait toujours pas bougé. Elle avait l’impression qu’il s’apprêtait à lui avouer quelque chose, aux vues des légères colorations qui commençaient aussi à naître sur les joues de ce dernier. Malheureusement pour eux, l’instant magique disparut suite à la venu de l’un de ses collègues qui le ramena vers les cuisines en lui jetant un regard moqueur. La jeune fille se ressaisit aussi de son côté, en se tapotant les joues, essayant de faire fit de ce qui venait de se passer. Toute son attention fut reprise par la lecture de son journal, et elle se perdit dans ses pensées. 

  • -Bon maintenant attaquons nous à ça. Septembre, septembre, ah enfin il est là! Donc il est écrit:《 VOTRE JOURNÉE COMMENCERA TRÈS MAL, MAIS SOYEZ EN SÛR QUE VOTRE NUIT MARQUERA UN TOURNANT DÉCISIF DANS VOTRE VIE!!!! 》 wow ça retrace très bien ma matinée, c’est étonnant! J’espère seulement qu’elle suivra textuellement l’horoscope, qui sait peut être que cette nuit je rencontrerai le grand amour, pensa-t-elle en se mettant à souffler.
  • -Mais arrête de rêver ma fille qui s’intéressera à toi, tu es tellement garçon manqué que tu les fait tous fuir, arrêtes donc de trop rêver, tu pourrais avoir de mauvaises surprises. Déjà que tu n’arrives pas à avouer tes sentiments à Christ, comment espères-tu qu’il puisse faire le premier pas avec une empotée comme moi…

Juste après l’avoir dit à haute voix, elle se rendit compte, encore trop tard que son adorable serveur était de retour à ses côtés et qu’il l’avait entendu. La gêne qui régna pendant quelques minutes ne se dissipa pas, même quand ce dernier disparut encore dans les cuisines. Malgré cela, le rouge qui régnait à présent ne voulait pas disparaître. Elle avait pratiquement fait une déclaration indirecte et s’imaginait déjà face à un refus. Elle se hâta alors de finir son déjeuner, se leva en quatrième vitesse et se dirigea directement vers le comptoir pour y régler ce qu’elle devait puis elle sortit du restaurant sans un regard en arrière. 

Elle se remit à déambuler dans les rues de sa petite ville pour essayer de digérer et finit par se retrouver devant l’école de son petit frère. Etant arrivée bien trop tôt, elle se dirigea alors vers la petite aire de jeux qui se trouvait juste en face et alla s’asseoir sur l’une des balançoires présentes.

Ne voyant pas le temps s’écouler, l’heure à laquelle elle devait le récupérer vint assez rapidement. Elle se leva et ensuite se redirigea vers le portail de son école. Quand il s’ouvrit, elle pu l’apercevoir se diriger vers elle avec un immense sourire. Elle sentait déjà les remarques sarcastiques qui devaient suivre et se prépara mentalement à l’avance.  

  • -Miracle, c’est la première fois que tu arrives à l’heure,  la provoqua-t-il.
  • -Ferme la, le menaça-t-elle. 
  • -Et concernant ce qui c’est passé ce matin, ne raconte rien à maman. Je ne veux pas qu’elle s’inquiète davantage, continua-t-elle. 
  • -C’est à y réfléchir… Donne moi de l’argent et j’oublie tout, termina-t-il. 
  • -Quoi!! cria-t-elle indignée.
  • -C’est à prendre ou à laisser, continua-t-il en la narguant du regard avec un sourire sournois.
  • -C’est bon tu as gagné, lui cracha-t-elle au visage

Elle fouilla dans la poche de sa jupe et prit un billet de 5 dollars puis le lui tendit avec un regard qui semblait lancer des éclairs.

  • – TIENS, lui cria-t-elle. 
  • -Merci beaucoup, dit-il toujours avec son petit sourire. 
  • -Espèce de ……….. commença-t-elle avant d’être coupée par ce dernier.
  • -Je sais que tu m’aimes.

Elle lui jeta un regard assassin puis souffla un bon coup, fatiguée par le comportement de son petit frère qui, ne cessait de la surprendre de jour en jour.

  • -Il y’a vraiment des jours où j’ai envie de te balancer au fond d’un puit…
  • -Mais tu ne peux pas, la coupa-t-il.
  • -Mais ferme ta bouche, tu me fatigues…
  • -Moi aussi je t’aime, ma grande soeur chérie, lui dit-il avec des yeux de chiens battus, ce qui tira un jolie sourire sur les lèvres d’Elsy. 
  • -Je préfère encore laisser tomber… finit-elle par abandonner en lui ébouriffant les cheveux.

Se prenant la main sur le chemin du retour, Ils se dirigèrent sans faire aucun détour vers leur maison. Ce sont de délicieuses odeurs, émanant de la cuisine qui les accueillirent. La dame de la maison s’affairait à cuisiner le repas de ce soir tout en sifflotant une petite mélodie. Quand elle entendit le bruit de la porte d’entrée, elle délaissa quelques instants ce qu’elle faisait et se dirigea vers eux. 

  • -Salut maman, émit le petit garçon.
  • -Bonjour maman, dit Elsy.
  • -Les cours se sont bien passés? leur demanda t-elle en leur faisant à chacun un baiser sur leurs fronts. 
  • -Bien sûr maman! S’empressa de dire son petit frère.
  • -oui maman ils se sont bien passés, ajouta Elsy en chuchotant sur ses derniers mots
  • -Parfait! Alors allez vous changer parce que vous ne sentez pas la rose, affirma t-elle en pinçant son nez.
  • -heu maman je vais  me reposer  un peu, alors s’il te plait ne viens pas cogner à ma porte, énonça notre jeune fille en baillant. 
  • -Pas de problèmes ma chérie, lui répondit sa mère en lui caressant la joue.  
  • -merci maman, dit-elle en lui faisant un petit bisou. 

Elle  se dirigea alors vers les escaliers puis entra dans sa chambre. Elle déposa son sac sur son bureau, enleva sa tenue, la mit sur un cintre qu’elle accrocha à sa fenêtre. Se sentant collante, elle se dirigea vers la salle de bain et prit une bonne douche froide. Quand elle eut finit, et se sentit à présent propre et bien odorante, elle retourna dans sa chambre, mit son pyjama puis se jeta littéralement sur son lit. 

  • -Je vais enfin pouvoir récupérer mes heures de sommeil. Quand j’y pense cette journée était vraiment bizarre. J’ai failli me faire renverser par une voiture, j’ai passé ma première journée blanche et selon l’horoscope, cette nuit sera la plus inoubliable de toutes. J’ai bien envie de voir ça. Mais pour l’instant un bon petit dodo me fera du bien, on verra le reste après…

C’est sur ces derniers mots qu’elle finit par s’endormir, fatiguée par sa journée.

Quelques heures plus tards, éclairée par les rayons de lune qui s’infiltraient  dans la chambre, on pouvait voir une silhouette se débattre, dans son lit. La forme féminine semblait être en prise à un cauchemars. Les différents gémissements qui s’échappaient de ses lèvres, les gouttes de sueurs qui perlaient de son visage, les froncements de ses sourcils et les larmes qui s’échappaient de ses yeux ne laissaient pas la place au doute. 

Brutalement, après un énième mouvement, la jeune fille se réveilla en sursaut. Sa respiration saccadée, elle essayait de retrouver un semblant de souffle. Sentant un liquide s’échapper de ses yeux, elle porta l’une de ses mains vers ces derniers et fut assez étonnée de voir qu’il s’agissait de larmes. Son pyjama était complètement trempé par sa sueur, la rendant poisseuse. Le sentiment d’insécurité qu’elle avait ressenti dans son rêve ne voulait pas disparaître malgré le fait qu’elle était de retour dans le monde réel. Elle avait mis ses mains sur son visage, essuyant les dernières larmes qui n’avaient pas eut le temps de tomber puis se redonna un peu de confiance en se tapotant les joues.  

Ce rêve, ce n’était pas la première fois qu’elle le faisait mais, il était de plus en plus fréquent. De plus au fil du temps, ce qu’elle y voyait semblait s’éclaircir, lui donnant la possibilité de voir plus clairement ce qui se passait autour d’elle. 

Ainsi, la scène était toujours la même. Elle se retrouvait dans une pièce sombre, qui ne laissait pas la lumière passer. Au fil des secondes, la pièce se rapétissait pour ne devenir qu’une boite cubique de près de 1m² de surface. Malgré ses cris, ses pleurs, personne ne venait la sauver, la libérer de sa prison. Elle tapait jusqu’à épuisement, jusqu’à saignement ce qui semblait être le couvercle mais toujours aucun résultat. Le temps s’écoulait donc ainsi jusqu’à ce qu’elle entende des bruits de pas s’approcher puis qu’elle se sente soulever. En dépit de ses bruits, la personne présente ne semblait pas prêter attention à elle ce qui la refit taire une fois de plus. Après quelques minutes de marches, elle se sentit tomber d’une très grande hauteur. Puis le caisson dans lequel elle se trouvait, commençait à prendre de l’eau. N’ayant plus de force, elle assistait impuissante à sa noyade. A mesure  que sa prison prenait l’eau, elle fermait les yeux, laissant quelques larmes s’écouler. Quand enfin elle se retrouvait dans l’incapacité de respirer, la boite explosait en mille morceau et elle se retrouvait au fin fond de l’océan, ne pouvant qu’observer son corps absorber de grandes quantités d’eau qui allaient la conduire vers sa fin. Mais juste au dernier moment, elle pu sentir des lèvres se poser sur les siennes et voir apparaître comme par magie une forme humaine juste au dessus d’elle qui semblait lui insuffler l’air qui lui manquait. Malheureusement pour elle, c’est toujours à ce moment qu’elle se réveillait, ne pouvant apercevoir que son regard océan, ses cheveux de blé et le sourire sur ses lèvres. 

C’est donc exténuée et déterminée à reprendre une douche chaude que la jeune fille se leva de son lit et refit le même rituel qu’elle avait fait quelques heures plus tôt. 

Après cela, elle se dirigea vers la cuisine car son ventre lui faisait bien comprendre qu’il avait besoin de nutriment.

Elle descendit donc en courant dans les escaliers jusqu’à la cuisine et lorsqu’elle ouvrit les différentes casseroles, sa surprise fut assez grande…

  • -MAMAN! s’écria-t-elle.
  • -Oui? répondit sa maman qui la rejoignit, un peu inquiétée par la tonalité qu’elle avait employée.
  • -Où est la nourriture? demanda la jeune fille toute alarmée, les yeux en peine. 
  • -Heu…

La jeune dame se mit à sourire, se grattant l’arrière de la tête, le regard évasif.

  • -je suis vraiment désolée, mais ton petit frère après avoir mangé a renversé par accident les marmites, continua-t-elle toujours son petit sourire sur le visage.
  • -Quoi! s’indigna-t-elle le visage déformé par la colère. Elle se mit ensuite à lui jeter à voix basse quelques malédictions pas très correctes…
  • -Malheureusement, je ne peux pas revenir dans le passé. Ce qui est fait est fait. C’est dans ces moments que l’argent de poche que je te donne peut bien te servir. Si tu as encore faim, va donc t’acheter de quoi manger, continua sa mère en lui ébouriffant les cheveux. 
  • -Mais maman il est 21 heures passées, les rues ne sont pas sûres et tu le sais, se plaignit-elle.
  • -Il ne t’arrivera rien ne t’en fait pas. Et puis tu peux encore te dépêcher la supérette près du centre ville est ouverte 24/24..
  • -C’est bon tu as gagné, j’ai trop faim, abandonna-t-elle, ne voulant plus lutter contre les gargouillements de son ventre. 

La voyant aussi abattue, la jeune dame retourna dans le salon puis revint quelques minutes plus tards avec de la monnaie dans ses mains.

  • -Tiens, voici de quoi te payer à manger, lui donna-t-elle.
  • -Merci maman, même si je crois que j’ai des envies de meurtres en ce moment. 

Elle sortit et se mit à courir tout le long de la route. Compte tenu de l’heure tardive, elle ne voulait pas trop s’attarder sur le paysage autour d’elle. Le souvenir de son rêve encore assez frais dans sa mémoire, elle avait malheureusement quelques frayeurs de traverser toute seule la route qu’elle empruntait chaque jour pour se rendre en ville. 

L’épicerie se trouvant dans cette dernière, elle devait donc traverser les bois puis le pont pour enfin atteindre l’entrée de la ville. De nature, les rues étaient assez calmes la nuit, mais malgré tout il fallait souvent être prudent car on pouvait faire des rencontres assez désagréables. 

Même si en journée, les bois n’inspiraient pas la peur, la nuit c’était tout autre, l’atmosphère changeait complètement. Les bruits du vent fouettant les feuillages des arbres aux alentours et celui des animaux nocturnes, ajoutaient une touche lugubre au tableau qui se peignait sous ses yeux. 

Hâtant donc les pas, elle finit par arriver 40 minutes plus tards devant la seule boutique ouverte en continuité. Elle y pénétra et se dirigea directement vers le rayon plats cuisinés, pris un sachet de paella puis alla à la caisse pour régler.

Après avoir fini ses courses, elle sortit et reprit son chemin pour rentrer. Mais quelques mètres plus loins, elle s’arrêta puis fit demi tour toujours assez pressée. Sans se retourner, elle alla sur la place centrale, plus précisément derrière un poteau face au café qu’elle avait visité plus tôt dans la journée. 

La tentation était assez forte et elle y avait cédé. Les yeux fixés, observant les différentes personnes présentes dans l’établissement, son regard finit par se poser sur une personne en particulier. C’était le garçon blond, qui effectuait son service du soir sans se soucier de la petite fouineuse qui  scrutait du regard l’objet de ses désirs. 

Les yeux brillants et ne voyant pas s’écouler le temps, elle se laissa entraîner par ses pensés dans son subconscient.  

  • -Et dire que selon l’horoscope ma nuit devait être la plus belle… Eh bien c’est gagné! Le voir ainsi concentré me redonne un peu de force après cet affreux début de soirée et le cauchemar…

A la seule pensée de cet épisode, elle émit un frisson.

Après quelques minutes à ressasser son rêve, elle revint dans la réalité et fut agréablement ou malencontreusement étonnée de rencontrer *son* regard. La stupéfaction fut des deux côtés. 

Le jeune homme était sorti, surement pour prendre une petite pause et s’était rendu compte que quelqu’un l’observait. Il s’était tout naturellement rapproché et avait pu constaté qu’il ne s’agissait que de notre petite curieuse. Il s’était donc arrêté et était resté immobile. Il l’observait, à quelques mètres d’elle, mais avait bien pu constater qu’elle ne réagissait pas normalement. Ses yeux suivaient ses mouvements, mais elle ne semblait pas se rendre compte de leur proximité sinon il sait qu’elle devait être autant gênée que lui, surtout après sa déclaration.  

A présent qu’elle était totalement sortie de son songe éveillé, et qu’elle ait pris pleinement conscience de ce qui se passait autour d’elle, sa gêne monta en flèche, elle essaya de s’excuser mais finit par chuchoter des mots incompréhensible. Toute confuse, elle finit par faire demi tour et se mettre à courir en direction de chez elle. Mais c’était sans se douter qu’il allait la suivre dans sa course, l’interpellant. 

N’ayant pas le courage suffisant pour lui faire face, elle essaya de le semer dans les petites ruelles sombres qu’elle connaissait par coeur. Après quelques minutes de ce jeu du chat et de la souris, elle finit par se retrouver sous le seul lampadaire d’une rue mal éclairée. N’entendant plus les bruits de pas de son poursuivant, elle respira un bon coup puis se laissa tomber à même le sol. Elle pouvait à présent se calmer. 

N’ayant pas le courage suffisant pour lui faire face, elle essaya de le semer dans les petites ruelles sombres qu’elle connaissait par coeur. Après quelques minutes de ce jeu du chat et de la souris, elle finit par se retrouver sous le seul lampadaire d’une rue mal éclairée. N’entendant plus les bruits de pas de son poursuivant, elle respira un bon coup puis se laissa tomber à même le sol. Elle pouvait à présent se calmer. 

  • -Mais qu’est ce qui m’a pris? Il doit vraiment me prendre pour une folle maintenant!! Je suis tellement idiote! Comment j’ai bien pu me laisser distraire dans ce genre de situation, je suis vraiment maudite aujourd’hui. C’est sûr et certain que je ne remettrai plus les pieds au café, j’aurai trop honte maintenant de le revoir… dit-elle en tirant sur ses cheveux pour qu’ils puissent cacher au yeux du monde son visage et sa gêne. 

Soudain, un bruit sourd attira son attention. Il était tellement léger, qu’elle crut un instant l’avoir imaginé. Mais elle finit par l’entendre de nouveau et plus distinctement. Jetant des regards de chaque côté, elle finit par repérer la source de ces bruissements.   

  • -oh je suis si bête ce n’est qu’un chat, émit-elle en reprenant le peu de courage qui lui restait. 

Etant seule dans un endroit qu’elle ne connaissait pas très bien et entendant des bruits étranges, c’était normal qu’elle laisse place à sa peur. Se rapprochant de ce dernier, elle le prit dans ses bras pour le chouchouter, rassurée. Malheureusement pour elle, les bruits reprirent. Délaissant le chat, elle s’enfonça un peu plus dans les feuillages, sortant du sentier qu’elle avait emprunté.

A mesure qu’elle se rapprochait, les bruits se transformaient de plus en plus en ceux émis lors d’un combat. De plus en plus curieuse, elle continuait sur ses pas. Quand elle atteignit  l’endroit précis, la scène, assez bizarre, qui s’offrait  à elle la laissa sans voix, tétanisée. L’endroit, un petit espace dépourvu d’arbres, était parfaitement éclairé par la seule lumière lunaire.

 On pouvait y voir un petit garçon à la peau brune d’un mètre cinquante, aux cheveux blancs, aux yeux dorés, habillé selon la mode du XVIIIème siècle avec un chapeau haut de forme et attrapant dans sa main gauche une peluche décapitée. Il faisait face à un jeune homme, épuisé, attrapant une large et grosse épée dans ses deux mains. Ce dernier, les cheveux ébènes, la peau laiteuse et les yeux bleues portait un manteau noir à capuche, une chemise blanche, un pantalon noir et des bottes noires. Il était assez mince et devait avoir à peu près son âge de par sa corpulence… 

Elle se cacha donc derrière un arbre et observa silencieusement. Elle savait qu’elle ne devait pas émettre le moindre son, sinon ce serait fini pour elle. Etant une passionnée de fantastique, elle arrivait à ne pas trop paniquer et à ne pas crier.  

  • -Tu ne m’auras pas. Je vais te tuer et te manger juste apres fils d’’Elknor. Arrêtons donc ce petit jeu et laisse toi faire, tu ne peux rien contre moi dans cet état, proféra le petit garçon avec un ton moqueur, un sourire étrange prenant naissance sur ses lèvres.

Elsy était assez étonnée par la tournure des évènements. Elle ne s’attendait clairement pas à entendre de tels mots sortir de la bouche de ce dernier.   

  • -Ne prends pas tes rêves pour la réalité. La restriction de mes pouvoirs ne m’empêchera pas de te renvoyer dans ton trou. Ce n’est pas parce que je ne l’ai pas en ma possession que tu prendras le dessus sur moi. 

Juste après qu’il ait dit ces mots, son adversaire se mit à exploser de rire, tout en essuyant des larmes imaginaires. Son comportement était trop étrange par rapport à l’apparence qu’il arborait ce qui fit froid dans le dos à Elsy. Elle était littéralement figée de peur en entendant ce ricanement sortit tout droit des plus sombres film d’horreur. 

Après sa pseudo hilarité, le petit garçon reprit quelque peu son sérieux.

  • -Détrompes-toi. Je n’ai réellement pas peur de toi, dit-il en faisant des signes de négation avec sa main libre, qu’il agitait devant lui.
  • -Même si tu réussis à me renvoyer, je pourrai toujours revenir. Tu sais très bien mieux que quiconque que les seules armes qui peuvent nous détruire totalement sont celles que les dieux ont béni et ont donné aux protectrices des deux mondes qui ont disparu à présent, continua-t-il, sans pour autant abandonner son sourire démoniaque. 
  • -Tu n’es qu’un insecte face à ma puissance. Je t’assure que tu ne mourras pas dans d’atroces souffrances et que… s’arrêta t-il soudain.

Il se mit à renifler l’air autour de lui et quand il finit par reconnaître l’odeur qu’il avait détecté, de larges cornes sortirent de son front, ses oreilles devinrent plus pointues et son sourire s’agrandit et vint rejoindre la naissance de ses oreilles. 

Sentant l’atmosphère autour d’elle devenir de plus en plus étrange et lourde, Elsy jeta un coup d’oeil plus attentif sur ce qui venait de se passer ne s’attendant pas à ce qui allait se dérouler ensuite.  

  • J’ai l’impression que nous ne sommes pas seuls ici. Il y a une petite souris qui nous espionne, dit-il en tournant sa tête vers l’endroit où elle se trouvait. 

Rencontrant son regard brillant, dénué d’humanité et ses canines qui s’agrandissaient de secondes en secondes, la jeune fille était à présent sûr qu’elle s’était faite découvrir. Elle n’arrivait pas à détourner son regard et ses muscles s’étaient liquéfier sur place, l’empêchant de faire le moindre mouvement. Sans qu’elle ne puisse les en empêcher, des larmes commencèrent à couler le long de ses joues.

Au fond d’elle, elle savait que si elle ne reprenait pas très vite contenance, elle allait mourir mais malheureusement elle n’arrivait à rien, s’enfonçant un peu plus dans son désespoir. Elle pouvait à présent entendre clairement les battements de son coeur dans sa poitrine et finit par tomber assise face à la bête qui avait commencé à s’avancer vers elle, le sourire carnassier. 

  • -On dirait vraiment que tes pouvoirs ont vraiment des problèmes. Tu n’as même pas pu empêcher cette humaine de traverser ta barrière. Enfin bon, je devrais plutôt te remercier pour cette nourriture tombée au bon moment. 
  • -Je t’interdis de l’approcher, le combat est entre toi et moi. Laisse la en dehors de tout ça! cria le jeune homme qui tenta un mouvement très vite entravé par des ronces qui poussèrent autour de ses jambes, déchirant son pantalon et sa chair, le faisant ainsi tomber.
  • -Trop tard petit, elle est bien plus intéressante que toi. Dès que j’en aurai fini avec elle, je reviendrai te bouffer. Ne sois pas si impatient, dit-il en élevant sa main. 

De cette dernière sortirent des lianes qui se dirigèrent à grande vitesse vers Elsy, toujours immobile le fixant dans son avancée, les yeux remplis d’effrois. Elles s’enroulèrent autour de ses mains, la maintenant fermement au sol. 

Quand il arriva à sa hauteur, il s’accroupit face à elle et laissa passer sa main dans ses cheveux qui étaient détachés, les caressant avec douceur. Il s’approcha encore un peu plus et vint lécher son cou ce qui entraîna un hoquet de surprise et de peur de la part de notre jeune fille. Ce geste qui devait la faire rougir, en temps normal, la dégoûtait à présent, lui donnant une très forte envie de vomir.  

  • -Tu sens tellement bon que j’ai déjà envie de te dévorer lui chuchota t-il en lui suçotant le lobe de l’oreille et en parsemant son cou de baisers. 

Dès qu’il eut émis cette phrase, les lianes entourèrent alors complètement Elsy et l’allongèrent à même le sol, ses bras levés au dessus de sa tête. Il remit sa tête dans son cou, la léchant et se coucha sur elle en enroulant ses bras autour de son corps, l’une de ses jambes se trouvant entre celles de la jeune fille.  Elle était dans un état second, assistant impuissante à ce qui devait se dérouler. Malgré ses pleurs, le démon continua ses attouchements, laissant ses lianes déchirer ses vêtements. 

Sentant l’érafflement de ses canines dans son cou, elle ferma alors les yeux essayant d’oublier la douleur qui devait suivre. Mais cette dernière ne vint jamais. Elle sentit au contraire que le poids qui était quelques instants plus tôt sur elle avait disparu.

Quand elle rouvrit ses yeux elle constata que c’était à présent le jeune homme qui se trouvait debout de dos devant elle. Ces entraves avaient elles aussi disparues. Par contre, la bête avait été jetée quelques mètres plus loin et semblait se relever, le regard encore plus rempli de folie. 

  • -Est ce que tu peux te lever à présent, lui demanda t-il. 

Ne pouvant émettre un mot, elle secoua fortement sa tête de gauche à droite, toujours tétanisée. Dès qu’elle eut fini de faire ces gestes, leur adversaire sembla se remettre en mouvement, marchant dans leur direction. Ne réfléchissant pas à deux fois, le jeune garçon se tourna vers elle à toute hâte et enfonça son épée dans la main de la jeune fille. 

La douleur eut l’effet qu’il espérait car elle finit par bouger même si pour cela elle était maintenant en train de crier de douleur, l’adrénaline inondant son corps. Elle attrapait à présent sa main essayant d’arrêter le flux de sang qui s’échappait, mais elle n’arrivait pas. Regardant avec terreur le démon qui s’approchait d’eux, elle réussi à se lever avec beaucoup de peine tout en reculant lentement. 

Se rendant compte qu’elle était toujours là, le jeune garçon finissant par perdre patience lui cria dessus de s’enfuir en la poussant avec force. Devant son ton, elle n’attendit pas qu’il se répète une deuxième fois et finit par prendre la poudre d’escampette sans un regard en arrière. 

Courant à en perdre haleine, la jeune fille finit par rejoindre la ruelle qu’elle avait quittée plus tôt. Elle continua sa course sans se préoccuper de son apparence qui allait sans doute alerter toutes personnes croisant son chemin… Son pyjama était détruit partiellement laissant à certains endroits sa peau à l’air libre. Elle avait aussi perdu ses chaussures. La main ensanglantée et ses larmes se mélangeant à la boue sur son visage, tout sur elle  la rendaient encore plus repoussante. 

Quand elle atteignit enfin le pont, elle se sentie rassurée d’avoir pu y échapper. Mais c’est à ce moment qu’elle sentit une main la tirer vers  l’arrière et qu’elle se retrouva dans des bras qu’elle reconnaissa sur le coup. Son pressentiment se confirma quand elle leva la tête et tomba sur le visage réconfortant de Christ. 

Se sentant protégée, elle éclata en sanglot devant lui et enfouit sa tête dans son torse. Il l’entoura plus fermement, la réconfortant du mieux qu’il pouvait sans commenter son état déplorable. Il ne voulait pas parler pour le moment, la berçant en lui disant de petits mots doux. 

Quand il s’était rendu compte qu’elle avait disparu, il avait commencé à faire marche arrière. Mais après quelques mètres, il l’avait revu toute affolée, pieds nus, ses vêtements déchirés et courant à toute allure. Ne pouvant pas la laisser dans cet état, il l’avait rattrapé et essayait à présent de la consoler. Si elle était dans cet état, il avait donc dû se passer quelque chose d’effroyable. 

Lorsqu’elle finit par se calmer, le jeune homme mit un peu de distance entre eux pour pouvoir mieux l’observer. Après quelques secondes, Elsy leva son regard vers lui, le sang de sa blessure continuant à s’écouler. Répondant au sourire qu’il fit, son visage se décomposa juste après. 

En effet, du sang avait commencé à s’écouler de ses lèvres. Il se mit à toussoter et des gouttes tombèrent sur le visage d’Elsy. Elle pouvait voir la vie quitter les yeux de son ami secondes après secondes. Malgré ça, le sourire sur son visage ne s’effaçait pas. 

Se libérant complètement de ses bras et marchant à reculons effrayée, elle aperçut bien vite la grosse épine qui traversait le corps de Christ. Mettant ses mains sur sa bouche pour s’empêcher de crier, les yeux écarquillés remplis de frayeur, les larmes reprenant leurs courses, elle vit le corps de ce dernier se soulever plusieurs mètres au dessus du sol puis se faire jeter dans la rivière en dessous. Avec horreur, elle vit l’épine disparaître dans un coin sombre vers les portes du village. Horripilée par ce qu’elle venait d’assister, elle tenta de s’enfuir mais remarqua tardivement que des lianes avaient poussées autour de ses jambes la privant de sa liberté.

Le cauchemar reprenait en ne lui laissant aucun moment de répit. Elle avait l’impression de manquer d’air et ne sentait plus que des fourmillements sur son bras dont la main était blessée. 

Elle aperçut alors deux yeux se dénotant de l’obscurité qui la fixaient puis un sourire d’épouvante suivi d’une voix qui la fit frissonner de la tête aux pieds.

   

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