Chapitre 14

Le dernier cours de l’après-midi venait tout juste de se terminer au lycée Blaise-Pascal. Contrairement aux précédents enseignants, leur professeur d’économie monsieur Japhet était resté jusqu’à la fin de son heure et leur avait parlé de divers sujets en rapport avec son domaine de prédilection. Certains élèves de la classe pensaient même qui, si la sonnerie marquant la fin des cours n’avait pas retenti, ce dernier devait rester jusqu’à la tombée de la nuit.

Aicha attrapa donc tout ce qui se trouvait sur sa table et les rangea dans son sac à dos qu’elle mit par la suite sur son dos. Dès que cela fut fait, elle prit la direction de la porte de sortie.

  • Tu rentres déjà ? questionna Sophie avant qu’elle ne franchisse la porte.
  • Ouais ! Pourquoi ? répondit la fille de David en s’arrêtant momentanément.
  • Je me disais que l’on pouvait trainer un peu le temps que ça se tasse, rétorqua la jeune femme.
  • Non merci, quelqu’un vient me chercher, dit Aicha avant de franchir définitivement la porte de sa salle de classe.

La fille de Meriem ne s’en doutait pas mais dès l’instant où elle commença à ranger ses affaires, le regard de Franck se posa sur elle et, lorsqu’elle sortit de la salle de classe, ce dernier se leva de son siège. Il fit ensuite signe à ses amis et tout le groupe se mit à suivre la jeune femme à l’extérieur. Sophie qui remarqua l’étrange manœuvre sentit que l’adolescent préparait un mauvais coup. Elle demanda donc à ses copines de la suivre et la bande partit également à la poursuite d’Aicha.

  • Où est-ce que vous allez comme ça ? demanda la jeune femme lorsqu’elle rattrapa Franck et son groupe.
  • Ca ne te regarde pas. Mêle-toi de tes affaires, rétorqua le jeune homme assez violemment.
  • Il en a surement après Aicha à cause de la manière dont elle lui a parlé ce matin. Tu sais, elle n’avait pas tort. C’est le premier jour d’école et tu oublies carrément d’apporter tes fournitures de base. Pas étonnant qu’elle ait refusé de te donner les siennes, rétorqua Carlie.

Les moqueries des filles poussa le jeune homme à s’arrêter et à faire demi-tour. Elle vint alors se placer juste devant celle qu’on pouvait considérer comme étant leur cheffe.

  • Ecoute moi très bien Sophie. Si tu continues à te mêler des choses qui ne te regardent pas, je vais…
  • Tu vas quoi ? Tu vas faire quoi ? dit la jeune femme en interrompant Franck et en le regardant droit dans les yeux.

Pendant que ces deux-là avaient une confrontation verbale, Aicha prenait de plus en plus de distance sans se douter le moindre instant de ce qui se déroulait derrière elle. Elle arriva finalement devant le zone de stationnement sur laquelle se trouvait un grand nombre de voitures. La demoiselle chercha du regard celle dans laquelle était assis Junior. Finalement, après quelques dizaines de secondes, elle l’aperçut et se dirigea vers elle.

  • Bonsoir mademoiselle. Votre journée d’école s’est-elle bien déroulée ? demanda le jeune homme dès qu’Aicha monta dans le véhicule.
  • Pff ! Enervante avec beaucoup de bruit et de personnes détestables, lui répondit-elle plutôt froidement.
  • Ce n’était que la première journée de cours. Je suis sûr que les choses iront mieux à l’avenir, dit de nouveau Junior.
  • Si tu le dis.

La jeune femme ne lui adressa plus la parole et se contenta de regarder les autres élèves qui regagnaient les voitures de leurs parents. De son coté, Junior mit le contact et démarra le véhicule. Après avoir vérifié les alentours, il fit route vers la domicile de la famille Ellah.

Bien que son lycée ne se situait pas très loin de sa maison, Aicha mit cependant près d’une heure avant d’arriver chez elle. Cela était dû à l’énorme embouteillage causé par tous les véhicules voulant emprunter les mêmes chemins tous en même temps. Cela énerva encore la jeune femme qui se retrouva coincée sans rien pour se divertir. Elle se mit alors à regretter la perte de son téléphone portable. Mais d’un autre côté, elle en voulait toujours énormément à ses parents de lui avoir fait un coup aussi bas que de lui confisquer ses appareils électroniques.

Lorsque l’énorme Toyota Prado pénétra dans la concession de David Ellah, la jeune femme n’attendit pas que le moteur soit arrêté pour descendre du véhicule. Aicha rentra dans la maison et alla directement dans sa chambre sans dire bonsoir à son père ou sa mère qui se trouvaient au salon à ce moment.

  • Cette enfant ne comprendra jamais la leçon, s’exclama Meriem après le passage éclair de sa fille.
  • Que veux-tu ? Elle doit surement tenir ce comportement de sa mère, répondit David pour plaisanter.
  • Qu’est-ce que tu insinues par-là ? questionna la maitresse de maison, légèrement outrée.

Monsieur Ellah se rendit très vite compte qu’il venait d’aborder un sujet plutôt épineux. Heureusement pour lui, Junior pénétra à ce moment dans le salon, ce qui lui permit de dévier la conversation.

  • Junior ! Alors, comment était cette première journée ? Ma fille n’a pas été trop désagréable ? interrogea-t-il en allant saluer le jeune homme.
  • Bonsoir monsieur, bonsoir madame. La journée s’est plutôt bien déroulée même si votre enfant a tenu certains propos assez désobligeants, répondit Junior.
  • Qu’est-ce qu’elle a encore dit ? questionna Meriem en entrant dans la conversation des deux hommes.
  • Rien de bien grave. Elle a juste traité le Gabon de pays merdique et que vous l’avez forcée à venir ici alors qu’elle ne voulait pas, rétorqua le jeune homme.
  • Je vois. Je te remercie de nous avoir fait part de cela, dit la maitresse de maison.

Cette dernière se retourna ensuite vers son mari et lui dit qu’elle allait monter pour corriger à nouveau leur enfant.

  • N’est-ce pas mieux de le faire après le diner ? suggéra David.
  • Non ! Et d’ailleurs je trouve que tu es beaucoup trop tendre avec elle, rétorqua madame sur un ton autoritaire.
  • Je ne pense pas, répondit monsieur Ellah.

Junior ne voulant pas assister à une dispute entre son patron et sa femme déposa la clé de la voiture à l’endroit habituelle, souhaita une très bonne soirée à David et Meriem, puis se dirigea vers la sortie.

  • Au revoir Junior et bonne soirée à toi aussi, dit le couple en même temps.

Le jeune homme quitta la maison mais s’arrêta quelques minutes pour discuter avec Mamadou le gardien. Il lui raconta alors ce que la fille de David lui avait dit ce matin dans la voiture et de la manière dont ses parents venaient de réagir lorsqu’il leur rapporta ses propos.

  • Ça va chauffer pour mademoiselle ce soir ! s’exclama l’homme.
  • Ça, j’en suis certain. Si elle avait été ma fille, il y a longtemps que je lui aurais foutu quelques coups de ceinture, rétorqua Junior.
  • C’est clair !
  • En tout cas, tu me tiendras au courant de la suite des évènements, demanda le jeune homme en saluant une dernière fois le gardien.
  • Ok ! répondit Mamadou en lui disant également au revoir.

Junior finit par quitter la concession et rentrer chez lui.

—–*—–

Quelques minutes avant le départ du jeune homme et avant que la petite dispute entre monsieur et madame ne se produise, Aicha montait les escaliers et se dirigeait vers sa chambre. Elle referma la porte derrière, posa son sac à dos au pied de son bureau, puis vint s’allonger sur le lit. Elle restait pendant plusieurs secondes la tête enfoncée dans ses draps avant de finalement se retourner et de regarder la plafond. Aicha passa sa main sous son oreille et ne sentit rien hormis la fraicheur. Sans son téléphone, la jeune femme s’ennuyait énormément et se sentait par la même occasion isolée. Si seulement on lui avait laissé son ordinateur portable, elle aurait su gérer son ennui.

Les minutes passèrent et la demoiselle continuait de regarder le plafond. A un moment, elle se mit à penser à son petit-ami Ridley. Ce dernier lui manquait énormément. Même son côté moralisateur lui manquait également, ce qu’elle n’aurait jamais envisagé par le passé. Elle trouvait cette partie de sa personnalité très chiante. Aicha se dit alors que, quand elle récupèrerait son téléphone et qu’elle recommencerait à parler avec lui, elle l’écouterait un peu plus.

La demoiselle entendit des bruits de pas en provenance du couloir. Quelqu’un essaya ensuite d’ouvrir la porte de sa chambre mais n’y parvint pas car elle l’avait verrouillée à clé.

  • Aicha ! Ouvre immédiatement cette porte ! rétorqua fortement Meriem.

La jeune femme se leva de son lit et fit ce qu’on venait de lui ordonner. En même temps, elle se demandait ce que sa mère voulait encore lui dire.

  • Qu’est-ce que tu as dit à Junior ce matin ? demanda l’épouse de David en arborant un ton sévère.
  • Je sais pas de quoi tu parles, répondit la jeune femme.

C’était tout à fait normale qu’elle ne souvienne pas de sa conversation matinale avec Junior. Avec tous les évènements qui s’étaient déroulés tout au long de la journée, comment aurait-elle pu ?

  • Tu ne te rappelles donc pas avoir dit à Junior que le Gabon est un pays de merde…

La demoiselle n’en revenait pas. L’employé de son père avait osé rapporter ses mots à sa famille, ce qu’elle trouva impardonnable. Elle ne savait pas comment elle allait procéder mais elle allait définitivement le lui faire regretter.

  • Aicha ! Je te signale que c’est le pays de ton père. On dirait que ta punition actuelle ne suffit pas, rétorqua furieusement la maman.

Meriem tendit alors sa main paume ouverte vers sa fille.

  • Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ? demanda Aicha sur un ton qui donna à sa mère des envies de la gifler.
  • Ton argent de poche. Ton père et moi, plutôt j’ai décidé de réduire ton argent de la semaine. Donc remet-le moi, ordonna Meriem.
  • Non ! Vous pouvez pas me faire ça ! Qu’est-ce que je vais manger à l’école ? dit la jeune femme.
  • Tu aurais dû y réfléchir à deux fois avant de tenir ce genre de propos, ajouta l’épouse de David.

Voyant qu’Aicha ne lui remettait toujours pas l’argent, elle s’approcha d’elle et commença à la fouiller. Cette dernière ne se laissa cependant pas faire et se débattit, ce qui lui valut une bonne gifle de la part de sa mère. Ce fut avec la main sur la joue et le visage rempli de haine que la demoiselle vit son argent être récupéré. Meriem compta les billets et ne lui laissa que le plus petit d’entre eux pour le lendemain.

  • Ce n’est pas juste ! Vous n’avez pas le droit de faire ça ! hurla-t-elle.
  • Les règles ont changé dès l’instant où tu as mis pied dans ce pays, répondit Meriem.
  • Je vous déteste ! cria la demoiselle encore plus fort.
  • Tais-toi ! Tu vas déranger les voisins, rétorqua madame Ellah.

Ne voulant pas obéir à sa mère, Aicha hurla encore plus fort.

  • Aicha ! Si tu ne t’arrêtes pas tout de suite, je te promets une bastonnade digne de mon pays, menaça Meriem.

Connaissant la provenance de sa maman et ne sachant pas chez qui se plaindre en cas de maltraitance, la jeune femme décida de se calmer. Cependant, la rancœur qu’elle ressentait tout au fond d’elle ne cessait d’augmenter. Les choses étant revenues plus ou moins à la normale, Meriem prit la direction de la porte. Elle prit toutefois la peine d’avertir sa fille que le diner allait bientôt être prêt. Finalement, madame Ellah quitta la chambre de sa fille qui restait à l’insulter et à la maudire intérieurement.

A suivre !!!

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