Il était aux alentours de 23 heures moins lorsque Natacha arriva finalement devant chez elle. Lorsqu’elle gara son véhicule, elle remarqua que la lumière du séjour était encore allumée. En voyant qu’elle ne répondait pas à ses appels, Mike s’était à coup sûr inquiété et avait donc décidé de l’attendre. La jeune femme l’imaginait déjà assis dans un des fauteuils du salon, les yeux fixés sur leur porte d’entrée. Mademoiselle Barnes arrêta le moteur, se regarda une toute dernière fois dans son rétroviseur, puis attrapa ses affaires avant de descendre du véhicule.
Sur le pas de la porte, Natacha hésita à saisir la poignée de porte. Elle pensait à la manière dont son fiancé allait réagir et surtout à ce qu’elle allait pouvoir bien lui raconter afin de justifier son retard et le fait qu’elle ne l’avait pas rappelé après avoir constaté ses nombreux appels en absence. La jeune femme prit une profonde inspiration, puis franchit finalement la porte de son domicile.
- Chéri ! Je suis rentrée, s’exclama-t-elle en refermant derrière elle.
- Dieu merci, te voilà ! Où étais-tu ? Je me suis fait un sang…d’encre, rétorqua le jeune homme en se précipitant vers sa bien-aimée.
Quand Orzak arriva aux côtés de Natacha, il remarqua immédiatement que plusieurs choses n’allaient pas chez elle. Non seulement avait-elle l’air beaucoup plus fatiguée que d’habitude, mais qu’elle semblait avoir pleuré.
- Qu’est-ce que tu as eu à la main ? questionna d’abord Mike en faisant référence au bandage qu’elle arborait.
- Ah ! Tu parles de ça ? Je me suis coupée cet après-midi au boulot. Rien de bien méchant. Tu n’as pas à t’inquiéter pour ça, répondit la demoiselle.
- Natacha, est-ce que tu vas bien ? demanda-t-il tout en sachant pertinemment que ce n’était pas le cas.
En posant cette question, Mike voulait voir si elle oserait nier les faits. S’attendant à un nouveau mensonge de la part de sa fiancée, le jeune homme tomba des nues lorsqu’il la vit soudainement verser des larmes. Natacha lâcha tout ce qu’elle avait dans les bras et fonça vers celui qu’elle aimait.
- Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu sais que tu peux tout me dire, n’est-ce pas ? Je suis là pour toi, dit le jeune homme en caressant sa tête.
- C’est trop dur ! Je n’en peux plus. Je sens que je vais finir par craquer, s’exclama Natacha avec beaucoup de peine dans le ton de sa voix.
C’était la première fois que Mike voyait sa fiancée être aussi abattue. De ce fait, il ne savait vraiment pas comment réagir. Les deux restèrent debout devant la porte d’entrée pendant de très nombreuses minutes. Durant tout ce temps, la jeune femme continuait de verser toutes les larmes de son corps. Quand Natacha se calma un tout petit peu, il l’invita à prendre place dans l’un des fauteuils.
- Explique-moi tout ce qui s’est passé ? demanda-t-il de nouveau après s’être assis auprès d’elle.
La jeune femme essuya d’abord les larmes qui coulaient le long de son visage, puis avoua finalement tout à Mike. Elle lui dit que les tâches qu’elle effectuait actuellement à son boulot exerçaient énormément de pression sur elle, que son patron exigeait d’elle une concentration et un professionnalisme sans pareil, et surtout qu’elle entrevoyait désormais ce qui se trouvait de l’autre côté du miroir. Bien évidemment, tout ceci n’était nulle autre qu’un tissu de mensonges qu’elle avait inventé sur l’instant et qu’elle lui raconta afin d’embellir la triste situation dans laquelle elle se trouvait.
- Peut-être que tu devrais songer à changer de travail. Je sais pas moi ! Tu peux par exemple dire à ton patron que tu n’en peux plus et tu démissionnes après, suggéra le jeune homme.
La réponse de Mike devant ses explications rassura Natacha sur un point. Cependant, la jeune femme n’était pas stupide et savait que chaque fois qu’elle lui mentait, elle s’éloignait un peu plus de la personne qu’elle était. De plus, se faisant, elle savait également qu’elle aurait de plus en plus difficile de lui faire face si la vérité venait à être découverte un jour. Néanmoins, elle n’avait pas le choix. La personne qui la manipulait était beaucoup trop puissante.
Mademoiselle Barnes réfléchit quelques instants à ce que venait de lui dire son fiancé. Il était vrai qu’elle pouvait démissionner. Toutefois, elle ne savait absolument comment Herman Invictus réagirait face à cette prise de décision. Peut-être accepterait-il de la laisser partir sans souci ? Peut-être y aurait-il des représailles si elle venait à le faire ? Natacha n’en savait strictement rien et n’avait aucun moyen de le deviner. Dès lors, elle ne pouvait pas prendre un tel risque.
- Je suis désolée, mais je ne peux pas le faire, déclara la jeune femme avec le regard baissé.
- Mais pourquoi ?! Ne vois-tu pas l’état dans lequel tu te trouves ? Peut-être que je devrais appeler ton patron et…, rétorqua Mike, très inquiet.
- Non ! Surtout pas ! s’exclama brusquement la jeune femme.
- Pourquoi Natacha ?! Hein ! Pourquoi ?! Est-ce que tu t’es seulement vue dans un miroir ? Tu ne vois pas que si tu continues à te surmener de la sorte, ta santé risque d’en pâtir, déclara Michael Orzak en haussant le ton.
C’était la toute première fois depuis qu’ils étaient en couple que le jeune homme osait lever la voix sur sa fiancée. Cependant, il n’avait pas le choix. Il avait peur pour elle, peur que ce surmenage ne ruine sa santé et la plonge dans une sorte de dépression.
- C’est tout de même le métier que j’ai toujours voulu faire. J’ai sacrifié tellement de choses pour en arriver là. Je te remercie du fond du cœur de te soucier de moi, mais je ne peux pas abandonner. Pas maintenant, dit Natacha avec beaucoup de tristesse dans le ton de sa voix.
La jeune femme se remit à pleurer juste après. Ses larmes reflétaient à ce moment le profond chagrin, la honte, le dégout, et tous autres sentiments négatifs qu’elle éprouvait. Comment osait-elle mentir à une personne aussi attentionnée que Michael Orzak ? Elle jouait la femme forte alors que, quelques heures auparavant, elle avait failli mettre un terme à ses jours deux fois.
De son côté, bien qu’il comprenait que Natacha voulait absolument obtenir cette promotion, Mike avait du mal à accepter qu’elle veuille risquer sa santé. En y réfléchissant bien, le jeune homme se rendit compte que si elle se retrouvait dans cette situation, c’était en partie de sa faute. Il était celui qui avait insisté sur le fait qu’elle devait la demander à son patron. Si seulement il ne l’avait pas encouragée, tout ceci ne se serait jamais produit.
- Je comprends. Je n’adhère pas, mais je te comprends. Promets-moi juste une chose, dit Mike après avoir inspiré profondément.
- Je t’écoute, répondit-elle.
- Promets-moi que si ça devient beaucoup trop dur pour toi, tu arrêtes tout. Je n’ai pas envie de recevoir un jour un appel de ton bureau me disant que tu t’es évanouie et as été hospitalisée. Je ne le supporterai pas. Alors, fais-moi la promesse que tu t’arrêtes à temps, demanda le jeune homme.
Natacha le regarda avec les yeux pleins de larmes pendant quelques secondes et finit par lui dire ce qu’il désirait entendre un peu plus tard. Mike se dirigea ensuite vers la porte d’entrée où il ramassa les affaires de sa bien-aimée.
- Est-ce que tu as déjà mangé ? questionna-t-il après être revenu à ses côtés.
La jeune femme lui dit ‘non’ de la tête. Il l’invita alors à aller prendre une bonne douche le temps qu’il réchauffe la nourriture. Natacha le remercia du fond du cœur d’être là pour elle.
- Tu n’as pas à me remercier pour ça. Je suis et serai toujours là pour toi dans les bons comme dans les mauvais moments, répondit Mike en déposant soigneusement ses affaires sur un des meubles.
Mademoiselle Barnes se leva finalement du fauteuil dans lequel elle était assise et se dirigea vers la salle de bain, le cœur lourd.
—–*—–
Alors qu’elle se trouvait sous la douche, Natacha continuait de pleurer à chaudes larmes. Les souvenirs de ce qu’elle avait subi dans le bureau de monsieur Invictus mélangés aux mensonges qu’elle avait racontés à son fiancé exerçaient une énorme pression sur son mental et son cœur. Elle avait alors l’impression qu’ils allaient céder d’un instant à l’autre. Elle vivait vraiment un véritable enfer.
La jeune femme mit environ une trentaine de minutes pour se nettoyer. Dès qu’elle termina, elle s’essuya, enfila des vêtements légers et amples, et retourna auprès de Mike qui l’attendait dans la salle à manger. À côté de lui se trouvait une trousse de soins.
- Montre-moi ton entaille s’il te plait, demanda-t-il après que Natacha ait pris place.
Mademoiselle Barnes lui tendit alors sa main, puis ouvrit la paume. Le jeune homme observa la blessure durant quelques secondes avant de sortir du coton, un flacon d’alcool, et des bandages de la trousse de soins. Il imbiba légèrement le coton de liquide, puis l’appliqua sur l’entaille de Natacha. Cette dernière fit alors une grimace témoignant de la douleur qu’elle ressentait.
- Comment tu t’es fait ça exactement ? demanda-t-il, légèrement curieux.
- J’ai eu un moment d’inattention en ouvrant le courrier de monsieur Invictus, répondit la jeune femme.
- Une chance pour toi que l’entaille ne soit pas trop profonde. La prochaine fois, tu feras plus attention avec le coupe-papier, rétorqua Mike en bandant la main de sa bien-aimée.
- Promis ! s’exclama la demoiselle.
Les soins étant terminés, Mike rangea tout ce qu’il y avait à ranger et jeta tout ce qu’il y avait à jeter. Il alla ensuite chercher le plat qu’il avait réchauffé et vint le poser juste devant la demoiselle. Cette dernière attrapa alors ses ustensiles et commença à manger. La délicieuse saveur de la nourriture chaude préparée avec amour et tendresse réchauffa légèrement le cœur souffrant de Natacha.
- Alors ? Comment tu trouves ? Délicieux, n’est-ce pas ? rétorqua le jeune homme, fier de sa préparation.
- Oui ! s’exclama la demoiselle avec un délicat sourire aux lèvres et des yeux humides.
La jeune femme dévora toute sa nourriture comme si cela faisait de nombreux jours qu’elle n’avait rien mangé. Peut-être était-ce là pour elle un moyen d’oublier cette horrible journée. Les minutes passèrent et l’assiette de Natacha se retrouva complètement vide. Elle se proposa alors de la nettoyer, mais Mike intervint soudainement.
- Je vais le faire à ta place. Tu as déjà eu une assez dure journée comme ça. Ce n’est pas la peine de t’occuper de cette tâche ingrate, dit-il.
Il attrapa donc l’assiette et les couverts qu’il nettoya légèrement avant de les mettre dans le lave-vaisselle et de lancer le cycle. Le jeune couple prit ensuite la direction de leur chambre où ils se couchèrent tous les deux dans le lit. Enlacée dans les bras de son fiancé, Natacha s’endormit quelques minutes plus tard, des larmes coulant à nouveau le long de son visage.
A suivre !!!
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