La promotion 15

Le luxueux cortège des membres du conseil d’administration arriva devant le Bender une trentaine de minutes après leur départ de l’entreprise. En tête de file se trouvait Herman Invictus, l’un des hommes les plus puissants et influents de tout le pays. Une fois que le véhicule s’arrêta, Gordon Botle descendit de la voiture, fit le tour de cette dernière, puis ouvrit la portière arrière faisant face à l’édifice. L’homme d’affaires sortit juste après de l’automobile et remercia son chauffeur tout en boutonnant sa veste de manière très élégante.

Le chauffeur de monsieur Invictus retourna dans la voiture pour laisser la place aux autres véhicules. Pendant ce temps, l’homme d’affaires marchant en direction du restaurant, un léger sourire aux lèvres. Au bout de quelques secondes, il se retrouva devant un des employés chargés de garder l’entrée de l’établissement.

  • Bonsoir et bienvenu au Bender. Que puis-je faire pour vous être utile ? rétorqua le jeune travailleur.
  • Bonsoir, une réservation pour sept au nom d’Herman Invictus a dû être faite il y a de cela quelques dizaines de minutes, répondit-il simplement.
  • Un instant s’il vous plait, rétorqua de nouveau le jeune employé.

Pendant qu’il cherchait le nom de l’homme d’affaires sur la tablette qu’il tenait entre les mains, les membres du conseil d’administration arrivèrent auprès de lui les uns à la suite des autres.

  • Je suis désolé, mais il semblerait que…

Avant même que le jeune homme ait le temps de terminer sa phrase, son supérieur, qui passait heureusement par-là, intervint soudainement.

  • Vous devez être monsieur Invictus, je suppose ? questionna-t-il.
  • C’est bien cela, en effet. À qui ai-je l’honneur ? répondit l’homme d’affaires, curieux.

L’homme qui arriva aux côtés d’Herman et des membres du conseil d’administration se présenta comme étant le manager de l’établissement. Il s’excusa également auprès de l’homme d’affaires, lui disant que leur système de réservation n’avait pas encore été mis à jour. L’employé à ses côtés, qui n’en savait visiblement rien, comprit alors pourquoi le nom de cet homme n’apparaissait pas sur la liste. Le manager invita donc monsieur Invictus et ses amis à le suivre jusqu’à leurs tables.

Le groupe traversa le rez-de-chaussée dans lequel un grand nombre de personnalités plus ou moins connues savourait leur repas. Ce dernier consistait en une sorte de grand hall dans lequel tout était nuancé de blanc. Que ce soit les murs qui donnaient un petit style européen à l’intérieur de l’édifice, les chaises sur lesquelles les clients étaient assis, ou encore les luxueux chandeliers accrochés au plafond, rien ou presque n’y dérogeait. En effet, les seules choses qui dénotaient dans cet environnement aussi particulier n’étaient nulle autre que les tables qui avaient sans doute été fabriquées dans l’un des bois les plus chers et les plus purs, les vêtements colorés des clients, et le marbre marron sur lequel ils marchaient.

En parlant des clients, le regard de chacune des personnes présentes se tourna immédiatement vers Herman Invictus et les membres du conseil d’administration tandis que des murmures faisaient de plus en plus écho dans la salle. Il va s’en dire qu’il était très inhabituel pour eux de croire une personnalité aussi importante que cet homme d’affaires qui marchait juste à côté du manager du restaurant.

  • Il semblerait que certaines personnes t’aient reconnu, Herman. La pièce est soudainement devenue beaucoup plus bruyante, rétorqua Alice Nicolay tout en regardant de part et d’autre.
  • C’est une réaction à laquelle il doit sûrement être habitué, ajouta Henry, un des frères Wingston.

L’homme d’affaires resta silencieux devant les commentaires de ses amis et se contenta d’afficher un léger sourire. Le groupe continua alors sa route vers une des cages d’ascenseur dans laquelle ils entrèrent tous. Le manager appuya ensuite sur le bouton portant le numéro 8 et étant accessoirement le plus haut niveau du bâtiment.

Dans un espace aussi confiné, le sentiment de nervosité éprouvé le manager du Bender était sans précédent. Ce n’était pas la première fois qu’il recevait des invités de marque dans son établissement, mais cette fois-ci, c’était différent. La personne située juste à côté de lui était l’un des hommes les plus puissants de cette ville, si ce n’était le plus puissant. Il se rappela la scène à l’entrée du restaurant lorsque son subordonné était sur le point d’annoncer cette haute personnalité que son nom n’était pas sur leur liste. L’homme se demandait alors ce qui aurait pu se produire s’il n’était pas intervenu à temps. Dans le meilleur des cas, cela se serait soldé par le simple renvoi du jeune employé à l’accueil, mais dans le pire des cas… le pire des cas. Le manager du Bender ne voulait pas penser à cela. D’ailleurs, l’ouverture soudaine des portes de l’ascenseur le ramena sur terre où il continua sa tâche.

Lorsqu’ils sortirent tous de l’ascenseur, le groupe fut tout d’abord accueilli par un changement d’atmosphère et de décor. Cela n’avait plus rien à voir avec le rez-de-chaussée qu’ils avaient quitté quelques minutes auparavant. Les différentes nuances de blanc avaient laissé place à des couleurs un peu plus sombres. Le marbre marron avait lui aussi été substitué par une variante blanche dont la valeur n’avait sans doute rien à envier à celle de celui utilisé plus bas.

En face des portes des ascenseurs, deux employés vêtus d’un costume noir et de gants blancs étaient stationnés derrière un comptoir. D’après les dires du manager, ces derniers agissaient en temps que garde et veillaient à ce que seules des personnes disposant d’invitations particulières ; dans leur cas d’un statut particulier ; soient les seules à mettre les pieds à cet étage, ce qui laissa penser que cet étage était uniquement réservé à une élite parmi les élites. C’était du moins ce que la plupart des personnes présentes dans l’élévateur se disaient à ce moment.

Le manager invita de nouveau l’homme d’affaires et les membres du conseil d’administration à le suivre. Il les conduisit alors dans une des six salles que comportait ce niveau de bâtiment. Les sept personnes découvrirent alors une pièce munie d’une table faite en verre au lieu de bois comme celles du rez-de-chaussée, des chaises noires au design plutôt simpliste, mais aux finitions sans pareilles témoignant d’une grande expertise dans leur processus de fabrication, et une magnifique vue sur une grande partie de la ville. Ce qui attira néanmoins l’attention de tout le monde fut sans aucun doute l’énorme meuble situé à quelques mètres de leur table. En effet, ce dernier qui faisait toute la hauteur de la pièce servait à la fois de cave à vin, mais également de séparateur avec la salle d’à côté.

Herman Invictus, ainsi que les six autres membres du conseil d’administration prirent finalement place à leur table. L’homme d’affaires s’assit sur la chaise faisant face à la vitre de la pièce tandis que les autres s’installèrent de part et d’autre de la table, les deux femmes du groupe n’étant bien évidemment pas du même côté. Une fois cela fait, sept employés, eux aussi vêtus de costumes noirs et de gants blancs, entrèrent dans la salle avec dans leurs mains le menu du restaurant qu’ils leur donnèrent. Les trois hommes et quatre femmes attendirent ensuite que ces personnalités de marque fassent leurs choix tandis que le manager quittait les lieux.

Alors qu’ils parcouraient respectivement leur menu, une partie du groupe avait du mal à se décider parmi tout ce que le restaurant avait à leur offrir. Seule Alice Nicolay avait déjà fait son choix. La demoiselle opta donc pour une « Expérience d’or ». Il s’agissait d’un steak de bœuf de Kobé saupoudré d’une couche d’or comestible de 24 carats. Elle ajouta à cela une bouteille de Domaine de la Romanée-Conti Grand crue et un « Frrrozen Haute Chocolate » ; un désert composé entre autres de 14 variétés de cacaos, de crème fouettée de madeleine aux truffes, et de quelques grammes d’or comestible. Montant total de la facture : 41.400 dollars plus frais de réservation. L’employée chargée de s’occuper d’Alice Nicolay nota soigneusement sa demande dans un bloc-notes avant de quitter la pièce.

Curieux de savoir ce que la jeune femme venait de commander, Johan, Henry, Alex, et les autres scrutèrent leur menu à la recherche des articles qu’elle venait de prononcer.

  • Il semblerait que les gouts de mademoiselle soient quelque peu particuliers, rétorqua soudainement Richard Flayman qui venait tout juste de les trouver.
  • Il semblerait en effet. De l’or comestible ! C’est la toute première fois que j’en entends parler. Mais ne penses-tu pas que cela puisse s’avérer dangereux pour la santé ? ajouta Johan Yens juste après son collègue.
  • Honnêtement, je n’en ai pas la moindre idée. Cela pourrait en effet être dangereux pour la santé, mais j’en doute fortement, répondit la concernée.
  • Et pourquoi cela ? questionna de nouveau monsieur.
  • Je doute fort qu’un restaurant aussi élitiste puisse mettre en danger la santé de ses clients. Cela leur ferait une trop mauvaise publicité, déclara la jeune femme.
  • Elle marque un point. Le principe de ce genre d’établissements est de fournir à sa clientèle les meilleurs mets qui soient. Néanmoins, vu le prix, j’ose espérer pour toi qu’il soit somptueux, dit Henry, un des frères Wingston.
  • Je l’espère également, dit une fois de plus la jeune femme.

N’étant pas aussi courageux que la demoiselle pour s’aventurer en terre inconnue, Henry et Alex Wingston prirent quelque chose de beaucoup plus simple, à l’occurrence deux steaks de bœuf wagyu. De par la qualité de ce produit ; la viande de wagyu étant l’une des plus chères et des plus prisées au monde ; il n’était pas étonnant de voir que le prix de 250 dollars pour 100 grammes était marqué dans le menu. Ce fut également pourquoi les serveurs chargés de s’occuper des frères Wingston leur demandèrent la quantité qu’ils désiraient déguster.

  • Un demi-kilogramme me conviendra parfaitement, répondit Henry.
  • Pour moi, ce sera le double, ajouta son grand frère juste après.

Les deux hommes ajoutèrent chacun par la suite une bouteille de vin, l’ainé prenant la même que celle de mademoiselle Nicolay tandis que le cadet se contenta d’un Egon Muller Scharzhofberger Riesling Trockenbeerenauslese. Bien évidemment, ne pouvant correctement prononcer le nom de sa bouteille de vin, il indiqua simplement au serveur ce qu’il voulait. Les deux frères conclurent leur commande en y ajoutant un caviar en guise de désert et un peu de pain. Montant total de la facture : 18.150 dollars pour Henry et 14.500 dollars pour son grand frère. Comme la précédente employée, les deux serveurs quittèrent la pièce après avoir soigneusement pris note.

Quelques instants plus tard, ce fut au tour des serveurs ayant pour mission de prendre soin des commandes de Richard Flayman, Jennifer Homes, et Johan Yens de sortir de la pièce. Ces derniers, qui avaient tous pris la même bouteille de vin qu’Alice Nicolay, ordonnèrent divers plats exotiques pour des montants totaux variant entre 15 et 30 mille dollars. Le seul qui restait désormais n’était nulle autre que Herman Invictus. Le regard de tout le monde se tourna alors vers l’homme d’affaires qui était toujours en train de lire son menu.

  • Herman ! Qu’est-ce qu’il t’arrive ? rétorqua soudainement mademoiselle Nicolay.

Interpellé par la subite question de sa collègue, l’homme baissa légèrement son menu uniquement pour se rendre compte que tout le monde le regardait.

  • Je me porte à merveille. Pourquoi tu me le demandes ? D’ailleurs, pourquoi vous me fixez tous de la sorte ? répondit monsieur Invictus.
  • Depuis tout à l’heure, tu me parais bien silencieux, dit la jeune femme, légèrement inquiète.
  • C’est vrai. Tu n’as pas prononcé le moindre mot depuis que le rez-de-chaussée. Tu n’as même pas pris le temps de réagir devant toutes ces personnes qui te regardaient, ajouta à son tour Richard.
  • Je confirme. Le Herman Invictus que nous connaissons aurait sorti une des phrases dont seul lui a le secret afin de les rabaisser, dit mademoiselle Homes.
  • Je suis désolé de vous avoir inquiétés, mes chers amis. J’avais un peu l’esprit ailleurs, déclara l’homme d’affaires après avoir rigolé un petit peu.
  • Et à quoi pensais-tu ? questionna de nouveau Alice Nicolay, curieuse de savoir.

Herman Invictus leur répondit alors qu’il réfléchissait sur son emploi du temps du lendemain, plus précisément de certaines affaires dont il devait s’occuper dans la soirée. On lui demanda de plus amples explications, mais ce dernier se contenta de dire qu’il s’agissait d’une affaire personnelle qui lui tenait vraiment à cœur. Ne pouvant obtenir plus d’informations de sa part, les membres du conseil d’administration ne posèrent pas plus de questions et préférèrent attendre que les employés du Bender reviennent avec leurs commandes.

A suivre !!!

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