la promotion 16

17h57 ; alors que cela faisait déjà une trentaine de minutes que sa collègue était rentrée chez elle, Natacha Barnes était toujours assise derrière son écran d’ordinateur. Pour cause, elle venait tout juste de finir d’écrire son dernier rapport après une journée remplie de nombreuses péripéties alcooliques qui l’avaient retardée dans son travail. La jeune femme s’empressa de sauvegarder son document et de l’envoyer à son patron. Une fois cela fait, il ne lui restait plus qu’à déposer les deux dossiers qui se trouvaient sur son bureau dans celui de monsieur Invictus. Ces derniers lui avaient été confiés une heure auparavant par un employé des ressources humaines.

Mademoiselle Barnes attrapa donc les deux dossiers, se leva de son siège, et entra dans l’office de son patron. Alors qu’elle observait le bureau derrière lequel l’homme d’affaires avait l’habitude de s’assoir, de mauvais souvenirs ressurgirent à nouveau dans sa tête, ce qui la figea sur place. Elle se revoyait à genoux, larmes aux yeux, en face d’un homme dont elle ignorait la véritable nature jusqu’à lundi dernier. La jeune femme se remémorait la désagréable sensation d’avoir son « truc » dans sa bouche et d’être impuissante face à lui et à ses menaces. Pire encore, elle se rappelait parfaitement l’effroi et le dégout qu’elle avait ressenti pendant et après de cette relation non consentante. Ce flot d’émotions et de souvenirs fit couler une larme le long du visage de Natacha qui s’empressa de la balayer du revers de la main.

Après s’être finalement ressaisie quelques minutes plus tard, Natacha s’avança vers le bureau de monsieur Invictus et y déposa les deux dossiers qu’elle tenait en main. Elle sortit ensuite de la pièce et alla récupérer ses affaires. Une fois cela fait, la jeune femme retourna à son véhicule.

Arrivée dans sa voiture, la première chose que la demoiselle fit fut de sortir la bouteille de Whisky qui se trouvait dans son sac à main. Cette dernière l’avait bien entamée au fil de la journée, n’y laissant à l’intérieur que le tiers de son volume total. Tandis qu’elle ingurgitait d’une traite le reste de la boisson alcoolisée, Natacha se remémora les dires que son patron prononça avant de se rentre au restaurant. Elle savait donc que le semblant de normalité qu’elle allait expérimenter tout au long de sa journée suivante se terminerait par un ou des actes qui la répugnaient au plus haut point. Bien que cela allait s’avérer très difficile, elle s’était promis de ne pas céder à la pression, de tout encaisser jusqu’à ce que cette mauvaise période passe. Natacha Barnes referma la bouteille de Whisky avant de la jeter sur le siège passager. Elle démarra ensuite le véhicule et partit en direction de son domicile.

Sur le chemin, la vision de la jeune femme était trouble et ses réflexes étaient beaucoup plus lents que d’habitude. L’alcool commençait à faire son effet. Natacha poursuivit néanmoins son trajet et parvint à arriver sans accident chez elle une vingtaine de minutes plus tard, si tant est que l’on ne prît pas en compte la poubelle qu’elle percuta au moment de se garer. La demoiselle coupa son moteur et resta cependant dans sa voiture, le temps d’enfiler un masque capable de cacher l’état dans lequel elle se trouvait à son fiancé.

Après de profondes inspirations, la jeune femme trouva enfin le courage de sortir de son véhicule et de partir en direction de la porte d’entrée.

  • Je suis là ! s’exclama-t-elle en refermant derrière elle.
  • J’suis dans la cuisine ! déclara Mike juste après.

Attirée par la bonne odeur qui en émanait, la demoiselle déposa son sac à main dans un des fauteuils, puis alla rejoindre son homme.

  • Hum ! Ça sent bon ici. Qu’est-ce que tu prépares ? rétorqua Natacha une fois dans la même pièce que Mike.
  • Ce soir, j’ai décidé de faire un gratin comme celui que ma mère me faisait quand j’étais petit. Il devrait être prêt dans quelques instants, répondit le jeune homme.

Armé de son tablier et de ses gants de cuisine, Orzak stoppa la cuisson et sortit le plat du four quand la sonnerie du minuteur retentit. Il le déposa ensuite sur le plan de travail. La demoiselle put alors observer, avec un certain appétit, le chef-d’œuvre de son fiancé.

  • Comme ma mère me le disait souvent « Rien ne vaut un bon gratin pour faire disparaitre tous les soucis de la journée », déclara-t-il, fier de sa préparation.

Natacha s’approcha de Michael et le prit dans ses bras.

  • Michael Orzak, vous ai-je déjà dit à quel point je suis heureuse de vous avoir dans ma vie ? rétorqua la jeune femme.

Tandis qu’elle s’adressait à lui, Mike sentit une odeur particulière dans l’haleine de sa bien-aimée, une odeur d’alcool. Cela s’accentua quand les deux échangèrent un langoureux baiser dans la cuisine.

  • Tu as bu de l’alcool, Natacha ? lui demanda-t-il soudainement.
  • Oui ! Une collègue à moi, Fatima, m’a invitée à boire un verre et j’ai accepté. J’avais vraiment besoin de décompresser, répondit la demoiselle.

Bien que cela n’était qu’un mensonge inventé de toute pièce en moins d’une seconde, cela suffit cependant à convaincre le jeune homme qui savait ou plutôt imaginait la pression que sa fiancée subissait durant sa phase de test.

  • Je vois. Quoi qu’il en soit, va prendre une douche pendant que je mets la table, lui suggéra Mike.
  • T’es le meilleur ! s’exclama la demoiselle par la suite en lui donnant un léger baiser.
  • Je sais, dit-il.

Natacha desserra son étreinte avant de quitter la pièce. Elle attrapa ensuite son sac à main, puis partit en direction de la chambre à coucher.

—–*—–

Les membres du conseil d’administration avaient presque terminé leur repas. Certains, tels que mademoiselle Nicolay, entamaient désormais leur dessert. Le « Frrrozen Haute Chocolate » de la demoiselle, lui aussi saupoudré d’une fine couche d’or comestible, semblait moins appétissant à cause de cette dernière. Cela n’empêcha cependant pas la jeune femme d’y plonger sa cuillère et d’en avaler un bout.

  • Hum ! C’est vraiment délicieux ! Vous devez essayer, s’exclama-t-elle par la suite.
  • Non, merci ! Je ne suis pas un grand fan de chocolat, rétorqua Richard Flayman.
  • Dommage ! s’exclama la demoiselle avant de prendre une autre cuillère de crème glacée.

Alors que l’homme d’affaires se servait un autre verre de vin, Jennifer lui demanda des nouvelles de sa famille. Juste après cela, un silence soudain s’abattit dans la pièce et le regard de tous les membres du conseil d’administration se tourna dans sa direction. Bien qu’il était quelqu’un qui était habitué à être sous les feux des projecteurs, Herman Invictus restait néanmoins très discret quand il s’agissait de sa famille.

  • Henrietta et les enfants se portent à merveille. Marion semble indécise vis-à-vis de l’endroit où elle poursuivra ses études universitaires. Je lui ai dit de ne pas trop s’en faire pour ça, qu’elle avait encore un an devant elle pour faire son choix…
  • C’est vrai qu’avec un père comme le sien, peu importe l’université qu’elle choisira, je pense qu’elle y sera acceptée facilement, rétorqua mademoiselle Nicolay.
  • Je confirme ! ajouta Henry Wingston.
  • C’est là où vous faites erreur. Mes enfants savent très pertinemment que j’en attends énormément d’eux. Certes, je ne lésine pas sur les moyens pour assurer leur avenir, mais cela ne veut pas dire que tout leur ait acquis. Ils n’ont absolument pas droit à l’erreur, continua l’homme d’affaires.

Tandis que Herman prenait de nouvelles gorgées de vin, ses amis ne pouvaient s’empêcher d’imaginer le genre d’éducation qu’il avait donné à ses enfants, car après tout, il était un individu qui aimait tout contrôler.

  • Qu’en est-il de tes deux fils ? questionna à son tour Richard Flayman.
  • Aux dernières nouvelles, Hunt s’apprêtait à obtenir sa maitrise en administration des affaires. Je pourrai désormais lui montrer les ficelles du métier. Ethan, quant à lui, mène pour l’instant une vie de jeune homme insouciant. Quoi qu’il en soit, assez parlé de moi. Je suppose que je ne suis pas le seul dont on veut prendre des nouvelles, répondit une fois de plus l’homme d’affaires avant de prendre une nouvelle gorge de vin.

Le message était clair pour les autres, l’homme ne voulait plus qu’on lui pose des questions sur sa famille, ce qui poussa le groupe à parler d’autre chose pendant le peu de temps libre qu’il leur restait encore.

—–*—–

Cela faisait déjà une trentaine de minutes que Natacha se trouvait sous la douche. C’était le seul endroit dans la maison où elle pouvait pleurer sans importuner celui qu’elle aimait. Elle ne pouvait cependant pas y rester trop longtemps de peur d’attirer son attention. La jeune femme ferma donc l’arrivée d’eau et sortit de la douche. Elle s’arrêta devant le miroir où elle passa de très nombreuses minutes à regarder son reflet et à ressasser une fois encore ce que monsieur Invictus lui avait dit.

  • Natacha ! s’exclama soudainement Mike qui était venu voir pourquoi elle mettait autant de temps.
  • Oui ! J’ai presque fini, rétorqua la demoiselle qui était de retour sur terre.
  • Dépêche-toi ! La nourriture va refroidir, dit le jeune homme juste après.
  • J’arrive dans deux minutes ! déclara-t-elle.

Ni une ni deux, Natacha s’essuya, enfila par la suite de nouveaux vêtements, puis retourna dans la salle à mange où un délicieux repas l’attendait.

  • J’ai vraiment hâte de gouter ce que tu as préparé, dit la demoiselle en s’asseyant à table.
  • Tu m’en diras des nouvelles, rétorqua le jeune homme, impatient de voir la réaction de sa fiancée.

Quelques instants après avoir été servie, tandis qu’elle venait tout juste de prendre sa première bouchée, la jeune femme connut une extase culinaire. C’était comme une agréable explosion de saveurs au niveau de ses papilles gustatives. La nourriture était tellement bonne que Natacha oublia temporairement ses problèmes.

  • Alors ? Comment tu trouves ? demanda Mike.
  • C’est bon ! C’est très bon ! répondit la demoiselle avec la bouche pleine.
  • J’suis content que cela te plaise. Manges-en autant que tu veux, rétorqua de nouveau le jeune homme.

Mademoiselle Barnes ne se fit pas prier et engloutit tout ce qu’elle pouvait. De son côté, Orzak était content de voir que sa bien-aimée avait toujours un appétit aussi impressionnant. C’était au moins une chose que son travail ne pouvait pas lui retirer.

  • Alors, c’était comment le boulot ? questionna le jeune homme.
  • Chargé. Monsieur Invictus était indisponible durant toute la journée, ce qui nous a poussé Tess et moi à prendre le relai et à tout gérer durant son absence. Et de ton côté ? Comment était ta journée ? dit Natacha.
  • De mon côté ? Hum ! Aujourd’hui, on a reçu une personne de marque qui nous a proposé un contrat assez intéressant à condition que je sois son photographe attitré, répondit le jeune homme.
  • Photographe attitré, dis-tu ? Elle s’appelle comment ? Et comment elle est ? questionna la demoiselle, curieuse.

Michael savait à quoi jouait Natacha. Il pouvait clairement sentir un brin de jalousie dans le timbre de sa voix.

  • Elène Degrâce ! Elle s’appelle Elène Degrâce, et tu n’as pas à t’en faire pour sa beauté. Tu sais très bien qu’aucune femme n’est plus belle que toi, déclara Orzak.
  • Hum ! s’exclama Natacha avec un regard suspicieux.
  • Ne fais pas cette tête ! Tu sais très bien qu’il n’y a que toi que j’aime. Bébé, tu me crois j’espère ? rétorqua le jeune homme.
  • Hum ! Elle est belle à quel point ? dit-elle juste après.
  • Bébé !

La soirée se poursuivit ainsi avec Natacha demandant des détails sur la fameuse Elène Degrâce et Michael faisant tout pour ne pas s’enfoncer dans ce marécage de questions.

A suivre !!!

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