“Un pardon sincère n’attend pas d’excuses.”__Sara Paddinson
Aussitôt arrivée, elle entra en trombe dans la maison et se dirigea d’abord vers la cuisine à la recherche d’une personne en particulier. S’apercevant très vite que le sujet de ses recherches n’était pas à cet endroit, elle alla ensuite dans le salon.
A cet instant sa tête était pleine de sombres idées. Christ était bel et bien mort, pas simplement disparu. Sa réalité lui paraissait à présent tel un immense tissu de mensonges. Elle était complètement perdue. A qui devait-elle faire réellement confiance, se demandait-elle. Sa mère lui mentait depuis toujours et ne semblait pas être prête à lui avouer la vérité d’après ce qu’elle avait entendue le matin même. Était-elle même humaine, ou un monstre, une bizarrerie de la nature?
Les larmes s’écoulant lentement de ses yeux montraient à la vue du monde la profondeur de la tristesse et de la peur qu’elle éprouvait. Était-elle toujours cette petite fille pleurnicharde du point de vue de sa maman? N’avait-elle pas suffisamment confiance en elle pour lui cacher cette fondamentale vérité qui la dévorait lentement de l’intérieur.
Quand elle atteint la porte menant au salon, c’est avec des mains moites qu’elle tourna la poignée. Percevant clairement les battements de son cœur, elle pénétra finalement dans la pièce. Elle avança doucement pour se retrouver devant sa mère qui était assise face à la grande baie vitrée qui s’ouvrait vers leur petit jardin. Le reflet sur la vitre lui renvoyait l’image d’une femme perdu et déboussolée, un peu comme elle en ce moment. Elle savait d’ores et déjà que la discussion n’allait pas être facile car sa maman était assez sensible. Elles étaient toutes les deux assez fragilisées par la situation.
La jeune fille s’accroupit et prit les mains de sa mère. Elle les frotta gentiment essayant de lui apporter un peu de chaleur…
C’est vrai qu’au début, emportée par la colère elle voulait brusquer sa génitrice, la blesser. Mais maintenant qu’elle la voyait dans cet état, elle avait juste pitié. Toute sa colère s’était envolée, elle voulait juste comprendre ce qui l’avait poussé à agir comme ça. Elle ne lui en voulait plus.
Sa tentative pour la faire réagir fut un assez grand succès car cette dernière se tourna lentement vers elle. Son visage fatigué marqué par les cernes sous ses yeux la choqua encore plus, amplifiant l’idée qu’elle devait y aller doucement.
- -Maman je veux comprendre ce qui se passe. Toi seule peut me donner les réponses que je cherche.
Aucune réponse ne lui parvint. C’est le regard inexpressif de sa maman qui lui apparaissait. Sentant une profonde douleur dans son cœur, elle entoura sa maman de ses bras et la serra très fort. C’est à ce moment qu’elle entendit des sanglots dans son dos et deux bras l’enlacer plus fort. Puis c’est la sensation d’un liquide qui se déversait dans son cou qui vint la troubler encore plus. Soudain elle entendit des légers chuchotements embrumés par les larmes et reniflements de sa maman.
- -Je..suis .. vraiment désolée. Je voulais vraiment te protéger, je voulais vous protéger… je ne cherchais pas à vous faire du mal, émit-elle entre deux sanglots.
- -Maman…lui chuchota-t-elle tendrement, arrête de pleurer, ça me fait doublement souffrir. Aucun enfant ne souhaite voir sa mère pleurer autant, ajouta t-elle. Pour te dire vrai, j’étais tellement en colère contre toi que je voulais te blesser de telle sorte que tu ressentes la même douleur que je traverse en ce moment.
- -Je suis désolée Elsy, je ne savais pas que tu allais faire face à ça maintenant. Votre protection à toi et à ton frère est ma priorité, je ne veux plus perdre une personne qui m’est chère.
- -Tu veux parler de notre père? demanda t-elle
- -Oui. Je ne pense pas que je supporterai ça une fois de plus. Je savais que si je vous en avais parlé, tout allait s’enchaîner comme une maudite réaction en chaîne. Elsy, je te connais assez bien pour savoir que le simple fait de le savoir ne t’aura pas suffit. Tu aurais voulu apprendre à contrôler tes pouvoirs, à les développer et je suis sûr qu’ils nous auraient retrouvés.
- -De qui tu parles maman? De qui as-tu si peur, dis le moi s’il te plait, l’implora-t-elle.
A ces mots, le visage de sa mère se déforma. Ses mains commencèrent à trembler et la terreur se lisait dans son regard.
- -Les ombres. Une noirceur tellement immonde que si elle engloutissait le monde tout serait perdu. C’était terrifiant, je ne pourrais jamais oublier ce jour funeste qui changea entièrement ma vision du monde et fragilisa ma confiance.
- -De quoi tu parles maman? Expliques moi, je pourrai peut- être t’aider.
Elle mit une certaine distance entre sa fille et elle puis prit ses mains qu’elle serra doucement. Puis elle vint coller son front contre celui de cette dernière.
- -Pour que tu comprennes il faut que je te raconte tout depuis le début, chuchota-t-elle.
Elle décolla alors son front de celui de sa fille mais garda tout de même leurs deux mains liées. Les deux femmes se fixaient à présent dans les yeux, prêtes à se lancer dans des confidences plus sérieuses. La plus âgée fut la première à briser la glace.
- – Je suis une Medjaÿ. En conséquence, je ne suis pas née sur terre comme tu peux t’en douter, mais dans un autre monde. Ce sera peut-être un peu trop pour tout te dire en une fois, mais j’essaierais de te faire un petit résumé.
Elle pressa un peu plus fort les mains de sa fille puis continua son monologue.
- -Nous avons le devoir de protéger ce monde et ses habitants contre les ténèbres qui l’entourent et le convoite. Toutes les créatures de tes livres sont bien réelles et vivent parmis nous, mais là n’est pas le plus important. Nous sommes pratiquement les représentantes de la déesse Tréïa. Nous avons la capacité d’emprunter littéralement une partie de ses pouvoirs, déclara t-elle.
La réaction de sa fille ne se fit pas attendre. Comme on pouvait s’y attendre, ses yeux s’écarquillèrent lentement, nous laissant la possibilité d’apercevoir la merveilleuse lueur qui y prenait naissance.
- -Tréïa…. Non attends tu veux parler de la créatrice des mondes? Celle qui décida de se sacrifier en délaissant les autres divinités pour préserver notre planète de l’invasion d’Eastraos le démon? Donc tu veux aussi dire qu’ Eastraos est bien réel alors et aussi… s’interrompit-elle devant le sourire de sa mère.
Sa voix était montée lentement dans les aiguës au fur et à mesure qu’elle avait parlé, signe de son étonnement et de sa curiosité grandissante.
- -Oui cette légende est bien réelle, répondit-elle face à la mine interrogatrice de sa fille.
Elle s’arrêta quelques instants puis continua.
- -A notre naissance, un lien se crée entre nous et notre protecteur.
- -Un protecteur? Tu veux dire comme un chevalier attitré seulement pour ta protection?
- -Oui. Tu sais, chaque Medjaÿ est lié depuis la naissance à un protecteur, par une tâche de naissance identique sur le dos. On n’avait pas vraiment de choix à faire mais était contraint d’accepter cette partie de notre destin même si souvent ça se déroulait très mal. Par exemple ma mère, ta grand-mère, était liée à la fille d’un haut dignitaire de l’armée et elles sont devenues de grandes amies. Moi par contre, j’étais lié à un homme du peuple. Il avait la tâche de la déité, notamment des ailes d’anges ancrées dans son dos. Pour tout te dire, on ne s’entendait pas très bien au début à cause de nos origines. Quand j’y repense encore aujourd’hui, je crois bien que l’on se détestait tellement que l’on a fini par s’aimer. Comme le dit si bien le proverbe entre la haine et l’amour, il n’y a qu’un pas.
Elle termina sa phrase avec un petit sourire et de légères rougeurs sur ses joues.
- – On s’est marié et quelques temps après, tu es venue, tu es entrée dans notre vie. La nouvelle était partie comme un feu et en un instant tout le royaume était au courant. Nous attendions ta venue avec tant d’impatience… Malheureusement notre bonheur fut de courte durée car les ténèbres se sont toutes réveillées et c’est là que la guerre a commencé. C’était mon devoir de protéger tout le monde mais étant enceinte de toi, j’ai dû me cacher, j’étais complètement inutile. C’est votre père qui nous protégeait. Ils ont réussi à en enfermer quelques-uns mais malgré tout on fut découvert. J’ai essayé de m’enfuir mais je n’ai pas pu, car j’étais totalement épuisée.
Son regard devint tout à coup trouble laissant doucement s’échapper des larmes. La jeune fille s’attèla à les essuyer avec les manches de son blouson.
- – C’est à ce moment que ton père est venu, mais seul contre tous, il n’a pas pu… Alors quand il sentit qu’il était à bout de force, pour nous protéger, il nous envoya sur terre, toi et moi. Mais en faisant ça il détruisit son corps. Alors lorsque je me suis retrouvée toute seule, j’ai dû camoufler mon énergie pour que nos poursuivants ne puissent nous retrouver. Je t’ai donné naissance à cette période. Malgré les difficultés, je t’ai élevé en te donnant tout l’amour que j’avais. J’aurai tout fait pour toi car tu étais ma raison de vivre, celle qui me rappelait ton père et son sacrifice. Mais 9 ans plus tard, un miracle se produisit. Je n’y est pas cru sur l’instant mais, il était là en chair et en os avec moi même si ce ne fut que pour une journée entière . Une chose entraînant une autre, c’est là que j’ai eu Mikaël, ton petit frère.
Elle s’arrêta de parler quelques secondes en prenant une grande inspiration puis repris.
- – Je voulais te raconter cette histoire depuis, mais…….
Elle ne put finir sa phrase car un bruit derrière elles les avait interpellés. Elles se tournèrent alors et tombèrent nez à nez avec Mikaël .
- -Mikaël ?! s’exclamèrent-elles en cœur.
Le petit garçon ne semblait pas avoir entendu leur appel car il resta inactif comme cloué à même le sol les fixant intensément. Ses yeux qui étaient éteints s’éveillèrent avec une lueur menaçante quelques secondes après.
- -Ten, pourquoi maman est dans cet état…