Comme à son habitude, Michael Orzak patientait devant son arrêt de bus. Parmi toutes les personnes qui attendaient en même temps que lui, son attention fut attirée par une jeune mère qui tenait dans ses bras son enfant. Celui, qui ne devait pas avoir plus de 3 ans, observait le monde autour de lui comme s’il le découvrait pour la toute première fois. Michael admira l’innocence dans les yeux de ce petit bout de chou qui n’avait pas encore à se préoccuper des problèmes de ce monde et devait juste se contenter de se laisser porter par son curieux instinct.
Le regard de l’enfant et celui du jeune homme se croisèrent. Sans surprise, le fiancé de Natacha se mit à lui sourire, ce qui le fit également réagir. Michael se mit par la suite à jouer avec lui, exécutant diverses grimaces farfelues dans l’optique de le faire sourire. Au bout de quelques dizaines de secondes, les rires de joie de l’enfant envahirent l’arrêt de bus et la mère, qui avait passé son temps à les observer tous les deux, s’adressa finalement à Orzak.
- Vous savez vraiment vous y faire avec les enfants, lui dit-elle.
- J’ai fait beaucoup de babysitting quand j’étais plus jeune. Donc, on peut dire que les enfants, ça me connait, lui répondit-il en souriant.
Tandis que le bus se rapprochait de plus en plus de leur arrêt, Michael questionna cette jeune mère sur l’âge de son enfant. Cette dernière lui dit alors qu’il avait un an et demi et en profita également pour savoir si lui aussi avait un ou des enfants.
- Non, je n’en ai pas, répondit une fois de plus le jeune homme.
- Je vois. Et vous comptez en avoir plus tard ? demanda-t-elle à nouveau.
Michael resta silencieux devant la nouvelle question de cette jeune mère. Bien qu’il avait abordé ce sujet de très nombreuses fois avec Natacha, les deux ne se sentaient pas vraiment prêts à concrétiser ce projet, car après tout, élever un enfant nécessitait énormément de temps et de sacrifices. Étaient-ils seulement prêts à les faire ?
- Peut-être. C’est une décision que je devrais prendre avec ma fiancée, rétorqua Orzak juste après.
Le bus se présenta finalement devant toutes les personnes qui l’attendaient. Les portes de ce dernier s’ouvrirent alors, les invitant par la même occasion à monter à bord. Michael, la jeune mère, et l’enfant montèrent dans le véhicule et s’assirent les uns à côté des autres. Quelques secondes plus tard, ce même enfant tendit soudainement ses bras vers le fiancé de Natacha Barnes qui fut légèrement surprise par son comportement.
- Il veut que vous le preniez dans vos bras, lui dit la jeune mère.
Michael tendit à son tour ses bras et attrapa délicatement le bout de chou. Sous le regard attentif et le sourire de la maman, le jeune homme le souleva légèrement au-dessus de sa tête.
- Coucou toi ! Ça va ? rétorqua Michael en faisant de nombreuses grimaces.
Sans la moindre surprise, l’enfant se mit à rire devant le visage déformé du jeune homme. Pendant qu’il s’amusait avec lui, Michael ne put s’empêcher de s’imaginer en tant que père de famille. Il se voyait aux côtés de Natacha, qui serait devenue son épouse à ce moment, et de leur fille. Orzak se projetait dans un futur où il jouerait avec elle, où serait son héros qui la protègerait de tout, où il la verrait grandir et s’épanouir. Cela remplirait le jeune homme de bonheur, un bonheur que l’enfant qu’il portait ressentit.
Le duo composé de Michael Orzak et de l’enfant continua de s’amuser le long du trajet jusqu’à ce que le véhicule arrive finalement à l’arrêt du jeune homme. Il remit alors le bout de chou à sa mère, lui disant qu’il descendait du bus.
- Ce fut vraiment un plaisir de jouer avec lui, ajouta-t-il.
- Je crois que lui aussi a pris beaucoup de plaisir à jouer avec vous, rétorqua la jeune mère en voyant comment son enfant tendait ses bras pour retourner chez Michael.
Le jeune homme sourit une dernière fois à l’enfant que la maman essayait de consoler, puis leur souhaita de passer une excellente journée.
- Passez une excellente journée vous aussi, s’exclama la jeune mère.
Alors que le bus démarrait et s’éloignait, Michael en profita une dernière fois pour saluer cette jeune femme et son enfant avant de partir en direction de son lieu de travail.
—–*—–
Michael Orzak arriva sur son lieu de travail aux alentours de 8 heures moins le quart. Comme à l’accoutumée, ce dernier fut accueilli par Jessica Plano, sa patronne et également la propriétaire du bâtiment dans lequel il travaillait.
- Te voilà enfin ! s’exclama la demoiselle.
- Je suis pourtant en avance si je ne me trompe pas, répondit le jeune homme.
- Tu l’es en effet, mais les gens qui t’attendent sont là depuis plusieurs minutes déjà, dit Jessica par la suite.
- Les gens ? Je croyais que seul le garde du corps de mademoiselle Degrâce devait être présent aujourd’hui ? s’étonna Michael devant les propos de son amie et patronne.
- Je le pensais également, mais il s’est pointé ce matin avec une autre personne qui je pense doit être son avocat. Quoi qu’il en soit, les deux t’attendent à l’étage pour la signature du contrat, déclara la jeune femme.
Les deux jeunes gens prirent la direction du quatrième étage où les attendaient les deux envoyés de mademoiselle Degrâce. Dans l’ascenseur, Michael demanda à Jessica si elle avait eu l’occasion de jeter un coup d’œil au type de contrat qu’ils devaient tous les deux signer.
- Malheureusement non. Monsieur Alexander Strauss, son avocat m’a dit d’attendre que tous les partis soient présents avant de commencer la procédure, répondit mademoiselle Plano.
- Dommage. Nous découvrirons donc les termes de ce contrat au même moment. J’espère juste que ce n’est pas un partenariat qui nous désavantage, déclara le jeune homme.
- J’ai plus peur pour toi que pour le type de contrat que nous allons signer, dit Jessica.
- Encore ! Jessica, je t’ai déjà dit que je ne compte rien faire de déplacé avec Elène Degrâce. Je te signale que je suis fiancé et que j’aime Natacha de tout mon cœur. Je ne vois donc pas pourquoi tu t’inquiètes. En plus, même si c’est elle qui passe à l’action, je lui dirai simplement que cela est impossible, qu’il y a déjà une femme dans ma vie, rétorqua Michael Orzak, très sûr de lui.
Mademoiselle Plano roula des yeux avant de lui dire qu’il ne savait vraiment pas de quoi les femmes étaient capables, que lorsqu’elle désirait quelque chose, elle faisait tout pour l’obtenir. Le jeune homme pensait que son amie exagérait, qu’il serait en mesure de gérer n’importe quelle situation à venir.
Quand les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, Michael découvrit une tête familière. Il s’agissait de celle de Roger Crougz, le garde du corps de mademoiselle Degrâce. Ce dernier portait cette fois-ci un costume complètement gris et semblait encore plus nerveux que d’habitude. À côté de lui se trouvait un homme que Michael n’avait jamais vu auparavant. Il assuma alors qu’il devait s’agir de l’avocat en question. Celui-ci était également vêtu d’un costume comme Crougz à la seule différence que le sien était totalement noir. Il portait également une paire de lunettes qui lui donnait plus l’allure d’un simple avocat que celui d’une personnalité publique telle que mademoiselle Degrâce et tenait dans une de ses mains un attaché-case de couleur marron. Le duo Orzak-Plano se rapprocha des envoyés de leur futur partenaire.
- Bonjour ! Vous devez être monsieur Orzak si je ne me trompe pas, s’exclama l’avocat à leur arrivée en lui tendant la main.
- Oui, en effet. À qui ai-je l’honneur ? répondit le fiancé de Natacha Barnes en serrant la main de l’homme.
- Strauss ! Alexander Strauss, avocat de mademoiselle Degrâce, lui dit-il par la suite.
- Enchanté de faire votre connaissance, monsieur Strauss. Je suppose que votre présence parmi nous a un rapport avec le contrat que ma patronne et moi devons signer, rétorqua Michael juste après.
- Je vois que mademoiselle Plano vous a bien informé. En effet, en tant que représentant de mademoiselle Degrâce, il y a quelques points que nous devons aborder. Avez-vous un endroit plus discret où nous pourrions nous entretenir ? dit monsieur Strauss.
- Bien évidemment. Si vous voulez me suivre, s’exclama à son tour la propriétaire des lieux.
Le trio composé de l’avocat, du fiancé de mademoiselle Barnes, et du garde du corps suivit la jeune femme dans un bureau. Lorsqu’elle ouvrit la porte de ce dernier, elle se rendit compte que celui-ci était déjà occupé par certains de ses employés. Elle leur demanda donc de quitter les lieux, ce qu’ils firent sans poser la moindre question.
Tout le monde hormis le garde du corps s’assit autour de la table. Jessica et Michael trouvèrent cela pour le moins bizarre, mais ils mirent ensuite cela sur le coup de l’habitude. En tant que protecteur de personnalités publiques, il avait sûrement l’habitude de passer toutes ses journées debout.
- Alors monsieur Strauss, de quoi vouliez-vous discuter avec mon employé et moi-même ? questionna soudainement mademoiselle Plano.
L’avocat déposa son attaché-case en face de lui et l’ouvrit soigneusement. Il en sortit par la suite un contrat de plus d’une dizaine de pages qu’il tendit à la jeune femme se trouvant devant lui.
- Avant que vous ne signiez tous les deux ce document, il y a quelques petits points que j’aimerais énoncer, dit monsieur Strauss.
- Vous avez la parole. Nous vous écoutons, rétorqua une fois de plus mademoiselle Plano.
- Comme vous le saviez sans doute déjà, une fois ce contrat signé, monsieur Orzak ici présent était supposé devenir le photographe attitré de ma cliente et en contrepartie, cette dernière devait user de ses relations afin d’augmenter la renommée de votre studio…
- Comment ça ? Était supposé ? questionna la demoiselle en interrompant brusquement l’avocat.
- J’y viens. Ne vous inquiétez pas. Nous avons changé certaines conditions. Monsieur Orzak sera toujours le photographe attitré de ma cliente, mais celui-ci devra travailler uniquement pour elle. Il n’aurait donc pas le droit de capturer l’image de qui que ce soit d’autre en dehors de mademoiselle Degrâce. De plus, ma cliente est prête à céder une partie des royalties générées par cette collaboration, si cela vous intéresse bien évidemment, rajouta monsieur Strauss.
Jessica Plano savait très pertinemment ce que cette femme essayait de faire. Néanmoins, c’était une décision difficile à prendre. D’un côté, il s’agissait d’une opportunité en or que beaucoup de ses concurrents désireraient avoir. Cependant, c’était comme s’il vendait directement son ami et employé à cette « sorcière ».
- Michael, qu’est-ce que tu en dis ? lui demanda-t-elle.
Le jeune homme resta pensif durant plusieurs dizaines de secondes. Il savait très pertinemment que c’était une chance en or pour son amie et une opportunité pour lui de se faire un nom dans le domaine. Toutefois, quelque chose le dérangeait énormément dans toute cette histoire.
- Avant de vous donner ma réponse, j’aimerais savoir quelque chose, rétorqua le fiancé de Natacha Barnes.
- Je vous écoute, dit une fois de plus l’avocat.
- Quand vous dites qu’il me sera désormais interdit de prendre d’autres personnes en photo, voulez-vous parler des gens venant dans ce studio ou des gens en général ? questionna le jeune homme, intrigué.
- Ce que ma cliente entend par là est que vous n’auriez plus le droit de prendre des photographies d’autres personnes à but professionnel. S’il s’agit de simples photos entre amis, mademoiselle Degrâce n’y verra aucun inconvénient, répondit l’avocat.
- Je vois, dit-il de nouveau.
Michael Orzak se retourna vers son amie Jessica Plano et la regarda dans les yeux durant quelques secondes. Il se retourna ensuite vers l’avocat et attrapa le contrat. Les deux le parcoururent par la suite de long en large.
- Peu importe la décision que tu prendras, je te soutiendrai, rétorqua la jeune femme après avoir lui l’intégralité du contrat.
Le fiancé de Natacha Barnes demanda à l’avocat un stylo suivi de l’endroit où il était censé signer. Ce dernier lui passa l’objet qu’il voulait et lui indiqua par la suite l’emplacement sur lequel il devait apposer sa signature. Le jeune homme le fit, puis passer le style à Jessica qui fit de même quelques instants plus tard avant de rendre le tout à monsieur Strauss.
- Ma cliente et moi vous remercions de votre geste. Cette collaboration est une très grande opportunité pour chacun de nous, dit l’homme en affichant un sourire curieux.
- En parlant de votre cliente, quand pourrions-nous débuter nos activités ? demanda Michael.
- Vous n’avez pas à vous inquiéter pour ça. Mademoiselle Degrâce se présentera d’elle-même demain matin, répondit l’avocat une fois de plus tout en rangeant ses affaires.
- Je vois, dit le jeune homme.
- Sur ce, ce fut un immense plaisir de traiter avec vous, mais le devoir m’appelle, rétorqua monsieur Strauss.
- Ce fut également un immense plaisir pour nous, s’exclama la demoiselle en se redressant.
Tout le monde hormis le garde de corps se leva de son siège et se salua. Jessica proposa aux envoyés de mademoiselle Degrâce de les raccompagner, mais ces derniers refusèrent. Le duo Orzak-Plano observa alors les deux s’éloigner de plus en plus et entrer dans l’ascenseur.
- Dis Jessica, je viens de conclure un pacte avec le diable, n’est-ce pas ? questionna Michael une fois que les deux se retrouvèrent seuls.
- J’en ai bien peur, répondit-elle.
La demoiselle abandonna Michael pour aller s’occuper d’autres choses. Ayant signé le contrat, le jeune homme se retrouvait désormais avec un emploi du temps complètement vide pour la journée.
A suivre !!!