Gordon et moi arrivâmes à mon entreprise juste à temps pour voir mes deux secrétaires sur le point d’emprunter l’ascenseur du parking. Généralement, mon chauffeur me déposait devant le bâtiment et je continuais jusqu’à mon bureau, saluant au passage une partie de mes employés. Cependant, je lui avais exceptionnellement demandé de me laisser dans la zone de stationnement, me permettant ainsi de les observer. Peut-être était-ce le destin qui voulait que cela se produise, renforçant mon désir de m’emparer de cette femme aux cheveux argentés.
Tandis que j’observais le postérieur de mes secrétaires bouger en rythme, notamment celui de mademoiselle Barnes qui rappelait à quel point les personnes de couleur avaient tant à nous offrir, mon chauffeur me demanda si je ne descendais pas de mon véhicule.
- Pas maintenant, Gordon. Je profite des merveilles de dame nature, lui répondis-je juste après.
Le jeune homme regarda dans la même direction que moi, esquissa par la suite un léger sourire, puis me dit que j’avais d’excellents gouts.
- Comme c’est ironique ! m’exclamai-je.
- Monsieur ? rétorqua le jeune homme, sûrement curieux de savoir ce que j’entendais par là.
Je lui expliquai alors que certaines choses de notre monde qui étaient agréables à voir et à posséder étaient également les mêmes qui nous donnaient le plus de fil à retordre par la suite, voire nous conduisaient à notre propre perte. En voyant la direction vers laquelle mon regard était tourné, Gordon sut exactement où je voulais en venir.
- Monsieur, permettez-moi de ne pas être tout à fait d’accord avec vous, déclara-t-il.
Son intervention me surprit et me fit lever un sourcil. De ce fait, je lui demandai de bien vouloir s’expliquer.
- Je ne pense pas que toutes les choses agréables soient comme vous le dites. Il est vrai que, comme vous le dites, certaines peuvent nous conduire à notre perte, il en existe également d’autres qui peuvent nous apporter énormément de bien du moment que nous les traitons comme il se doit, dit-il.
Je voyais exactement où il voulait en venir, cependant, ayant moi-même fait l’expérience d’un long mariage avec une personne que j’aimais sincèrement, je savais parfaitement que chaque femme sur terre possédait le potentiel de détruire la vie de tout homme sans parfois éprouver une once de remords. C’était une des dures réalités de la vie et le jeune homme devant moi ne semblait pas en avoir conscience.
- Je ne chercherai en aucun cas à t’imposer mon avis. Tu as tes propres idées sur la question et je les respecte. Quoi qu’il en soit, tu devrais tout de même te méfier. On ne sait jamais vraiment avec qui on partage notre vie, le conseillai-je.
- J’en ai bien conscience, monsieur, dit-il par la suite.
Tandis que j’avais cette courte conversation avec mon chauffeur personnel, je vis les deux femmes que j’observais monter dans une des cages d’ascenseur. En se retournant, je constatai qu’elles avaient toutes les deux remarqué la présence de ma voiture. Mademoiselle Harlock esquissa alors un léger sourire alors que sa collègue essayait de faire de même. Je trouvai cela plutôt amusant de la voir réagir de la sorte. C’était une des choses que j’appréciais le plus dans le fait d’être riche et puissant. Je pouvais littéralement faire ce que je voulais à qui je voulais. Du moment que cette personne n’avait pas un pouvoir similaire ou supérieur au mien, elle n’avait aucun moyen de m’échapper.
Quelques dizaines de secondes venaient de s’écouler depuis le départ de mes secrétaires. Le temps était également venu pour moi de monter à mon bureau. J’ouvris donc la portière de mon véhicule, mais avant que je ne puisse en sortir, Gordon me demanda l’heure à laquelle il était censé venir me chercher.
- Aujourd’hui est un jour un peu spécial. Par conséquent, ma journée de travail sera un peu plus longue que d’habitude. Je pense que j’aurais fini aux alentours de 23 heures, lui répondis-je.
- Bien, monsieur ! s’exclama-t-il juste après.
Bien que je venais de lui dire l’heure supposée à laquelle je devais finir de travail, Gordon savait très pertinemment que je pouvais l’appeler à n’importe quel moment de la journée. De ce fait, il n’était jamais à plus d’un kilomètre de ma position, ce qui me laissait par exemple le temps de franchir la cinquantaine d’étages de mon bâtiment.
- À tout à l’heure, Gordon, dis-je en refermant la porte de mon véhicule.
- À tout à l’heure, monsieur, rétorqua le jeune homme.
—–*—–
Dans la cage d’ascenseur, Natacha Barnes s’efforçait de garder un semblant de sourire. Elle avait vu la voiture de son patron garée dans le parking sous-terrain et se demandait pourquoi, pourquoi il avait choisi d’emprunter ce chemin. D’habitude, son chauffeur le déposait juste en face du bâtiment, alors pourquoi ? La jeune femme finit par se dire que c’était sûrement à cause d’elle que monsieur Invictus avait changé sa routine. Il voulait sans doute la torturer psychologiquement, lui faire une fois de plus comprendre qu’elle était à sa merci. Si c’était bel et bien le cas, alors il avait réussi son coup. Désormais, ce qui traversait l’esprit de mademoiselle Barnes était les évènements qui allaient se succéder dans sa journée de travail. La jeune femme réfléchissait dorénavant sur les atrocités qu’il allait lui faire subir.
Alors que Natacha était perdue dans ses pensées, Tess Harlock qui avait également remarqué la luxueuse voiture d’Herman Invictus avait aussi l’esprit focalisé sur ce dernier. Comme sa collègue de travail, elle se voyait aussi à ses côtés. Cependant, contrairement à mademoiselle Barnes, la jeune femme semblait apprécier ce qu’elle imaginait. En effet, miss Harlock rêvait. Elle rêvait de se trouver auprès de l’homme qu’elle convoitait. Elle rêvait qu’il quitte sa femme pour se mettre avec elle. Elle rêvait de passer des nuits en sa compagnie dans des lieux exotiques. Elle rêvait de mener une belle vie dans laquelle tous ses désirs deviendraient réalité. Malheureusement, mademoiselle Harlock savait très pertinemment que cela n’allait pas arriver ; du moins pas dans l’immédiat.
Lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, les deux femmes en sortirent et partirent immédiatement après en direction de leur poste de travail. Sur le trajet, mademoiselle Barnes et mademoiselle Harlock saluèrent certains de leurs collègues. Arrivées dans leur bureau, les deux femmes s’assirent derrière leur bureau respectif. Mademoiselle Harlock et mademoiselle Barnes consultèrent ensuite la liste des tâches qu’elles avaient à accomplir en attendant que leur patron arrive et leur en donne davantage.
Quelques minutes plus tard, aux alentours de 9h moins 10, Herman Invictus débarqua à son tour dans le bureau des deux femmes.
- Bonjour, monsieur Invictus ! s’exclama Tess avec une once d’excitation dans le timbre de sa voix.
- Bonjour, monsieur ! dit simplement mademoiselle Barnes avec une voix plutôt timide.
La fiancée de Michael évita d’avoir un contact visuel direct avec son patron, craignant sûrement de ne pas pouvoir supporter l’horrible sourire qu’il avait l’habitude de montrer. Dire qu’il y avait encore quelques jours de cela, elle le trouvait charmant. Désormais, à chaque fois qu’il l’esquissait, de troublantes images de cette fameuse soirée lui revenaient en mémoire.
- Bonjour, mesdemoiselles ! Comment vous portez-vous aujourd’hui ? Bien, j’espère ? rétorqua l’homme d’affaires, sourire aux lèvres.
Natacha Barnes n’en croyait pas ses oreilles. Comment osait-il lui poser une telle question ? Comment pouvait-elle aller bien après ce qu’il lui avait fait ? La jeune femme trouvait cet homme détestable et plus encore.
- Je me porte très bien. Et vous, monsieur ? En passant, voici votre café ! lui dit-elle par la suite tout en lui remettant la boisson.
- Merci beaucoup, mademoiselle Harlock. Concernant votre précédente question, je me porte également bien. Et vous, mademoiselle Barnes ? Comment allez-vous en cette magnifique journée ? rétorqua l’homme d’affaires en se retournant soudainement vers la fiancée d’Orzak.
Natacha fut prise au dépourvu par cette brusque intervention, ce qui la fit légèrement sursauter.
- Est-ce que tout va bien, mademoiselle Barnes ? Vous semblez ne pas être vous-même, dit-il une fois de plus.
Herman Invictus semblait s’en faire pour la jeune femme, ce qui la répugna énormément. Elle n’arrivait pas à croire qu’il utilisait un tel stratagème contre elle. Natacha voulut à ce moment l’insulter et le frapper. Toutefois, elle se remémora bien assez vite que la personne en face d’elle était Herman Invictus, l’un des hommes les plus riches et puissants de tout le pays. Il n’y avait donc aucun moyen qu’elle agisse de la sorte, ce qui la frustra énormément et lui rappela à quel point elle était insignifiante et impuissante face à lui.
- Je vais très bien, monsieur. Vous n’avez pas à vous inquiéter pour moi, déclara la demoiselle.
Tess Harlock n’appréciait pas ce que venait de faire sa collègue de travail. Elle détestait par-dessus tout que l’attention d’Herman Invictus soit dirigée vers une autre personne qu’elle.
- Tu sais, si tu ne sens pas bien, tu peux prendre une journée de congé. Ça ne me dérange pas de prendre ta charge de travail. En plus, après l’excellent travail que tu as accompli depuis le temps, je suis sûre que, monsieur Invictus ici présent, ne verrait aucun inconvénient à te l’accorder. Qu’en pensez-vous, monsieur ? proposa mademoiselle Harlock.
Natacha Barnes regarda la jeune femme avec surprise. C’était la toute première fois depuis qu’elles travaillaient toutes les deux pour l’homme d’affaires que sa collègue lui suggérait une telle chose. Elle ignorait cependant que cette dernière avait un tout autre motif quand lui proposa cela. En effet, pour Tess Harlock, il s’agissait d’une excellente opportunité à ne pas rater. Si elle réussissait à se débarrasser de cette « peste » ne serait qu’une journée entière, cela lui permettrait de placer du temps avec l’homme qu’elle convoitait. Harlock se disait qu’à cause de son statut social, son patron serait plus enclin à avoir une ou plusieurs maitresses. Elle devait donc tout faire pour devenir l’une d’elles si ce n’était l’unique.
De son côté, bien qu’il sembla ne pas être affecté par la soudaine proposition de mademoiselle Harlock, Herman Invictus détestait ce que venait de faire la jeune femme. Il n’était en aucun cas question qu’il lui accorde un jour de repos. Pas aujourd’hui, pas cette semaine. L’homme d’affaires avait beaucoup de projets pour elle pour pouvoir se le permettre.
- Il est certes vrai que mademoiselle Barnes semble quelque peu fatiguée. Néanmoins, la décision de lui accorder un jour de congé ne dépend pas que de ma seule personne. Mademoiselle Barnes a, je suppose, également son mot à dire et je sais qu’elle fera le bon choix. Alors mademoiselle, désirez-vous prendre un jour de congé ? rétorqua l’homme d’affaires en esquissant un léger sourire.
À cause de ce qu’elle devait faire avec Herman Invictus après sa journée de travail, la fiancée de Michael Orzak était tentée d’accepter. Elle savait néanmoins que la question que venait de lui poser son patron n’était pas aussi simple qu’il paraissait. Le choix qui lui était imposé n’en était pas un. Il s’agissait plutôt d’une manière pour cet homme d’exercer une sorte de pression psychologique sur elle. Si mademoiselle Barnes venait à dire « oui » et à rentrer chez elle, les conséquences risqueraient d’être terribles, d’autant plus que, comme il lui avait bien fait comprendre la veille, il avait des projets pour elle en ce jour de jeudi. La seule chose qui lui restait donc à faire était de refuser cette proposition.
- Monsieur Invictus, Tess, je suis vraiment navrée, mais je vais devoir refuser vos propositions, leur dit-elle.
- Es-tu sûre de toi ? Comme monsieur Invictus l’a dit tout à l’heure, tu ne sembles pas être dans ton assiette, rétorqua mademoiselle Harlock.
- Je te suis très reconnaissante de t’inquiéter pour moi, mais ça va. Je pense que je peux finir ma journée de travail sans aucun problème, déclara la fiancée de Michael Orzak juste après.
- Mais… !
- Mademoiselle Harlock ! Si votre collègue dit qu’elle est en capable, alors nous pouvons que la croire sur parole. Quant à vous, mademoiselle Barnes, si à un quelconque moment vous ne vous sentez pas bien, n’hésitez pas à me faire savoir. Me suis-je bien fait comprendre ? interrompit brusquement l’homme d’affaires.
- Oui, monsieur Invictus, s’exclamèrent les deux femmes.
Herman Invictus était fier de très fier de lui. Une fois de plus, il était parvenu à obtenir ce qu’il désirait. Son petit projet de la journée allait finalement se dérouler sans accroc. De son côté, Tess Harlock ne pouvait que ravaler la colère et la frustration qu’elle éprouvait à cet instant. Son patron avait parlé et il n’y avait rien d’autre qu’elle pouvait faire concernant cela. La concernée dans l’histoire n’avait malheureusement pas son mot à dire et se contentait juste de céder aux caprices de son patron.
- Mesdemoiselles, cette discussion étant terminée, je suppose que chacun de nous peut se mettre finalement au travail, rétorqua l’homme d’affaires.
- Oui, monsieur ! s’exclamèrent les deux femmes en regagnant leur poste.
- Mademoiselle Harlock ! Encore merci pour le café, dit-il en prenant une gorgée du breuvage.
- Tout le plaisir est moi, déclara Tess.
Ce fut donc avec le sourire aux coins des lèvres que Herman Invictus regagna son bureau, très impatient de la suite des évènements.
A suivre !!!