La promotion 24

Je commençais à en avoir plus qu’assez de cette montre se trouvant au-dessus de la porte de mon bureau. J’avais l’impression que plus l’heure de mon rendez-vous se rapprochait, plus les aiguilles de cette dernière tournaient lentement. Il était rare de me voir être aussi impatient, mais que vouliez-vous ? Il était tout à fait normal pour un homme connaissant le délice qui l’attendait de s’impatienter, d’autant plus que celui-ci était un mets de qualité supérieure.

Alors que cette maudite montre indiquait finalement 10 heures du matin, je pris mon téléphone portable et composai le numéro de mon chauffeur personnel.

  • Monsieur ! s’exclama-t-il après avoir décroché.
  • Gordon, amenez la voiture, lui ordonnai-je.
  • Tout de suite, monsieur. Je serai sur place dans moins de dix minutes, me répondit-il avant de raccrocher.

Je rangeai mon téléphone dans la poche de ma veste et repartis pour une nouvelle séance infernale d’attente.

Comme précédemment, le peu de temps que je devais attendre me semblait interminable. Même le fait de relire un compte rendu d’un de mes employés ne m’était d’aucune utilité. Je me levai donc de mon siège, me retournai, et regardai à travers la vitre. De là où je me tenais, je pouvais voir une grande partie de la ville dans sa version miniature. Les passants dans les rues étaient pratiquement indiscernables. En les regardant, je ne pouvais m’empêcher de les mépriser. Bon nombre d’entre eux ne faisaient rien de leur vie et se contentaient de se satisfaire du strict minimum. Ils ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez et n’avaient aucun projet d’avenir. Bien évidemment, ce n’était pas le cas de tout le monde. Cependant, les stupidités de la masse l’emportaient malheureusement sur le reste.

Perdu dans mes pensées, je n’en sortis que lorsque mon téléphone portable se mit de nouveau à sonner. Après l’avoir sorti de la poche de ma veste, je constatai qu’il s’agissait d’un appel de Gordon.

  • Je suis arrivé devant le bâtiment, monsieur, me dit-il par la suite.
  • Nous arrivons tout de suite, rétorquai-je juste après.

Alors que je rangeais de nouveau mon portable dans ma veste, un sourire narquois s’afficha sur mes lèvres. Le moment fatidique se rapprochait de plus en plus. Excité tel un enfant devant une glace, je pris la direction de la sortie.

Arrivé dans la pièce suivante, je tombai sur mes deux secrétaires qui se tenaient toutes les deux derrière leur écran d’ordinateur.

  • Mademoiselle Barnes, l’heure est venue, rétorquai-je tandis que leur regard se tournait vers moi.
  • Accordez-moi quelques secondes, monsieur, me dit-elle timidement par la suite.

Tandis que mademoiselle Barnes apprêtait ses affaires, j’observais discrètement mon autre secrétaire. Celle-ci semblait ne pas apprécier le fait que cela ait été sa collègue qui m’accompagne au lieu d’elle. C’était une image assez amusante du fait qu’un mélange de colère, d’envie, et de frustration pouvait se voir sur son visage, et ce malgré ses tentatives de le dissimuler. Elle allait cependant devoir trouver un moyen de s’en accommoder. Mes yeux étant uniquement rivés sur cette jeune femme aux cheveux argentés, il n’y avait rien qu’elle puisse faire pour détourner mon attention. Près d’une soixante de secondes plus tard, mademoiselle Barnes finit de prendre tout ce dont elle avait besoin. Nous prîmes ensuite la direction de l’ascenseur sous le regard envieux de mademoiselle Harlock.

Dans l’élévateur, la jeune femme resta silencieuse, un peu comme une enfant que l’on viendrait tout juste de punir. Son regard était fixé sur le panneau de contrôle de l’ascenseur comme si elle voulait y décrypter un message secret.

  • Mademoiselle Barnes ! m’exclamai-je soudainement.
  • Oui, monsieur, répondit-elle par la suite.

À l’entente de son nom, la demoiselle sursauta légèrement. Je pouvais alors constater qu’elle était beaucoup plus tendue que d’habitude, ce qui pouvait s’avérer problématique pour la suite des évènements.

  • Les deux ou trois prochaines heures n’auront strictement rien à voir avec les activités que vous et moi menons. J’ose donc espère que cela n’aura aucune incidence sur votre travail. Me suis-je bien fait comprendre ? rétorquai-je.
  • N…non, monsieur. Je connais la tâche qui est la mienne, dit-elle juste après.

Sa réponse me plut énormément. Comme je venais de lui dire, même si j’aimais m’adonner à certains jeux avec elle, cela ne devait pas l’empêcher de bien faire son travail, car après tout, hormis les jeunes femmes aux belles formes, ce que j’appréciais par-dessus tout était le travail bien accompli et les grosses sommes d’argent.

Alors que nous marchions cette fois-ci en direction de la sortie du bâtiment, je saluai plusieurs de mes employés qui travaillaient ardemment pour remplir mes poches. Mademoiselle Barnes et moi nous retrouvâmes finalement à l’extérieur où ma Rolls-Royce était garée. Peu importe le nombre de fois que je la regardais, cette voiture m’inspirait le plus grand des respects. Se tenant devant nous, Gordon ouvrit la portière arrière de mon véhicule. J’invitai alors la jeune femme à monter avant moi. Ce fut après quelques secondes d’hésitation que la demoiselle finit par s’introduire dans ma voiture. Je m’installai après elle et, quelques secondes plus tard, ce fut au tour de mon chauffeur personnel. Une fois tout le monde confortablement installé, le chauffeur nous demanda l’adresse de notre destination, ce que mademoiselle Barnes lui donna quelque temps plus tard. Il mit ensuite le cap vers le restaurant dans lequel nous attendait cette personne si importante.

—–*—–

Le bus dans lequel Michael Orzak se trouvait était sur le point de s’arrêter. Se tenant debout devant la porte de sortir, le jeune homme attendit que celle-ci s’ouvre. Lorsque ce fut le cas, il descendit et parcourut les quelques dizaines de mètres qui le séparaient d’une des entrées du parc qu’il était venu visiter.

Alors qu’il déambulait dans le parc sans but précis, Orzak ne put s’empêcher d’apprécier cet endroit où la nature avait encore quelques droits. L’air y était quelque peu différent, un peu plus pur par rapport à celui de cette ville industrielle. Néanmoins, cela n’était rien devant une véritable forêt et son écosystème plus ou moins intact. Michael s’assit sur un des bancs libres disponibles et sortit son appareil photo de son sac à dos. Il se mit ensuite à photographie les arbres et tout ce qui se trouvait autour de lui.

Un écureuil descendit soudainement de son arbre et vint se placer à quelques mètres du jeune homme.

  • Salut, toi ! Tu veux aussi que je te prenne en photo ? questionna le fiancé de mademoiselle Barnes.

Michael ne comprit pas vraiment pourquoi il venait de poser cette question, d’autant plus que ce n’était pas comme si ce tout petit animal allait soudainement être doté de paroles et lui répondre. Néanmoins, à cause de sa posture et du fait qu’il regardait dans sa direction, le jeune homme avait vraiment l’impression qu’il voulait vraiment être pris en photo. Orzak braqua alors l’objectif de son appareil vers ce petit animal, mais au moment où celui-ci s’apprêtait à appuyer sur le bouton, l’écureuil s’enfuit, effrayé par un passant.

  • Dommage ! s’exclama-t-il en le voyant de nouveau gripper sur son arbre.

Le jeune homme continua de prendre des photos de tout et n’importe quoi. Après de nombreuses minutes, il se dit qu’il serait temps de trouver un nouveau spot. Il remit donc son sac sur son dos et partit à la recherche de ce qu’il désirait.

Une centaine de mètres plus loin, Orzak vit des enfants âgés de moins de huit ans en train de jouer. Il se dit alors que ce serait des modèles parfaits. Il n’y avait rien de mieux que des enfants pour représenter l’innocence du monde dans lequel il vivait. Cependant, avant de débuter sa séance photo, le jeune homme devait premièrement avoir l’accord de leurs parents. Il s’empressa donc de les chercher du regard et partit en direction de ceux qu’il pensait être le père et la mère.

  • Bonjour ! s’exclama Orzak une fois à proximité du couple.
  • Bonjour ! répondirent les deux, curieux de savoir ce que ce jeune homme pouvait bien vouloir d’eux.

Le fiancé de Natacha Barnes s’excusa d’abord pour le dérangement qu’il occasionnait. Ensuite, il leur demanda la permission de prendre en photo en leurs enfants, précisant au passage qu’il était photographe dans une agence et qu’il trouvait que leur progéniture était une parfaite illustration de l’innocence. Il leur tendit également sa carte professionnelle pour prouver que ce qu’il venait de dire était vrai. Cependant, avant que le mari ne puisse la saisir, sa femme l’attrapa brusquement et répondit qu’ils n’étaient pas intéressés.

  • Mais chérie…, tenta de dire l’homme.
  • Nous ne sommes pas intéressés, insista-t-elle en redonnant la carte à Michael.
  • Je comprends. Désolé encore de vous avoir dérangés, déclara le jeune homme en récupérant ce qui était à lui.

Orzak comprenait un tout petit peu l’origine de cette réaction violente. Si un inconnu débarquait soudainement et demandait à prendre ses enfants en photo, il aurait sans aucun doute réagi de la même manière, d’autant plus qu’il y avait toujours cette possibilité qu’il soit une sorte de pervers. Le jeune homme n’insista pas, les remercia pour le temps accordé, et partit voir ailleurs.

Le parc dans lequel le fiancé de mademoiselle Barnes se promenait était bondé de monde, ce qui était tout à fait normal vu la période de l’année. C’était les grandes vacances pour les élèves et les étudiants. Chacun profitait donc de son temps libre de la meilleure façon possible. Michael passa à côté d’un groupe d’universitaires dont il entendit par inadvertance la conversation. Ceux-ci discutaient d’un festival de musique auquel ils s’apprêtaient à prendre part dans quelques jours. Cela lui rappela l’époque durant laquelle Natacha, Stanley, et lui étaient à leur place et participaient à ce genre d’évènements, des moments qu’il n’oublierait pour rien au monde.

Michael trouva un nouveau spot situé non loin d’une des entrées du parc. Une chance pour lui, un autre groupe d’enfants jouait à proximité. Comme précédemment, il chercha à obtenir l’autorisation de leurs parents avant de les prendre en photo. Contrairement à la fois précédente, ceux-ci acceptèrent et lui donnèrent la permission de le faire. Cela ravit énormément le fiancé de mademoiselle Barnes qui s’empressa de braquer son appareil en direction des enfants. Il voulait que ses clichés soient les plus naturels possibles. Dès lors, il ne prit pas la peine de les avertir.

Alors qu’il enchainait les photographies, la mère des enfants s’approcha de lui et lui demanda s’il en avait. Le jeune homme trouva cela amusant, car c’était la deuxième fois que quelqu’un lui posait cette question depuis qu’il avait quitté son domicile.

  • Non, je n’en ai malheureusement pas, répondit-il.
  • À vous entendre parler, on dirait que vous souhaitez en avoir, rétorqua la dame par la suite.
  • Il s’agit en effet d’un désir que j’éprouve. Cependant, la décision de faire un ou plusieurs enfants ne me revient pas uniquement. Ma fiancée doit également être du même avis que moi, dit-il juste après.
  • Vous êtes fiancé ! Toutes mes félicitions ! Et c’est pour quand le mariage ? demanda-t-elle, très curieuse de savoir.
  • Nous avons prévu de nous marier au début du printemps prochain, déclara Michael.
  • Ça vous laisse encore neuf mois devant vous. En tout cas, je vous souhaite à tous les deux un excellent mariage et tous mes vœux de bonheur, dit-elle.
  • Merci beaucoup.

Le fiancé de mademoiselle Barnes continua sa séance photo sous le regard des parents des enfants qu’il avait pris pour modèles. Il était encore loin de se douter qu’il avait par inadvertance capturé l’image d’une Rolls-Royce appartenant à une personne très singulière.

A suivre !!!

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