La promotion 25

Michael était toujours dans le parc en compagnie du couple et de leurs enfants. Alors qu’il s’apprêtait à prendre de nouvelles images d’eux, quelque chose attira son attention à travers l’objectif. Il s’agissait d’un véhicule de transport. Ce n’était pas tant la voiture qui l’avait déconcentré, mais ce qui était dessus. En effet, sur la carrosserie se trouvait une image de sa nouvelle patronne, Elène Degrâce. Cette représentation de la jeune femme fit une nouvelle fois s’interroger le fiancé de Natacha Barnes sur les conséquences du contrat qu’il avait signé plus tôt dans la matinée. Il était vrai qu’il comportait de nombreux avantages, mais était également plein d’inconvénients, dont un auquel il n’avait pas vraiment pensé.

Mademoiselle Degrâce était une personnalité publique connue de beaucoup de monde. De ce fait, elle était sûrement poursuivie par une horde de paparazzis qui scrutaient le moindre de ses mouvements. De ce fait, en travaillant directement pour elle, il y avait de fortes chances que sa vie privée et possiblement celle de Natacha soient également exposées au public, chose à laquelle il n’avait pas réfléchi au moment où il apposa sa signature sur le contrat. Il se dit alors qu’il devrait avoir une conversation avec sa fiancée ce soir en rentrant.

  • Est-ce que tout va bien ? demanda brusquement la mère des enfants en voyant que Michael s’était soudainement arrêté.
  • Non ! Non ! Tout va bien. J’ai juste été distrait, répondit-il avant de reprendre sa séance photo.

—–*—–

De retour dans la luxueuse voiture d’Herman Invictus, le trajet vers leur rendez-vous se déroulait sans encombre. Tout était silencieux dans le véhicule, un peu trop même. Gordon Botle avait ses yeux rivés sur la route tel le bon conducteur qu’il était, l’homme d’affaires était momentanément perdu dans ses sordides pensées, et la jeune femme, quant à elle, observait les différents arbres du parc devant lequel ils étaient en train de passer. La jeune femme trouvait cela quelque peu étrange de se retrouver dans la voiture de son patron. Ce n’était pas la première fois qu’elle y montait, elle l’avait fait de nombreuses fois par le passé. Toutefois, au vu des circonstances, l’effet que cela lui procurait avait dramatiquement changé.

L’homme d’affaires revint soudainement dans le monde réel et posa sa main sur l’épaule de mademoiselle Barnes, ce qui la fit sursauter légèrement.

  • Est-ce que vous vous portez bien, mademoiselle Barnes ? questionna Herman suite à ce brusque mouvement.
  • Oui, monsieur. Désolée de vous inquiéter, répondit la jeune femme.

Malgré sa proximité avec mademoiselle Barnes, l’homme d’affaires était contraint d’agir normalement avec elle. Il s’imposait cette ligne de conduite du fait que les deux étaient sur le point de rencontrer plusieurs personnalités importantes et devaient donc rester concentrés sur les tâches qui les attendaient. De son côté, la jeune femme réagit de la sorte parce qu’elle pensait qu’il allait à nouveau tenter quelque chose. Ce ne fut que quelques secondes après qu’elle se souvint de la conversation qu’ils avaient tous les deux eue dans l’ascenseur, ce qui la conforta légèrement. Elle souhaitait cependant échanger sa place avec sa collègue, Tess Harlock, qui était restée au bureau.

  • Que savons-nous exactement de monsieur Cheng ? demanda Herman après que la jeune femme se soit calmée.

Afin de répondre à la question de son patron, mademoiselle Barnes ouvrit le dossier qu’elle avait sur les cuisses. Celui-ci contenait quelques informations sur les personnes qu’ils étaient sur le point de rencontrer à savoir leurs noms, leur âge, des images d’eux, et même leurs antécédents criminels. Elle lui dit donc que Steven Cheng, 20 ans, et Arnold Hong, 21, étaient tous deux créateurs d’une start-up à succès et cherchaient des investisseurs. C’était dans cette optique qu’ils espéraient rencontrer monsieur Invictus.

  • Je vois. Et dans quoi se spécialise leur entreprise exactement ? questionna l’homme d’affaires par la suite.
  • Je ne comprends pas vraiment les termes qu’ils ont utilisés, mais je dirais que c’est en rapport avec le traitement de données, répondit la demoiselle.
  • D’accord. Nous verrons bien de quoi il en retourne au sortir de ce rendez-vous, déclara Herman juste après.

La jeune femme referma donc le dossier et se remit à observer le paysage défilant en attendant qu’ils arrivent à leur lieu de rendez-vous.

—–*—–

Tandis que Natacha Barnes, Herman Invictus, et Gordon Botle étaient toujours en route pour rencontrer les deux jeunes entrepreneurs, Tess Harlock était restée toute seule au bureau. La jeune femme était en colère, frustrée, et dégoutée d’être loin de la personne qu’elle désirait, d’autant plus que cela aurait pu être une excellente occasion pour elle de lui avouer ce qu’elle ressentait et peut-être se donner à lui. Pire encore, elle détestait le fait d’avoir soudainement été remplacée par sa collègue de travail et souhaita à ce moment qu’un malheur lui arrive. Alors qu’elle était envahie par toute sorte d’émotions négatives, mademoiselle Harlock ne se rendit pas compte que cela affectait son travail. En effet, sans qu’elle le remarque, elle se mit à écrire ce qu’elle ressentait. Ce ne fut qu’après de nombreuses minutes, lorsqu’elle se calma temporairement, qu’elle découvrit ce qu’elle venait de noter dans son rapport.

Afin de calmer sa frustration grandissante, la jeune femme décida de faire une pause. Mais avant cela, elle allait corriger la malencontreuse erreur qu’elle venait de commettre en rectifiant son rapport. Quelques minutes plus tard, Tess Harlock se leva de son siège et alla faire un tour dans la cafeteria du bâtiment.

Située quelques étages plus bas, c’était un lieu où une grande partie des employés venaient pour se restaurer, du moins ceux qui étaient trop paresseux pour aller dans les restaurants situés à proximité. De ce fait, elle disposait de nombreux kiosques connectés les uns avec les autres et dans lesquels ils pouvaient trouver divers plats et boissons allant de la simple salade à des repas beaucoup plus complexes.

Lorsque mademoiselle Harlock arriva dans la grande salle, cette dernière était pratiquement vide, ce qui était tout à fait normal vu l’heure qu’il faisait. En effet, parce qu’il était bientôt 11 heures, la grande majorité des employés se trouvaient encore dans leur bureau. Seuls ceux chargés du maintien de la cafeteria étaient présents.

  • Mademoiselle Harlock, comme c’est rare de vous voir par ici, rétorqua soudainement un homme se trouvant derrière un des kiosques de nourriture.

En tant qu’une des deux secrétaires du propriétaire du bâtiment et de leur employeur, il était tout à fait normal que cet homme connaisse de la demoiselle, d’autant plus qu’elle avait l’habitude de l’accompagner quand il faisait le tour complet de l’édifice chaque trimestre. À cela s’ajoutait le fait que la personne qui venait tout juste de s’adresser à elle était en quelque sorte le responsable des lieux.

  • Monsieur Invictus est-il avec vous ? demanda à nouveau l’homme.
  • Non, il est présentement en compagnie…

Alors qu’elle s’apprêtait à prononcer le nom de sa collègue, mademoiselle Harlock fit une brève pause tant elle avait encore du mal à accepter ce qui s’était passé.

  • Je disais que monsieur Invictus est présentement en déplacement pour une réunion d’affaires, continua-t-elle tout en se dirigeant vers le kiosque.
  • Je vois, je vois ! Sinon, en quoi pouvons-nous vous être utiles ? questionna une fois de plus l’homme.
  • Vous proposez quoi comme salade ? demanda la jeune femme par la suite.

L’homme invita mademoiselle Harlock à le suivre vers un autre kiosque afin qu’elle puisse voir par elle-même ce qu’ils avaient.

  • Donc nous avons des salades basiques avec des fraises, des salades césar, des salades d’endives, des salades piémontaises, des salades de riz…

À l’instant où Tess entendit les mots « salades de riz », son expression faciale changea légèrement. Le dégout pouvait alors se lire sur son visage. Malgré l’attractivité du plat qui semblait aux premiers abords être appétissant, la jeune femme ne put s’empêcher de se demander comment des gens pouvaient consommer une telle.

  • Et finalement, une salade grecque, termina l’homme.
  • Et ça, qu’est-ce que c’est comme salade ? demanda Tess qui n’avait pas entièrement écouté l’homme devant elle.
  • Une salade piémontaise, répondit-il.
  • De quoi est-elle composée exactement ? questionna-t-elle une fois de plus.

L’homme lui dit alors qu’elle était faite à base de pommes de terre coupées en cube, de tomates, d’œufs durs, de quelques cornichons, et d’une sauce mayonnaise, le tout agrémenté de jambon en forme de dés. Attirée par ce curieux et délicieux mélange, la jeune femme décida de la prendre.

  • Excellent choix ! s’exclama une fois de plus l’homme.

Il lui donna par la suite le montant qu’elle devait payer et mademoiselle Harlock sortit sa carte bancaire de son porte-monnaie.

  • Pouvez-vous ajouter une bouteille d’eau s’il vous plait, ajouta-t-elle juste après.
  • Bien évidemment, répondit-il.

L’achat de la jeune femme venant de s’effectuer, il ne lui restait plus qu’à trouver un endroit tranquille où consommer son déjeuner. Pour ce faire, elle repartit en direction de son bureau, seul lien où elle était certaine de ne croiser personne. Sur le trajet, elle croisa de nombreux employés de monsieur Invictus. Elle se mit alors à imaginer un avenir dans lequel elle ne serait plus une simple secrétaire extrêmement bien payée de cette entreprise, mais une des propriétaires.

Tess Harlock continuait de fantasmer sur une vie qu’elle rêvait d’avoir, une vie dans laquelle les gens l’appelleraient madame Invictus, une vie sans sa maudite collègue Natacha Barnes. Elle rêvait du jour où son patron verrait à quel point cette dernière était inutile et la virerait par conséquent. Elle rêvait de voir l’expression faciale de Barnes au moment où elle rangerait ses affaires avant de prendre la porte du bâtiment.

De retour dans son bureau, mademoiselle Harlock prit place derrière son ordinateur et commença à déguster son plat. Elle lança un bref regard à sa montre qui indiquait à ce moment 10h55, ce qui signifiait que la réunion de monsieur Invictus était sur le point de commencer.

A suivre !!!

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