Mademoiselle Barnes préparait le diner comme elle l’avait dit à son fiancé. Elle avait opté pour des lasagnes, plat facile à préparer et que Michael appréciait énormément. Tandis qu’elle réglait les derniers détails, la jeune femme commença à se sentir bizarre. Natacha ne savait pas trop pourquoi, mais une désagréable sensation vint se manifester au niveau de son cœur. C’était comme si une force invisible faisait pression dessus. La jeune femme se dit alors que ça allait surement passer et continua donc de préparer la table.
Cependant, après plusieurs minutes, la gêne qu’elle éprouvait devint plus persistante, ce qui l’obligea à s’assoir. Natacha se demanda alors ce qui pouvait causer une telle réaction. Elle était beaucoup trop jeune pour souffrir de problèmes cardiaques. De ce fait, elle élimina d’office la maladie même si quelques doutes subsistaient. Natacha ne voyait aucune raison qui pouvait justifier ce qu’elle ressentait à ce moment.
Après quelques minutes de réflexion, alors que les douloureux évènements de l’après-midi qu’elle essayait d’oublier faisaient de nouveau surface dans sa mémoire, la jeune femme se souvint que son patron lui avait confié une certaine tâche au moment où il lui avait donné le reste de sa journée. Il lui avait en effet été demandé de rédiger et de lui envoyer le rapport de leur rencontre avec messieurs Cheng et Hong. Natacha se dit donc que cela devait être la cause de cette sensation de gêne.
Mademoiselle Barnes jeta un coup d’œil à sa montre et vit qu’il était 18h moins le quart. Monsieur Invictus avait surement déjà quitté son bureau depuis des lustres. Par conséquent, écrire son rapport à cet instant ne lui servirait à rien, l’homme d’affaires ne pouvant le lire avant le lendemain matin. Ayant décidé d’effectuer son travail plus tard dans la nuit, la jeune femme se redressa et continua de préparer la table.
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Depuis qu’il avait reçu son mystérieux appel, l’expression faciale d’Herman Invictus était beaucoup plus sombre. Son visage était livide, chose qui était rare chez lui. Dès qu’il sortit de son bureau, l’homme d’affaires se précipita vers les cages d’ascenseur et appela l’une d’entre elles. Pendant que l’élévateur montait progressivement à son étage, il sortit son téléphone portable de la poche de sa veste et composa le numéro de Gordon.
- Monsieur ! s’exclama le chauffeur après avoir décroché.
- Gordon, amène immédiatement la voiture devant le bâtiment. J’arrive tout de suite, dit-il.
Le ton de sa voix n’était plus le même que d’habitude. Généralement, Herman était quelqu’un qui parlait avec beaucoup d’assurance, mais cette fois-ci, c’était différent. On pouvait clairement sentir un mélange d’inquiétude et de peur dans la manière dont il s’exprimait à ce moment.
- Tout de suite, mon…, répondit Gordon.
Monsieur Invictus ne laissa pas à son chauffeur personnel le temps de finir sa phrase et raccrocha. Tandis qu’il rangeait son téléphone, l’homme d’affaires s’énerva contre l’ascenseur parce que celui-ci ne montait pas assez vite. Que pouvait être l’origine de ce brusque changement de comportement ?
Dès que les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, l’homme d’affaires monta à l’intérieur. Durant sa descente vers le rez-de-chaussée, celui-ci ne cessa pas de secouer nerveusement son pied et de dire à l’élévateur de se dépêcher. Peu importe avec qui il avait été au téléphone quelques minutes auparavant, ce que cette personne lui avait dit était suffisamment grave ou important pour déclencher des réactions sans précédent chez monsieur Invictus.
Après un délai qui lui parut être une éternité, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent finalement. Herman sortit alors de ce dernier en courant, ce qui étonna grandement les agents de la sécurité et les quelques employés qui se trouvaient encore dans le bâtiment. C’était la toute première fois qu’il voyait leur patron se comporter de la sorte, se demandant ce qui pouvait bien lui arriver. De son côté, monsieur Invictus se moquait complètement de l’image qu’il pouvait avoir à ce moment. Tout ce qui lui importait était qu’il se rende le plus vite possible à un endroit.
Lorsque l’homme d’affaires sortit finalement du bâtiment, il aperçut sa voiture qui était garée quelques mètres devant lui. Il se précipita alors vers cette dernière, mais se fit soudainement interpeler par une personne qu’il n’avait jamais rencontrée, mais dont il connaissait le visage. Il s’agissait en outre du fiancé de sa secrétaire : Michael Orzak.
- Monsieur Invictus, avez-vous un instant à m’accorder, s’il vous plait ? rétorqua Michael.
- Désolé, jeune homme. Je n’ai pas de temps à vous accorder. Prenez rendez-vous, répondit l’homme d’affaires.
Tandis qu’il se dirigeait vers son véhicule, Herman se demanda naturellement pourquoi le fiancé de sa secrétaire apparaissait devant lui le jour où il lui avait accordé le reste de sa journée. Se pourrait-il qu’elle lui ait révélé des informations concernant leur secret ? Se pourrait-il que cela ait été la raison de sa présence en face de l’homme d’affaires ? Après quelques secondes de réflexion, monsieur Invictus en conclut que cela ne pouvait pas être le cas. Mademoiselle Barnes était parfaitement consciente des conséquences qu’un tel acte provoquerait sur sa vie et celle de ses proches. Il s’était montré parfaitement clair à ce sujet. Alors, si elle ne lui avait rien dit, pourquoi était-il là ? Qu’est-ce qu’il lui voulait exactement ?
De nombreuses questions foisonnaient dans l’esprit d’Herman Invictus. Cependant, il n’avait pas le luxe d’y réfléchir, voulant se rendre le plus vite possible où on l’attendait. Michael, qui constata que le patron de sa bien-aimée était pressé, se dit qu’il devait agir au plus vite. S’il manquait cette occasion de lui parler en tête-à-tête, il se pourrait qu’aucune autre chance comme celle-ci ne se présente.
- Monsieur Invictus, s’il vous plait ! Cela ne vous prendra pas beaucoup de temps, s’exclama Orzak en s’approchant un peu plus de lui.
Parce qu’il avait un peu trop réduit l’écart entre lui et l’un des hommes les plus puissants de la ville et du pays, un des agents de sécurité qui suivaient en permanence Herman s’interposa entre ce dernier et lui.
- Pas un pas de plus, lui dit-il sur un ton très autoritaire.
- Alors, c’est comme ça ?! C’est donc ainsi que le grand Herman Invictus traite ses employés ! Vous les exploitez jusqu’à ce qu’ils frôlent la dépression, et quand leurs proches essaient de parler avec vous, vous les envoyez balader ! N’avez-vous pas honte ?! hurla le jeune homme à haute voix.
Les employés qui sortaient du bâtiment et quelques passants dans la rue s’arrêtèrent devant les bruyantes affirmations du fiancé de mademoiselle Barnes. Ils se demandèrent alors ce qui pouvait se passer entre leur patron et l’inconnu qui venait de hurler. Pendant ce temps, Herman qui était déjà à l’intérieur de sa Rolls-Royce et s’apprêtait à fermer la portière s’arrêta brusquement, les allégations de Michael l’ayant quelque peu énervé. L’homme d’affaires descendit donc de son véhicule afin de mettre les choses au clair.
- Écoutez-moi très attentivement, jeune homme. Si votre proche travaille bel et bien pour moi, alors il ou elle sait à quel point les efforts à fournir pour faire tourner cette entreprise sont importants. De ce fait, si votre proche n’est pas en mesure de faire le ou les sacrifices nécessaires, alors il ou elle n’a rien à faire dans une entreprise comme la mienne. Quant à vous, jeune homme, la prochaine fois que vous viendrez proliférer de quelconques allégations contre moi ou toute autre personne travaillant pour moi, je m’assurerais personnellement que ce soit la dernière fois que vous le fassiez.
- Est-ce une menace ? questionna Michael.
- Non, il s’agit d’un avertissement, répondit monsieur Invictus.
Herman avait envie de détruire le fiancé de mademoiselle Barnes, lui montrer qu’il y avait des gens sur cette planète avec qui il fallait s’adresser avec le plus grand des respects. Néanmoins, il n’allait pas s’y prendre maintenant. Il avait des choses beaucoup plus importantes à faire pour l’instant. Cependant, sa secrétaire allait devoir s’expliquer vis-à-vis de la présence de ce jeune homme à son lieu de travail. L’homme d’affaires remonta dans son véhicule et ordonna à son chauffeur personnel de se rendre le plus vite possible à l’hôpital. Ce dernier s’exécuta et appuya sur la pédale des gaz.
Tandis qu’il observait la voiture s’éloigner de plus en plus, Michael se demanda comment sa bien-aimée faisait pour travailler pour une personne aussi détestable. Il était vrai qu’elle ne lui avait jamais vraiment parlé de son patron et en disait du bien les quelques fois où ils en discutaient, mais l’individu qu’il venait de croiser n’avait rien à avoir avec les descriptions faites à de nombreuses reprises par Natacha.
Michael prit finalement la direction de son arrêt de bus. Sur le trajet vers ce dernier, le jeune homme savait que Natacha serait forcément au courant de ce qui vient de se produire. Dès lors, il réfléchissait à une manière de lui annoncer cela calmement sans que celle-ci s’énerve trop. Sa soirée allait vraisemblablement s’annoncer mouvementée.
A suivre !!!