Day 05 (Partie 04)

Chrees était endormi dans le sous-sol d’Alicia. Le jeune homme rêvait de son enfance, une période de sa vie où tout était beaucoup plus agité que maintenant. Moure se revoyait dans la maison dans laquelle il avait grandi, un lieu modeste rempli de douloureux souvenirs. Tandis qu’ils défilaient les uns à la suite des autres dans son rêve, son cerveau décida de se concentrer sur un fait qui était particulièrement pénible et qui se produisit lorsqu’il avait à peine 10 ans.

Un soir, alors que la famille Moure se retrouvait autour de la table à manger, la mère de Chrees ; une femme âgée d’une trentaine d’années au moment des faits, possédant des cheveux et des yeux de la même couleur que ceux de son fils ; renversa sans faire exprès le verre rempli d’alcool de son mari. Elle se mit immédiatement à demander pardon avec un air terrifié. L’homme, qui mesurait plus d’un mètre quatre-vingt une fois debout, n’écouta pas les dires de sa femme et la gifla dans l’instant.

  • Regarde ce que tu as fait ! Je casse le cul toute la journée au boulot pour ramener de la bouffe à la maison et toi, tu n’es même pas foutue de faire correctement la table ! hurla-t-il par la suite.
  • Je suis désolée. Ça ne se reproduira plus, dit la mère de Chrees, complètement terrifiée.
  • Ne t’inquiète pas. Cela ne risque plus de se reproduire !

L’homme commença à défaire sa boucle de ceinture, ce qui n’annonçait rien de bon à son épouse. Celle-ci s’excusa davantage et le supplia de ne pas le faire. Malheureusement, il ne l’écouta pas.

Sans hésiter, le père de Chrees, monsieur Moure, se mit à battre son épouse avec la partie métallique de sa ceinture. Devant une telle violence et les pleurs et cris de sa mère, le jeune Moure se précipita vers son père dans le but de l’arrêter.

  • Papa, arrête ! S’il te plait, arrête ! s’exclama-t-il en tirant la chemise de son père.
  • Dégage !

D’un simple mouvement du bras, monsieur Moure se débarrassa de son fils qui partit se cogner violemment contre une des chaises. La mère, qui avait vu ce qui venait de se produire, essaya une fois de plus de convaincre son époux en lui disant que leur enfant venait de se faire mal, mais ce dernier ne l’écouta pas et continua de la battre. Il déclara même qu’il commençait à en avoir plus qu’assez d’eux et qu’ils n’étaient que deux bons à rien qui se contentaient de manger son argent sans rien produire.

Alors que Chrees se trouvait à même le sol, son ventre se mit à lui faire mal. Il avait faim, très faim, ce qui le fit immédiatement sortir de son rêve. À ce moment, il se rappela qu’il trouvait dans le sous-sol d’Alicia, cet endroit qu’il détestait du plus profond de son cœur. Il se demanda également pourquoi il avait rêvé de ses parents. Cela faisait des lustres qu’il n’avait pas été en contact avec eux. D’ailleurs, le simple fait de penser à eux le mit dans une profonde colère, le tout accentué par le fait qu’il était également ligoté dans une pièce dépourvue de lumière et qu’il avait très faim. Les rations que la jeune femme lui donnait n’étaient pas suffisantes pour quelqu’un ayant sa morphologie.

Le jeune homme se dit alors qu’il pourrait demander un peu plus de nourriture lors de sa prochaine rencontre avec mademoiselle Garnier. Cependant, à peine eut-il pensé à cela qu’il se rappela tout ce qu’elle lui avait fait jusqu’à présent. Il abandonna alors son idée, se disant qu’il n’y avait aucune chance qu’il s’abaisse au point de demander à cette personne de lui apporter plus de nourriture. C’était hors de question. Il allait tout simplement faire avec les moyens du bord, le temps qu’il trouve une solution pour s’échapper de cet endroit de malheur.

—–*—–

Alicia arriva devant son lieu de travail peu de temps après 11h. La jeune femme perdit ensuite quelques minutes dans sa voiture, le temps de réfléchir sur la manière dont sa prochaine discussion avec ses employés allait se dérouler. Il était certain que ceux-ci seraient quelque peu bouleversés par la nouvelle qu’elle était sur le point de leur annoncer. Elle imaginait la réaction de John qui, selon son caractère, lui dirait seulement que ce n’était pas grave, qu’elle pourrait surmonter cette petite épreuve de rien du tout, et qu’il serait toujours là pour elle.

De son côté, Fuji dirait surement la même chose, mais serait par contre beaucoup plus calme que son collègue. C’était vraiment quelque chose que mademoiselle Garnier appréciait énormément chez elle, en plus de son caractère sérieux et responsable. La véritable inconnue à ce moment se situait majoritairement au niveau de Filona. Alicia n’avait vraiment aucune idée de comment sa troisième et plus récente employée allait réagir devant leur réduction soudaine de salaire. Dans le meilleur des cas, elle le prendrait sans trop de souci, mais dans le pire, mademoiselle Garnier pourrait perdre une personne talentueuse.

De nombreuses minutes s’écoulèrent avant que la jeune femme ne se décide finalement à descendre de son véhicule et à prendre la direction de son bar. À peine entra-t-elle à l’intérieur de son bâtiment qu’elle fut accueillie par John qui servait des clients.

  • Tiens donc te revoilà. Alors, comment c’était à la banque ? rétorqua-t-il.
  • J’ai vraiment pas envie d’en parler, pas maintenant en tout cas.

Alors qu’elle passait à côté de lui et prenait la direction de son bureau, le jeune homme comprit immédiatement que les choses ne s’étaient pas très bien déroulées lors de son rendez-vous. Il lança ensuite un regard à Fuji qui comprit instantanément où il voulait en venir. Elle attendit cependant deux minutes, laissant ainsi sa patronne le temps de ranger ses affaires.

Mademoiselle Garnier, qui avait remis ses documents à leur place, s’assit ensuite derrière son bureau. Il n’était pas encore midi que la jeune femme se sentait déjà complètement épuisée. Au moment où Alicia s’affala dans son fauteuil, Fuji cogna à la porte de son bureau.

  • Entre ! s’exclama-t-elle.
  • Désolée de te déranger, Alicia, mais John et moi nous demandions si tout allait bien, dit mademoiselle Nakaharu en entrant dans la pièce.

Alicia rigola légèrement avant de lui dire que lorsqu’elle pensait que tout allait pour le mieux, la vie lui prouvait le contraire. Elle ajouta ensuite que sa banque avait soudainement augmenté le taux d’intérêt de remboursement, ce qui voulait dire que la somme qu’elle devait leur rendre avait également augmenté.

  • Mais ils n’ont pas le droit de faire une chose pareille ! s’exclama la jeune femme, déconcertée par la nouvelle.
  • Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Les banques font pratiquement ce qu’elles veulent et c’est nous, les gens au plus bas de l’échelle, qui en pâtissons.
  • Que comptes-tu faire maintenant ?

Mademoiselle Garnier lui répondit que, malgré cette mauvaise nouvelle qui tombait à l’improviste, les choses n’étaient pas aussi mauvaises qu’il y paraisse.

  • J’ai beaucoup réfléchi durant mon trajet et, en faisant quelques ajustements avec les dépenses du bar, tout devrait rentrer dans l’autre. Cependant, je suis malheureusement obligée de revenir sur ma promesse concernant votre augmentation de salaire. Je suis sincèrement désolée que les choses prennent cette tournure.
  • Ce n’est pas ta faute. Comment aurais-tu pu prévoir qu’un tel évènement se produirait ? Tu n’es pas devin. Tu n’as donc rien à te reprocher. Je comprends parfaitement. Et je suis sure que les autres le comprendront également, rétorqua aimablement la jeune femme.
  • J’espère de tout cœur que tu as raison.

Voyons que sa patronne avait besoin de rester seule, Fuji lui dit qu’elle retournait aux côtés de John. Toutefois, au moment où elle saisit la poignée de porte, mademoiselle Garnier lui demanda s’il y avait eu des incidents durant son absence.

  • Non, rien ne s’est passé. John a été très coopératif.
  • Je vois. Merci encore, Fuji.

Mademoiselle Nakaharu esquissa un léger sourire avant de franchir le pas de la porte et de laisser son employeur seule avec ses pensées.

—–*—–

Lorsque Fuji retourna auprès de son camarade, ce dernier lui demanda instantanément comment se portait leur patronne.

  • Elle est exténuée comme tu peux le deviner, répondit-elle.
  • Je suppose donc que les choses se sont mal déroulées à la banque.
  • C’est ça en effet. Elle m’a dit que l’on devra malheureusement faire une croix sur l’augmentation de salaire qu’elle nous a promis.

Le jeune homme resta silencieux quelques instants avant de lui dire qu’il comprenait parfaitement et que ce n’était pas grave si leur patronne n’était plus en mesure de tenir sa promesse. Malgré ses dires, John ne parvint pas à cacher sa déception vis-à-vis de cette nouvelle. Il fallait dire qu’il avait déjà établi des plans avec l’argent en plus qu’Alicia leur aurait fourni.

  • En tout cas, nous n’avons pas trop le choix. Du moment que le bar ne met pas la cle sous la porte, je suppose que nous sommes tranquilles. Elle ne compte pas fermer le bar, n’est-ce pas ? ajouta-t-il.
  • Je ne pense pas. Elle a parlé d’ajustements, mais rien concernant une quelconque fermeture du bar.

Un des habitués du bar qui avait par mégarde entendu une partie de la conversation entre Fuji et John, s’approcha du duo et leur demanda ce qui se passait avec le bar.

  • Rien de bien grave, répondit la jeune femme.
  • Alicia ne compte tout de même pas fermer le bar, n’est-ce pas ? C’est l’endroit où nous venons tous boire. Il n’y a pas deux bars comme celui-ci, rétorqua-t-il ensuite, inquiet.

John le rassura en lui disant que mademoiselle Garnier ne comptait pas fermer le bar, que tout allait bien, et que rien n’allait changer. Son interlocuteur ne semblait cependant pas être convaincu, mais quand il s’apprêta à prendre de nouveau la parole, un livreur tenant un énorme carton dans les mains entra soudainement dans l’établissement et demanda après une certaine Alicia Garnier.

  • Une minute s’il vous plait ! s’exclama Hopkins avant de prendre soudainement la direction du bureau de son employeur.

Comme avec Fuji, la jeune femme lui donna l’autorisation d’entrer après qu’il ait frappé à la porte.

  • Alicia, il y a un livreur qui a un énorme colis pour toi.

À ce moment précis, la jeune femme se souvint qu’elle avait commandé plusieurs articles personnels quelques jours auparavant. La nouvelle concernant l’arrivée de ces derniers réjouit Alicia qui se dit à cet instant que cette journée n’était pas faite que de mauvaises nouvelles.

Alors qu’il assistait à un léger changement de l’expression faciale de mademoiselle Garnier, celle-ci se mettant soudainement à sourire, John ne put s’empêcher de se poser des questions concernant le contenu du colis. Il voulut alors le lui demander, mais préféra se taire, se disant qu’elle avait suffisamment été dérangée pour aujourd’hui. Alicia se leva donc de son siège et, avec son employé, partit à la rencontre du livreur.

  • Je suis Alicia Garnier. Vous avez un paquet pour moi, dit-elle lorsqu’elle arriva devant l’employé de la poste.
  • Veuillez signer ici s’il vous plait.

Alors qu’elle tenait désormais entre ses mains son colis, la jeune femme ne put s’empêcher d’esquisser un sourire narquois tandis qu’elle imaginait déjà tout ce qu’elle allait faire à Chrees Moure. Alicia remercia le livreur et lui souhaita par la suite une excellente journée. Pendant ce temps, John, dont la curiosité avait énormément augmenté à cause de l’étrange sourire de sa patronne, lui demanda ce que le paquet contenait.

  • Juste un petit traitement qui me permettra de mieux dormir la nuit, répondit-elle.
  • Je vois.

Tandis que Hopkins laissait cours à son imagination vis-à-vis de ce qui se trouvait dans le carton et de ce que mademoiselle Garnier allait en faire, cette dernière partit le déposer dans sa chambre. Lorsqu’elle revint auprès de ses employés, elle reprit ses activités, patientant tranquillement jusqu’à la fermeture de son bar.

A suivre !!!

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