La promotion 41

Cela faisait déjà deux heures que le bureau de monsieur Invictus était vide. Son absence imprévue mettait ses secrétaires dans tous leurs états. D’un côté, nous avions mademoiselle Barnes qui s’inquiétait vis-à-vis de son absentéisme. Sachant ce qui s’était passé la veille entre son fiancé et son patron, la jeune femme se disait que le fait qu’il ne soit pas présent avait quelque chose à l’altercation entre Michael et lui. Elle s’imaginait notamment que monsieur Invictus préparait une sorte de vengeance contre lui. Il était allé beaucoup trop loin en allant le voir directement.

Natacha sortit son téléphone portable de son sac. Elle avait à cet instant de contacter Herman et de lui dire que Michael n’était au courant de rien, qu’il était seulement parti à sa rencontre à cause d’un problème mineur qu’ils avaient eu chez eux. Elle espérait alors que cela serait suffisant afin d’apaiser la colère de l’homme d’affaires.

D’un autre côté, nous avions mademoiselle Harlock qui se demandait également où se trouvait son employeur. Cependant, ce n’était pas pour les mêmes raisons que sa collègue de travail. En effet, contrairement à Natacha, Tess avait un certain mal à accepter que l’homme de sa vie soit éloigné d’elle, d’autant plus qu’elle ne savait pas où il était à ce moment précis. En tant que secrétaire, et accessoirement amante de monsieur Invictus, elle se disait que c’était son droit et devoir de connaitre ses moindres faits et gestes.

Comme Natacha, la jeune femme sortit son téléphone portable. Cependant, au moment où elle se leva de son siège, sa collègue fit de même.

  • Je reviens, j’ai un appel important à passer, dirent-elles en même temps.

Que ce soit Natacha ou Tess, chacune fut quelque peu surprise par la soudaine intervention de l’autre.

  • Tu peux y aller si tu veux. Ça ne me dérange pas, dit Natacha.
  • Non, toi vas-y. Je peux attendre.
  • Tu es sure ?
  • Et certaine. De toute façon, ce n’est pas un appel très important.

Mademoiselle Barnes remercia sa collègue pour son geste amical et quitta la pièce. De son côté, maintenant qu’elle se retrouvait complètement seule, Tess pouvait passer son appel.

—–*—–

Marion venait tout juste de finir de prendre son petit-déjeuner. Tandis que les domestiques débarrassaient la table, la jeune adolescente retourna auprès de ses parents qui étaient toujours en compagnie du docteur Higgins dans leur séjour. Ce dernier l’invita ensuite à s’assoir avant de procéder à un léger test. Le médecin sortit une petite torche de sa poche et éclaira successivement les yeux de Marion.

  • Depuis l’accident, est-ce que tu éprouves une quelconque gêne comme des maux de tête, un bourdonnement continu, une sensibilité à la lumière, des vertiges ? lui demanda-t-il.

À la suite de cette question, la jeune adolescente lança un regard coupable à ses parents qui observaient tout attentivement.

  • Tu n’as pas à te soucier de leur réaction. Je suis sure que tu as fait ça pour ne pas les inquiéter davantage, mais j’ai besoin de savoir ce qui ne va pas afin de trouver le meilleur traitement pour toi, poursuivit-il.

La fille d’Herman et d’Henrietta lui dit alors qu’elle souffrait de maux de tête et d’un léger bourdonnement au niveau de l’oreille gauche depuis qu’elle était sortie de l’hôpital et que ceux-ci avaient gagné en intensité depuis qu’elle s’était réveillée. Ségolène s’excusa également auprès de ses parents pour ne pas leur avoir dit la vérité.

  • Pourquoi tu ne nous as pas parlé de l’autre symptôme ? questionna madame Invictus, très inquiète.
  • Oui, pourquoi tu ne l’as pas fait ? ajouta Herman.

Devant les questions de ses parents, la jeune adolescente garda le silence. Elle ne savait pas comment leur répondre.

  • Allons, vous l’avez tous les deux entendue. Elle a fait cela pour ne pas vous inquiéter davantage. Il faut aussi comprendre qu’il n’est pas facile pour les enfants de cet âge de tout confier à leurs parents. De toutes les façons, je suis désormais.
  • Quel est donc le problème, Karl ? Est-ce que notre fille va bien ? demanda Herman.

À ce moment précis, le téléphone portable de l’homme d’affaires se mit à sonner. En le prenant, il se rendit compte qu’il s’agissait d’un appel d’une de ses secrétaires, mademoiselle Harlock. Herman raccrocha immédiatement, se disant que ce qui se déroulait devant lui était beaucoup plus important que ce qu’elle avait à lui dire.

  • Qui était-ce ? demanda Henrietta.
  • Rien d’important, juste un appel en provenance du bureau, répondit-il en rangeant son téléphone.

Alors que l’appareil venait à peine d’être remis dans la poche, ce dernier sonna une fois de plus. Se disant qu’il s’agissait de la même personne, il raccrocha sans même le sortir de sa poche. Toutefois, la sonnerie du mobile retentit une troisième fois, ce qui eut pour conséquence d’irriter quelque peu Herman. Croyant que l’appel provenait une fois de plus de sa secrétaire personnelle, l’homme d’affaires saisit son téléphone et s’apprêtait à la réprimander. Cependant, au moment où il consulta son écran, il se rendit compte qu’il s’agissait cette fois-ci d’un appel de mademoiselle Barnes.

Herman était quelque peu confus. Recevoir des appels de ses secrétaires en même temps n’annonçait surement rien de bon. Il s’excusa donc auprès de sa femme et de Karl, puis changea de pièces avant de finalement décrocher.

  • Mademoiselle Barnes ! Quelque chose ne va pas avec mon entreprise ? rétorqua-t-il.
  • Monsieur Invictus, je vous contacte à l’improviste afin de m’excuser pour le comportement que mon fiancé, Michael Orzak, a tenu à votre égard. La manière dont il a agi n’est en aucun cas excusable et je comprendrai que vous éprouviez un certain ressentiment envers lui, mais je vous prie de me croire quand je vous dis que le caractère qu’il a démontré n’a rien à voir avec les épreuves que vous me faites passer vis-à-vis de mon augmentation de salaire. Mon fiancé n’est au courant de rien et a agi uniquement parce que j’ai eu à commettre l’erreur de lui montrer une facette de ma personne qu’il n’était pas supposé voir. Je vous prie alors, monsieur Invictus, de ne pas tenir rigueur de tout ce qu’il a dit ou fait lors de votre soudaine rencontre. S’il le faut, je suis prête à en assumer toute responsabilité, et à faire tout ce que vous me direz à partir d’aujourd’hui, et cela sans la moindre hésitation.

Herman ne savait pas quoi dire sur l’instant. Au début de cet appel avec Natacha, il pensait que la jeune femme allait lui annoncer une mauvaise nouvelle concernant son entreprise. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle prenne contact avec lui afin de parler du comportement de son fiancé, une personne qu’il avait déjà prévenue. En plus, il savait déjà qu’elle n’avait rien révélé sur leurs activités. Mademoiselle Barnes savait très pertinemment de quoi il était capable, dès lors, dévoiler de telles informations était tout sauf à son avantage. Néanmoins, l’homme d’affaires appréciait énormément la tournure que prenaient les évènements. Il en venait même à vouloir rencontrer le fiancé de sa secrétaire afin de le remercier pour son geste. Il pouvait désormais faire tout ce qu’il voulait d’elle sans que cette dernière montre la moindre hésitation.

Pendant que Natacha était au téléphone avec monsieur Invictus, Tess, à qui on venait de raccrocher au nez, trouva le geste de son patron quelque peu vexant, surtout si on considérait le fait que les deux étaient devenus un peu plus proches depuis bon moment que les deux avaient partagé la veille. Pour la jeune femme, il était donc inacceptable qu’il se comporte de la sorte avec elle. Ce fut donc pourquoi elle relança son appel immédiatement après. Malheureusement, on lui indiqua que son correspondant avait déjà un appel en cours, ce qui la frustra énormément. Elle se demandait alors qui était cette personne qui l’empêchait de parler avec l’homme qu’elle aimait. Elle était très loin de se douter qu’il s’agissait de sa collègue de travail.

De retour dans l’appel entre Herman et Natacha, la jeune femme commençait à s’inquiéter. En effet, cela faisait déjà plusieurs dizaines de secondes que son interlocuteur gardait le silence.

  • Monsieur Invictus ! Êtes-vous là ? rétorqua Natacha.
  • Je suis là, mademoiselle Barnes. J’ai bien écouté votre plaidoyer et, même si je dois admettre que le comportement de votre fiancé à mon égard ne m’a guère plus, vous êtes un élément dont nous ne pouvons pas nous passer. J’attends donc de vous une attitude irréprochable. Aucune autre chance ne vous sera accordée. Me suis-je bien fait comprendre ?
  • Oui, monsieur. Cela ne se reproduira plus.
  • Bien. Aviez-vous autre chose à me dire ?
  • Non, monsieur.
  • OK. Je serai au bureau aux alentours de midi, au plus tard à 13h. Dès que je serai là, nous discuterons de la suite des évènements. Sur ce, à tout à l’heure, dit-il en raccrochant immédiatement l’appel, ne laissant donc pas l’opportunité à sa secrétaire de répondre.

Alors qu’il s’apprêtait à ranger son téléphone portable dans sa poche et à retourner auprès de sa femme et de sa fille, celui-ci sonna une fois de plus.

  • Quoi encore ?! s’exclama-t-il furieusement sans prendre le temps de vérifier de qui il s’agissait.
  • Monsieur Invictus ! Je suis désolée de vous déranger…

L’homme d’affaires, qui reconnut immédiatement la voix de la personne à l’autre bout du fil, l’interrompit immédiatement.

  • Écoutez, mademoiselle Harlock. En ce moment, je n’ai pas de temps discuter de quelconque sujet avec vous. Nous verrons tout ceci tout à l’heure quand je serai bureau. Sur ce, au revoir.

Il raccrocha à nouveau et prit le soin de mettre son téléphone sous silencieux pour les deux prochaines heures. Il retourna ensuite auprès de sa famille où l’examen préliminaire de Marion venait de se terminer.

  • Alors, de quoi s’agissait-il pour que tu hurles de la sorte ? demanda Henrietta.
  • Juste quelques petits problèmes au bureau.
  • Rien de grave, j’espère ?
  • Non, tu n’as pas à t’en faire. Alors, quel est le diagnostic, Karl ?
  • Comme je l’ai dit à ton épouse durant ton absence, Marion souffre d’une légère commotion cérébrale. Elle a donc besoin de beaucoup de repos, le temps que ses maux de tête disparaissent.
  • Et concernant les bourdonnements dans son oreille ?
  • Cela est probablement dû à la violence du choc. Cependant, je ne peux pas prononcer tout de suite. J’aurais besoin de lui faire passer des examens beaucoup plus approfondis afin de terminer s’il s’agit d’acouphènes passagers ou si le problème est plus grave que ça.

N’étant pas complètement soulagé, le couple Invictus demanda au médecin s’il était possible que leur fille passe ces examens le plus vite possible.

  • Je n’ai qu’à passer un simple appel afin de mettre un de mes ostéopathes sur le coup. Une salle d’examen sera prête bien avant votre arrivée, répondit Karl.

Sans hésiter, Herman et Henrietta prirent une décision. Il fallait absolument que les deux soient surs que leur enfant aille bien. Tout le monde prépara donc ses affaires et, moins d’une dizaine de minutes plus tard, partit en direction du lieu de travail de Karl Higgins.

A suivre !!!

Catégories : Étiquettes : ,

Laisser un commentaire