Marion, Henrietta, et Herman Invictus se trouvaient en compagnie du docteur Higgs et de son ostéopathe dans une des salles de l’hôpital. Ce dernier expliquait aux parents de la jeune femme ce qu’il avait découvert en examinant la patiente, mais également comment traiter ce dont elle souffrait. Il leur dit notamment qu’à cause du bruit et du choc générés par l’accident que leur enfant avait subi, elle souffrait d’un acouphène. Bien évidemment, il s’agissait là d’une information qu’ils connaissaient déjà. Ce qui les intéressait vraiment était de savoir s’il était possible pour leur fille de se débarrasser de ça.
- La bonne nouvelle est que votre fille ne nécessite aucun traitement médical, du moins pour le moment. Tout ce dont elle a besoin en ce moment est de se reposer énormément. Son acouphène devrait disparaitre tout seul d’ici quelques jours…
À ce moment, monsieur et madame Invictus furent extrêmement soulagés, notamment Henrietta dont le reste de ses inquiétudes s’envola immédiatement.
- Toutefois, je conseille à mademoiselle Marion de rester loin de tout bruit fort et d’éviter également le port d’oreillettes ou de tout autre appareil susceptible d’émettre de fortes ondes sonores directement dans ses oreilles, poursuivit le médecin.
- Quoi !? s’exclama la fille du couple Invictus.
Ségolène avait toutes les raisons d’être étonnée. Le médecin en face d’elle venait tout juste de lui dire qu’elle ne pourrait pas écouter de musique via ses oreillettes durant de nombreux jours. Cela voulait donc dire qu’elle ne pourrait donc plus s’isoler dans son monde comme elle avait l’habitude de le faire, ce qui était inacceptable pour une adolescente comme elle.
- Non, il ne peut pas dire ça. Comment je vais faire sans musique ? se dit Marion.
Alors que la jeune adolescente jetait un coup d’œil à son père et à sa mère, elle se rendit compte qu’elle n’aurait même pas l’occasion de discuter sur ce qui venait de se dire. Les connaissant, ils allaient tous les deux respecter les consignes du médecin à la lettre. Marion était démoralisée, cependant, elle ne pouvait rien y faire. C’était sa santé qui était en jeu.
Le médecin continua ainsi en disant aux parents que si le bourdonnement de leur fille persistait après plus d’une semaine, il faudrait la ramener immédiatement à l’hôpital. Si ce cas devait se produire, alors le port d’un appareil auditif serait envisagé. Bien évidemment, il s’agissait là d’un scénario que ni Herman ni sa femme ne voulait voir se réaliser. Les deux parents prirent donc les conseils du médecin très au sérieux et promirent de les appliquer sans faute.
- Marion, tu as entendu ? rétorqua soudainement l’homme d’affaires en tendant sa main.
La jeune adolescente sut immédiatement où il voulait en venir avec ce geste. Son père voulait qu’elle lui remette la paire d’oreillettes sans fil qu’elle tenait dans une de ses mains. Bien qu’hésitante au début, ce fut, néanmoins, sans discuter que Marion déposa délicatement son « précieux » dans la main de son père.
- Je te les rendrai dès que tu iras mieux, ajouta Herman.
Il avait beau dire ça, cela ne changeait rien au fait qu’elle venait d’être privée des seuls objets qui pouvaient la séparer du monde dans lequel elle vivait. En plus, le « dès que tu iras mieux » ne la réconfortait absolument pas. D’ailleurs, quand est-ce qu’elle irait mieux exactement ? Cela pourrait être le lendemain comme le jour suivant, ou bien la semaine suivante. Elle n’en savait rien et c’était ce qui la frustrait le plus dans toute cette histoire. La jeune adolescente espérait toutefois que sa phase de guérison se passe le plus vite possible afin qu’elle puisse récupérer ses « bébés ».
Tandis que mademoiselle Invictus réfléchissait sur comment elle allait passer les prochains jours, sa mère demanda au docteur Higgins s’il ne pouvait pas leur prescrire quelque chose pour traiter les maux de tête de son enfant.
- Bien évidemment. Vous n’avez pas à vous en faire pour ça…
Karl demanda alors à son employé de prescrire une ordonnance à Marion afin que sa famille et elle puissent se rendre à la pharmacie de l’hôpital pour obtenir la médication nécessaire pour traiter son mal. Au même moment, le téléphone portable de l’homme d’affaires se mit soudainement à sonner. Alors qu’il s’apprêtait à raccrocher, pensant qu’il s’agissait une fois de plus d’un appel en provenance de son bureau, Herman constata que cela n’était pas le cas et qu’il devait impérativement décrocher. Ce dernier s’excusa donc auprès de sa femme, sa fille, et des deux autres avant de sortir de la pièce.
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- Délaïla, as-tu trouvé quelque chose sur la personne dont je t’ai envoyé le nom ? questionna Herman après s’être éloigné.
Alors qu’il prononçait ses paroles, le visage d’Herman Invictus n’était plus le même que celui qu’il arborait aux côtés de sa femme et de sa fille. En effet, ce dernier était passé d’un père aimant et inquiet pour la santé de sa progéniture à celui d’un homme d’affaires froid et impitoyable capable de détruire ses adversaires et de s’emparer de leurs empires.
- Tu sais, tu m’as donné beaucoup de noms de personne sur qui enquêter et dénicher toute sorte d’informations, mais là je dois admettre que ça ne te ressemble pas du tout. Ce type est au plus bas de l’échelle, mais genre littéralement. Qu’est-ce qu’il peut avoir de si intéressant pour que tu…
- Délaïla, il s’agit de l’homme responsable de l’accident de voiture dans lequel ma fille a été impliquée. Je ne suis donc vraiment pas d’humeur à écouter autre chose que ce pour quoi je te paie. Me suis-je bien fait comprendre ? dit-il en interrompant brusquement son interlocutrice.
La voix de l’homme d’affaires, à ce moment, était calme, mais contentait un soupçon de colère qui fit comprendre à mademoiselle Fitzgerald la gravité de la situation.
- Je…je suis sincèrement désolée, monsieur. Je n’étais pas au courant. J’espère au moins que rien de grave ne lui est arrivé, rétorqua la jeune femme dont le ton avait complètement changé.
- Bien plus de peur que de mal. Mais bon, trêve de bavardage. Qu’as-tu trouvé sur ce Daniel Prine ?
Délaïla lui donna donc toutes les informations qu’elle avait pu dénicher sur cette personne. Elle lui dit notamment que cet individu était âgé de 42 ans et était connu par les forces de police à cause de divers larcins qu’il avait commis au fil des années. Cela avait commencé avec du vol à l’étalage avant de devenir un peu plus sérieux avec des braquages et des cambriolages.
- Autre chose ?
La jeune femme poursuivit en lui disant qu’elle avait réussi à obtenir une possible adresse de son domicile. Elle ajouta également qu’il avait été marié à une certaine Vanessa et avec qui il avait eu un enfant, avaient tous les deux divorcé quelques années plus tard, certainement à cause du train de vie qu’il menait.
- Je…
Avant qu’il puisse continuer sa phrase, l’homme d’affaires aperçut du coin de l’œil sa femme sortir de la salle d’examen en compagnie de sa fille et de son ami, Karl Higgins. Elle tenait alors dans une de ses mains une feuille. Herman présuma alors qu’il s’agissait de l’ordonnance dont ils avaient besoin afin d’obtenir les médicaments pour le traitement de Marion.
- Écoute, je veux que tu me trouves tout ce qu’il y a à savoir sur Prine et son entourage. S’ils font des courses trois fois par semaine, je dois connaitre le montant dépensé et les articles exacts qu’ils ont achetés. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui, monsieur, répondit Délaïla.
Ce fut avec ce nouvel ordre que la conversation entre les deux s’acheva. Herman rangea ensuite son téléphone portable et retourna auprès de sa famille.
- Vous avez déjà fini ? demanda-t-il.
- Oui. Là, nous allons chercher les médicaments de Marion, répondit Henrietta.
Herman regarda brièvement son enfant. Cette dernière n’avait pas l’air contente. Quoi de plus normal. On venait tout juste de lui prendre ses précieuses oreillettes, la forçant ainsi à passer de nombreux jours sans écouter sa musique comme elle le voudrait. L’homme d’affaires se retourna ensuite vers son ami, lui tendit la main, et le remercia pour tout ce qu’il avait fait pour eux. Le médecin observa la main qui lui était tendue quelques instants avant de la serrer.
- Tu n’as pas à me remercier pour ça. C’est mon métier de vous garder tous en bonne santé, dit-il.
Karl Higgins ne pouvait empêcher d’éprouver un certain ressentiment envers son ami, d’autant plus qu’il agissait comme si la discussion qu’ils avaient eue quelques minutes avant les examens de Marion n’avait jamais eu lieu. Pour qui se prenait-il ? De leur côté, Henrietta et Marion pouvaient clairement voir qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas entre les deux hommes. Cependant, ni la mère ni la fille n’osa se mêler de ce qui ne les regardait pas.
—–*—–
Les médicaments de Marion venant tout juste d’être achetés, il était désormais temps pour la famille Invictus de rentrer chez elle. Henrietta remercia une fois de plus Karl pour tout ce qu’il avait fait pour sa fille, ce à quoi l’homme de 62 ans répondit qu’il n’y avait pas de quoi le remercier, qu’il n’avait fait que son travail.
- J’espère que tu vas suivre ton traitement à la lettre, Marion. Il ne faudrait pas que tu inquiètes de nouveau tes parents, poursuivit-il.
La fille d’Herman trouva à nouveau le regard de l’ami de son père très bizarre. Elle lui répondit néanmoins et lui dit qu’elle le ferait. Toutefois, après lui avoir donné sa réponse, la jeune adolescente alla immédiatement retrouver son père qui parlait avec Gordon Botle.
Alors qu’elle retrouvait désormais seule avec Karl, Henrietta, très curieuse, lui demanda de quoi son mari et lui avaient discuté quand ils s’étaient tous les deux éloignés. Il était alors tenté de lui répondre que son mari l’avait ouvertement menacé, mais savait que s’il disait cela, les conséquences pourraient s’avérer désastreuses pour lui. Henrietta avait beau être sa femme, il n’était pas certain qu’elle puisse atténuer la colère de son mari à son égard.
- Herman et moi avons juste discuté d’un sujet trivial, répondit-il finalement.
- Un sujet trivial, dis-tu ?
- Oui. Un truc banal qui ne mérite même pas d’être mentionné.
Bien évidemment, madame Invictus savait que son interlocuteur mentait. S’il s’agissait comme il le disait d’un sujet de conversation trivial, pourquoi ni lui ni son mari ne voulait lui dire de quoi ils avaient discuté ?
- Je vois. En tout cas, comme il s’agit de quelque chose de banal, je ne vois pas pourquoi cela m’intéresserait. Quoi qu’il en soit, je te remercie encore d’avoir aidé mon enfant. Je ne sais vraiment pas comment on aurait fait sans toi. Je vais donc y aller. Essaie de passer de temps en temps à la maison. C’est si rare de te voir.
L’homme resta sans voix devant ce qu’on venait de lui dire. Cependant, alors qu’il observait Henrietta retourner auprès de sa famille, il ne put s’empêcher de lever son bras vers elle, comme pour la retenir. Malheureusement, il s’agissait là d’une personne qu’il ne pouvait pas espérer avoir auprès de lui.
A suivre !!!