La promotion 45

Alors que le père, la mère, et la fille Invictus se trouvaient dans la voiture, Henrietta était la seule parmi les trois à être quelque peu troublée. En effet, la femme de l’homme d’affaires n’arrêtait pas de penser à ce qui s’était passé entre son mari et le docteur Higgins. Elle avait beau essayer de chasser cela de son esprit, elle n’y parvenait pas. Les deux hommes lui avaient dit qu’ils avaient eu une conversation tout à fait banale, mais dans ce cas, pourquoi n’arrivaient-ils pas à lui dire le sujet de cette soi-disant conversation ? Tandis qu’elle regardait son enfant dont la tête était posée sur l’épaule de son époux, elle ne put s’empêcher de penser que la discussion entre Herman et Karl avait un rapport avec Marion.

Henrietta était frustrée. Elle n’aimait pas qu’on lui cache des choses, surtout si cela concernant un de ses enfants adorés. Elle voulut alors en parler sérieusement avec Herman dès qu’ils seraient tous les deux à la maison. Toutefois, alors qu’elle venait tout juste d’avoir cette idée, son mari prit soudainement la parole et demanda à Gordon, leur chauffeur, de faire un détour et de le déposer d’abord à son bureau.

  • Tu ne rentres pas d’abord avec nous ? questionna-t-elle.
  • J’aurais bien voulu, mais il est bientôt 13 heures et j’ai également une entreprise à gérer, répondit-il.
  • Ton entreprise ? Ton entreprise est-elle plus importante que Marion, notre enfant ?
  • Ne me fait pas dire ce que je n’ai pas dit.
  • Pourtant ton comportement prouve que c’est bel et bien le cas.
  • Henrietta, ce n’est ni le moment ni le lieu pour avoir ce genre de conversation. En plus, tu as entendu ce que Karl et le médecin ont dit. Notre enfant a de grandes chances d’aller mieux en suivant son traitement, rétorqua Herman.

Alors que la conversation venait à peine d’être entamée, Marion, qui se trouvait en ce moment entre ses deux parents, ne pouvait pas s’empêcher de se sentir mal à l’aise. Elle n’aimait pas voir ses parents se disputer. De son côté, madame Invictus profita du fait que son époux ait mentionné le nom de leur médecin pour aborder le sujet qui la tracassait véritablement.

  • Oui ! Karl a dit ceci, Karl a dit cela ! Karl par-ci, Karl par-là ! Karl ! Mais Karl et toi ne voulez toujours pas me dire de quoi vous avez discuté tout à l’heure.
  • Je t’ai déjà dit qu’il ne s’agissait de rien d’important.
  • Alors, pourquoi refuses-tu de m’en parler si comme tu le dis ça n’a pas d’importance ? rétorqua madame Invictus, visiblement énervée.

Herman était quelque peu embêté par la question que sa femme venait de lui poser et encore plus à cause de la présence de sa fille. Malheureusement, il ne pouvait pas leur dire la véritable raison pour laquelle son ami et lui s’étaient isolés pour discuter. Il connaissait trop bien Henrietta. S’il venait à le lui dire, il était certain que cette dernière le prendrait extrêmement mal et ferait sans doute une crise d’hystérie.

  • Nous en reparlerons ce soir lorsque je rentrerai.

Avec cette réponse, l’homme d’affaires espérait trouver une explication plausible, n’ayant rien de véritablement concret en tête en ce moment hormis la vérité.

  • Après c’est pour venir me raconter des balivernes comme à ton habitude, n’est-ce pas ?
  • Hum !

Herman savait que si cette conversation se poursuivait, il aurait beaucoup de mal à conserver son calme. Ce fut donc pour cela qu’il lui dit une dernière fois qu’ils en discuteraient lorsqu’il rentrerait du travail. Après cela, il cessa de lui répondre ; ce qui exaspéra encore plus sa femme ; et attendit tout simplement que Gordon le dépose devant son entreprise.

De son côté, Marion, qui avait malheureusement assisté à toute la scène, se tenait là, assise entre son père et sa mère, incapable de prononcer le moindre mot, une situation qu’elle n’avait vraiment pas l’habitude de vivre. Tout ceci lui fit se rendre compte à quel point passer plusieurs jours sans ses écouteurs serait une épreuve assez difficile.

  • Faites que je guérisse au plus vite, pensa-t-elle.

—–*—–

La fin de la pause de midi était proche et mademoiselle Harlock n’avait toujours rien avalé. Elle regardait avec une certaine attention la salade qui se trouvait sous ses yeux. Il fallait dire que même si le geste qu’Olivier Thompson avait posé était attentionné, il restait néanmoins très perturbant. La jeune femme qui avait pensé l’utiliser pendant un temps commençait à avoir des doutes sur la suite des évènements. Si ça se trouvait, ce type était une sorte de psychopathe qui l’observait depuis très longtemps, mais depuis combien de temps ? Peut-être l’avait-il même déjà suivi chez elle sans qu’elle ne s’en rende compte ?

 Plus Tess réfléchissait sur ces différentes possibilités et plus elle se sentait mal à l’aise, d’autant plus qu’elle avait eu du mal à se débarrasser du jeune homme quelques dizaines de minutes auparavant. Il avait en effet insisté sur le fait qu’il voulait passer toute la pause de midi avec elle. Ne voulant bien évidemment pas que cela se produise, mademoiselle Harlock lui avait répondu qu’elle avait énormément de travail à faire et qu’elle devait donc utiliser le temps alloué durant leur déjeuner pour combler le retard qu’elle avait accumulé. Bien entendu, cela n’avait pas suffi à décourager Oliver qui l’avait une fois de plus invitée à sortir après le travail. Tess avait bien entendu refusé son invitation, prétextant à nouveau d’avoir beaucoup de boulot et ne pouvant donc pas déroger à ses obligations.

Mademoiselle Harlock n’aimait pas ça, mais vraiment pas du tout. Thompson se montrait beaucoup trop insistant à son égard. Elle se dit alors qu’il faudrait qu’elle mette les choses au clair avec lui en lui disant qu’il n’était pas son type. La seule et unique personne que Tess aimait était Herman Invictus. Il était celui qui hantait ses rêves et ses pensées. Hormis lui, aucun autre homme n’avait d’importance, du moins pour l’instant.

Tandis que Tess était perdue dans ses pensées, réfléchissant sur comment se débarrasser de Thompson sans trop de dégâts, la porte du bureau s’ouvrit soudainement. Dans un excès de joie, et surement parce qu’elle espérait que ce soit lui, la jeune femme se leva soudainement de son siège et exprima sa joie de revoir son patron. Malheureusement pour elle, ce fut une fois encore la désillusion, la personne venant de rentrer dans la pièce n’étant nulle autre que Natacha Barnes, sa collègue de travail.

  • Désolée, Tess. Ce n’est que moi, rétorqua-t-elle.

En la voyant et en l’écoutant, l’animosité que Tess ressentait envers elle se manifesta momentanément avant que cette dernière parvienne à nouveau à la masquer.

  • Il semblerait en effet, poursuivit la jeune femme sur un ton très sarcastique.

Les deux secrétaires prirent place sur leurs sièges respectifs. Ce fut alors à ce moment que mademoiselle Barnes constata que sa collègue avait à peine touché à son déjeuner, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Elle lui demanda alors si elle se portait bien.

  • Oui, pourquoi ? répondit Tess.
  • Tu n’as pas touché à ta salade, ce qui ne te ressemble pas.
  • Parce que je n’ai pas faim.

Mademoiselle Harlock n’avait vraiment pas envie que Natacha se mêle de ses affaires. Ce fut donc pour cela qu’elle préféra lui donner cette réponse au lieu de lui dire qu’un individu assez étrange lui avait offert ce déjeuner et, parce qu’elle se sentait gênée, elle n’arrivait pas à le manger.

  • OK, pas besoin de te mettre sur la défensive comme ça.

Tess ne fit pas attention à ce que sa collègue venait de lui dire et se concentra sur le travail qu’elle devait faire.

—–*—–

Au même moment, le véhicule de luxe de l’homme d’affaires vint se garer devant l’édifice. Alors que Gordon Botle s’apprêtait à descendre afin d’aller ouvrir la portière de son patron, celui-ci lui dit que ça n’en valait pas la peine et qu’il allait le faire lui-même.

  • Je règle vite quelques petites affaires ensuite, je rentre au plus vite, rétorqua l’homme d’affaires en posant sa main sur la tête de sa fille.

Alors qu’il jetait un dernier regard à sa famille avant que cette dernière ne s’en allât, il ne put s’empêcher de remarquer une certaine animosité dans le regard de sa femme. Elle était encore visiblement affectée par le fait qu’il ne lui dise pas la vérité concernant sa discussion avec le docteur Higgins.

  • Cette femme ne changera jamais, pensa-t-il à ce moment.

Le véhicule s’en alla finalement, laissant dernier Herman et plusieurs de ses gardes du corps. L’homme d’affaires prit ensuite la direction du bâtiment et, quelques minutes plus tard, arriva finalement dans son bureau.

Lorsque la porte s’ouvrit soudainement, le visage de l’une des secrétaires s’illumina tandis que celui de la seconde s’assombrit. Il était facile de deviner à qui appartenaient ces deux réactions totalement opposées.

  • Monsieur Invictus, vous êtes de retour ! s’exclama joyeusement Tess.

D’un côté, nous avions mademoiselle Tess Harlock qui était extrêmement ravie de revoir l’homme qu’elle aimait. Elle avait trouvé le début de la journée très ennuyant à cause de son absence et espérait secrètement que leur petit tête-à-tête de la veille se reproduise.

  • Monsieur, dit modestement Natacha.

De l’autre côté, nous retrouvions mademoiselle Natacha Barnes qui prenait conscience des paroles qu’elle lui avait dites au téléphone quelques heures auparavant. Désormais, la jeune femme n’avait plus aucune échappatoire, si tant est qu’elle en ait eu une au départ. Elle devait donc obéir aux moindres désirs d’Herman Invictus sans pleurer, hésiter, ou encore afficher la moindre résistance. C’était le funeste contrat qu’elle avait oralement signé avec le diable élégamment vêtu qui se tenait en face d’elle.

  • Mesdemoiselles, j’espère que rien de grave n’est arrivé en mon absence, rétorqua l’homme d’affaires en passant devant elles.
  • Non, monsieur, répondirent-elles en même temps.
  • Je vois. Alors, je vous verrai l’une à la suite de l’autre dans mon bureau dans quelques instants.

La soudaine demande de leur patron étonna les deux secrétaires qui se demandèrent de quoi il voulait parler l’autre. Alors que chacune se faisait ses propres idées, il fallait désormais choisir qui allait passer en premier.

A suivre !!!

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