La promotion 46

Natacha et Tess étaient debout devant leur poste de travail respectif. Aucune des deux femmes ne savait vraiment pourquoi leur patron voulait subitement les voir en privé. Cependant, elles estimèrent chacune que cela avait un rapport avec les appels qu’elles avaient passés quelques heures auparavant. Mademoiselle Barnes se disait alors que l’homme d’affaires voulait s’entretenir avec elle vis-à-vis des nouvelles conditions qu’elle avait elle-même établies tandis que mademoiselle Harlock pensait qu’il voulait parler du moment particulier qu’ils avaient partagé la veille.

Tandis que les deux jeunes femmes réfléchissaient sur cela, un léger petit problème se posa. Qui allait être la première à passer dans le bureau ? Monsieur Invictus était le genre de personnes qui n’aimait pas attendre. De ce fait, il fallait qu’elles se décident au plus vite. Tess proposa donc à Natacha d’y aller en premier, prétextant qu’elle pouvait attendre. En réalité, parce qu’elle pensait que Herman et elle discuteraient des ébats qu’ils avaient eus, elle se dit que leur conversation prendrait beaucoup plus de temps qu’une simple discussion d’ordre professionnel.

  • Non, c’est bon. Tu peux passer avant moi, dit Natacha.
  • Tu es sure ?
  • Et certaine, confirma mademoiselle Barnes.

La véritable raison pour laquelle la fiancée de Michael Orzak avait refusé de passer en premier positon était tout simplement parce qu’elle n’avait pas envie de se retrouver seule avec son patron, pas maintenant. Elle se souvenait parfaitement de ce qu’elle lui avait dit et savait donc qu’en rentrant dans cette pièce et en se tenant devant lui, tout ce qui passerait par la tête de monsieur Invictus deviendrait réalité. S’il venait à lui demander de se déshabiller complètement, la jeune femme se retrouverait dans l’obligation de le faire, et cela, sans témoigner une quelconque résistance. C’était là le nouveau contrat qu’elle avait elle-même proposé au diable.

—–*—–

Mademoiselle Harlock venait de rentrer dans le bureau d’Herman Invictus. Ce dernier lui demanda ensuite de fermer la porte derrière elle et d’approcher. La jeune femme était quelque peu excitée de se retrouver dans cette pièce en sa compagnie, d’autant plus que les souvenirs de la veille étaient encore très frais dans sa mémoire. Elle s’imaginait alors qu’il lui demanderait peut-être de réitérer l’expérience. Cependant, alors qu’elle observait l’homme en face d’elle, Tess se rendit compte qu’il arborait une expression très sérieuse, ce qui la refroidit énormément.

  • Mademoiselle Harlock, si je vous ai convoquée ici c’est pour que nous parlions de vos récents appels.

À ce moment précis, Tess se rappela la manière dont il s’était adressé à elle lorsqu’il avait finalement décroché son appel.

  • Monsieur Invictus, je…c’était juste pour prendre de vos nouvelles. Comme vous aviez été absent toute la journée sans nous prévenir au préalable, mademoiselle Barnes et moi nous inquiétions pour vous, rétorqua-t-elle.

Tess n’eut d’autre choix que d’impliquer sa collègue de travail. Elle ne pouvait tout simplement pas lui dire qu’elle était celle qui s’inquiétait pour son patron, lui qui était la personne qu’elle aimait le plus au monde après elle-même.

  • Bien que votre geste soit louable, je tiens à vous rappeler que, contrairement à vous, je n’ai aucune obligation de justifier mon absence en ces lieux. Il s’agit de mon entreprise et non la vôtre. Me suis-je bien fait comprendre ?
  • Oui, monsieur, répondit timidement Tess.
  • Vous pouvez alors disposer.
  • C’est tout ? questionna mademoiselle Harlock, quelque peu étonnée.
  • Avions-nous autre chose dont nous devions discuter ?

L’étonnement de la jeune femme se transforma en frustration lorsqu’elle entendit la question de son patron. Elle avait du mal à croire que ce dernier se comportait comme si rien ne s’était passé entre elle et lui. Cependant, elle ne pouvait rien dire, hormis qu’il n’y avait aucun autre sujet de conversation à aborder.

  • Dans ce cas, vous pouvez disposer. Et dites à mademoiselle Barnes de venir, poursuivit l’homme d’affaires.

—–*—–

Mademoiselle Harlock quitta donc le bureau de son patron et, comme il le lui avait ordonné, dit à sa collègue que celui-ci désirait la voir. Tandis que Natacha observait Tess qui essayait tant bien que mal de masquer son mécontentement, un certain malaise s’installa dans le cœur de mademoiselle Barnes. Elle ne pouvait malheureusement rien faire pour s’en débarrasser, ce dernier ayant un rapport avec ce qu’elle imaginait qu’il se passerait dans le bureau de monsieur Invictus. Son rythme cardiaque augmenta légèrement tandis qu’elle franchissait finalement le pas de la porte.

  • Monsieur, vous vouliez me voir ? dit-elle nerveusement.
  • Mademoiselle Barnes, veuillez fermer la porte s’il vous plait, ordonna-t-il alors qu’il avait les yeux rivés sur un de ses dossiers.

Après qu’elle se soit exécutée et approchée de son bureau, l’homme d’affaires détourna son regard de ses dossiers vers mademoiselle Barnes. Sans doute par pure honte, celle-ci détourna ensuite le sien et évita le contact visuel. Bien évidemment, cela ne manqua pas d’amuser Herman qui esquissa à ce moment un léger sourire.

  • Mademoiselle Barnes, je suppose que vous avez une idée des raisons pour lesquelles j’ai fait appel à vous, n’est-ce pas ? demanda-t-il.
  • Oui, monsieur. Cela concerne ce que je vous ai dit tout à l’heure par téléphone, répondit-elle timidement.
  • Très perspicace de votre part, mais ce n’est qu’une des raisons pour lesquelles je vous ai fait venir. Comme vous le savez, mademoiselle Barnes, je suis quelqu’un qui accorde énormément de valeur aux actes et aux dires des gens, surtout lorsque ceux-ci sont pertinents…

À ce moment, Herman se leva brusquement de son siège. Mademoiselle Barnes pensa alors qu’il allait une fois de plus venir se placer derrière elle, humer son parfum, et toucher diverses parties de son corps, mais ce ne fut pas le cas. L’homme d’affaires se retourna et regarda à travers la fenêtre de son bureau.

  • Beaucoup de personnes dans ce monde pensent à tort que les mots que nous prononçons n’ont aucune conséquence sur notre vie tandis que d’autres sont conscients de la vraie force que les paroles contiennent. J’ose espérer que vous, mademoiselle Barnes, ne faites pas partie de la première catégorie ?
  • Non, monsieur. Je suis parfaitement consciente de ce que j’ai dit et j’en assumerai toutes les conséquences, dit-elle.

À cet instant, alors qu’elle venait tout juste de lui répondre, la fiancée de Michael Orzak ne put s’empêcher de serrer le poing. Elle se demandait notamment à quel moment elle était devenue ce genre de personnes. À quel moment de sa vie avait-elle pris un tournant qui avait tout fait basculer ? Était-ce à cause de la cupidité ? Il était vrai qu’elle enviait Tess, sa collègue. Comme elle l’avait si bien dit, pourquoi était-ce juste Harlock qui avait reçu une augmentation alors qu’elle travaillait tout autant, voire plus qu’elle ? Qu’avait-elle de plus par rapport à Natacha ? Peut-être que si elle n’avait pas fait cette demande d’augmentation, rien de tout ceci ne se serait produit ? Malheureusement, elle ne connaitrait jamais la réponse à cette dernière question.

Herman revint prendre place sur son siège avant de dire à sa secrétaire qu’il espérait exactement ce genre de réponses de sa part.

  • Maintenant, concernant votre fiancé, Michael Orzak si je ne me trompe pas…
  • Vous n’avez pas à vous en faire pour lui, monsieur. Comme je vous l’ai dit, il n’est absolument au courant de rien, rétorqua-t-elle en interrompant son patron.
  • Vous avez beau le dire, vous ne pouvez pas nier le fait qu’un évènement particulier ait été responsable de cette fâcheuse rencontre avec votre fiancé. De ce fait, je suis en droit de connaitre la cause qui a mené à cette irritable confrontation.
  • Je…

Natacha hésita un moment avant de répondre. Elle ne savait pas comment monsieur Invictus allait réagir en apprenant que sa rencontre avec Michael s’était déroulée tout simplement parce qu’elle avait commis la grave erreur de lui montrer une nouvelle facette de ce qui était devenu son quotidien.

  • Mademoiselle Barnes, dois-je vous rappeler notre accord ?
  • Non, monsieur. À vrai dire, tout est ma faute. Hier, lorsque je suis rentrée chez moi, je n’étais pas dans mon état normal et j’ai fini par m’évanouir avant de pouvoir atteindre mon lit. Michael, en rentrant de travail, m’a alors trouvée dans cet état et a directement assumé que vous étiez la cause de cela.
  • Drôle d’assomption. Quoi qu’il en soit, j’espère qu’à l’avenir, ce genre d’incidents ne se reproduira plus. Il serait vraiment très fâcheux que votre fiancé découvre par mégarde que sa bien-aimée mène une double vie, dit-il sur un ton condescendant.

Natacha le détestait du plus profond de son cœur, lui qui mettait non seulement en péril sa vie amoureuse, mais également sa vie professionnelle et celle de toutes les personnes qui lui étaient chères.

  • Maintenant que nous avons fini d’aborder la première raison pour laquelle je vous ai fait venir, nous pouvons désormais traiter de ce pour quoi je vous ai réellement convoquée. Déjà, j’aimerais vous dire qu’il n’y aura pas d’heures supplémentaires pour vous. Vous êtes libre de rentrer chez vous après vos heures de travail…

Mademoiselle Barnes était quelque peu ravie d’entendre cela sortir de la bouche de l’homme d’affaires. Elle ne se verrait donc pas faire quelque chose qui la dégouterait énormément. Néanmoins, la jeune femme connaissait l’homme assis devant elle et savait donc qu’il ne faisait pas ça sans avoir une raison bien précise en tête.

  • Maintenant, concernant le programme de demain, vous devez être ici au plus tard à 6h50 et pas une minute de plus. Gordon vous attendra dans le parking souterrain, poursuivit-il.

Natacha ne sut pas comment réagir face à cela. La seule chose qu’elle put alors faire à ce moment fut de demander si elle pouvait savoir ce qui allait se produire le lendemain.

  • Disons que vous et moi allons assister à une séance de dégustation, répondit-il.

En voyant la tête que sa secrétaire faisait à cet instant, l’homme d’affaires ajouta que cet évènement durerait toute la journée pour s’achever aux alentours de 2-3 heures du matin. C’était une très mauvaise nouvelle pour Natacha. Déjà qu’avec Michael c’était tendu, avec cette fameuse « séance de dégustation », ça le serait encore plus. Il fallait encore qu’elle trouve une excuse pour justifier une telle sortie. Quelquefois, elle avait l’impression que monsieur Invictus avait pour objectif de détruire sa relation avec Orzak.

Après avoir dit à mademoiselle Barnes tout ce qu’il avait à lui dire, l’homme d’affaires l’invita à regagner son poste. Toutefois, avant que cette dernière franchisse la porte de son bureau, il l’interpela une toute dernière fois.

  • Mademoiselle Barnes, rétorqua-t-il.
  • Oui, monsieur Invictus, répondit-elle en se retournant vers lui.
  • Ne soyez pas en retard.

Avec ces quelques mots, la jeune secrétaire sortit enfin du bureau de son patron.

—–*—–

Alors qu’il se retrouvait désormais seul dans son bureau, Herman Invictus saisit son téléphone portable et composa un numéro. Le combiné sonna trois fois avant que quelqu’un à l’autre bout décroche finalement.

  • Michel, comment avancent les préparatifs pour la séance de dégustation ?
  • Nous serons cent pour cent opérationnels dans moins de deux heures, monsieur, répondit-il.
  • Excellent ! Vous pouvez commencer à envoyer les invitations. Et préparez un couvert de plus pour moi.
  • Il sera fait comme vous voulez, monsieur.

L’homme raccrocha ensuite. Il était alors très impatient d’être à samedi. Quelques minutes plus tard, il reçut sur son téléphone un message.

« Cher membre,

            C’est avec un immense plaisir que nous vous informons que vous avez été invité à participer à la séance de dégustation qui se tiendra ce samedi à partir de 14 heures à XXX. Veuillez s’il vous plait indiquer le nombre de couverts qui devra être mis à votre disposition dans les deux prochaines heures. Ne pas le faire sera considéré comme une participation indépendante.

M.V »

Ce fut donc avec un immense sourire que l’homme d’affaires rangea son téléphone portable. Il avait vraiment hâte d’être au lendemain.

A suivre !!!

Catégories : Étiquettes : ,

Laisser un commentaire