La promotion 48

Herman venait à peine de terminer avec tous les dossiers qui s’étaient accumulés durant son absence. Il s’adossa ensuite dans son fauteuil afin de souffler un peu, puis se releva quelques minutes plus tard. Pendant les cinq minutes qui suivirent, il resta debout devant l’une des vitres de son bureau, observant les minuscules personnes marcher plusieurs centaines de mètres plus bas. Comme à son habitude, l’envie d’écraser tous ces piétons et automobilistes sous sa semelle ne manqua pas de se manifester. Finalement, après quelques dizaines de secondes, son esprit se focalisa sur un évènement plaisant qui allait se dérouler dans quelques heures.

La séance de dégustation ; un évènement qu’il attendait avec le plus d’impatience ; était l’occasion pour lui et tous ses amis et camarades de gouter aux différentes délicatesses que leur société avait à leur offrir. Il était donc tout à fait normal pour Herman Invictus de compter chacune des secondes qu’il restait avant le début de ce petit rassemblement. Mais pour le moment, il avait une fille dont il devait s’occuper.

Monsieur Invictus éteignit donc son ordinateur de bureau et partit en direction de la porte de son bureau. Cependant, au moment où il s’apprêtait à saisir la poignée, son téléphone portable se mit à sonner. Après vérification, il se rendit compte qu’il s’agissait d’un appel de David Linch, son ami.

  • David, mon ami, comment te portes-tu ?
  • Très bien, Henry. Et de ton côté ? Comment la famille et toi vous portez ? répondit-il.

L’homme d’affaires lui dit qu’il se portait bien, que sa femme se portait également bien, mais que ce n’était pas tout à fait le cas de son enfant, Marion.

  • Tu comptes t’occuper du responsable, j’espère ?
  • Tu n’as pas à t’inquiéter pour ça, mon ami. Il ne va pas s’en tirer aussi facilement. Tu me connais ?
  • Effectivement. Tu n’es pas le genre de personne à laisser un tel évènement se produire sans qu’il y ait un prix à payer.

Herman demanda soudainement à son amie de patienter, le temps qu’ils souhaitent un excellent week-end à ses deux secrétaires. Son attention se posa notamment sur une mademoiselle Barnes quelque peu anxieuse qui se demandait ce que le lendemain lui réservait. De l’autre côté, nous avions une Tess Harlock encore frustrée par la conversation qu’elle avait eue avec son patron. Elle ne savait pas à quel jeu il jouait avec elle. Elle lui avait donné son corps, pourtant il la traitait toujours comme une simple employée de bureau. Il était donc clair qu’elle devait trouver un moyen pour qu’il change de comportement à son égard.

Après avoir dit au revoir à ses deux secrétaires, l’homme d’affaires envoya un message texte à son chauffeur personnel afin que celui-ci le retrouve devant le bâtiment. Il reprit ensuite sa conversation avec David et lui demanda la raison pour laquelle il le contactait aussi tardivement.

  • Et ne me dis pas que c’était pour juste prendre des nouvelles. On se connait depuis assez longtemps pour savoir que tu n’appelles pas à ce genre d’heures pour juste savoir comment je vais.
  • Ah, ah ! Tu connais si bien, mon ami. À vrai dire, si je t’appelle, c’est pour te parler de la séance de dégustation.
  • Aurais-tu finalement décidé d’inviter la fameuse Yasmine Ferra à prendre part à notre petite réunion ?

Linch se mit à rire légèrement avant de lui répondre qu’il ne s’agissait pas d’elle, mais d’une autre femme prénommée Olivia Price.

  • Très intéressant. Et comment l’as-tu rencontrée ?
  • Dans mon jet privé. À vrai dire, elle est l’hôtesse de l’air que la compagnie aérienne a mise à ma disposition.
  • Et te connaissant, tu as immédiatement sauté sur l’occasion pour faire de plus amples connaissances, n’est-ce pas ?

En guise de réponse, David se mit à rire. Il fut immédiatement suivi par son ami qui avait compris de quoi il en retournait.

  • Quoi qu’il en soit, je ne pourrai pas être présent sur place avant 11 heures. J’ai quelques affaires dont je dois m’occuper avant de prendre mon vol.
  • Il n’y a aucun problème, mon ami. Le plus important est que tu sois présent avant le début de la présentation des mets, rétorqua l’homme d’affaires au moment où les portes de la cage d’ascenseur s’ouvrirent.

Les deux hommes d’affaires échangèrent encore durant quelques minutes avant de mettre finalement fin à leur appel et que Herman monte dans son véhicule afin de rentrer chez lui.

—–*—–

Maintenant que leur patron était parti, les deux secrétaires pouvaient désormais souffler. Tess fut la première à ranger ses affaires et à se lever de son siège. Bien évidemment, elle n’avait pas fini sa part de travail. Cependant, elle était beaucoup trop frustrée pour continuer cela sur place et préféra donc terminer chez elle.

  • À lundi matin, dit-elle en attrapant ses affaires et en prenant la direction de la sortie.

Natacha n’eut pas le temps de lui donner une réponse que la jeune femme avait déjà quitté la pièce. Se retrouvant désormais seule, mademoiselle Barnes cessa immédiatement de pianoter les touches de son ordinateur. Elle avait eu beau se concentrer jusqu’à présent sur son travail, il lui était impossible d’oublier ce qui avait été dit dans le bureau de monsieur Invictus. Les évènements du lendemain la tracassaient énormément, d’autant plus qu’elle ne savait pas exactement ce qui l’attendait. Les seules choses que son patron lui avait dites étaient qu’elle devait être présentée au bureau avant 6h50 et qu’ils allaient tous deux assister à un évènement qui se terminerait aux alentours de 3 heures du matin.

« Une séance de dégustation ». Natacha se demandait ce qu’il entendait par-là. Était-ce une sorte de rendez-vous dans un luxueux restaurant ? Si c’était le cas, il ne lui aurait pas demandé d’être présente dans le parking du bâtiment à une heure pareille. Non, connaissant monsieur Invictus, il devait surement s’agir de quelque chose d’autre.

Mademoiselle Barnes se mit à réfléchir sur toutes les éventualités et arriva finalement à la conclusion que son patron allait réitérer ce qu’il lui avait fait après leur réunion avec messieurs Cheng et Hong. Elle se dit donc qu’il avait prévu de passer l’entièreté de la journée à assouvir toutes ses pulsions avec elle. Le simple fait de savoir que Herman Invictus serait à nouveau sur elle et en elle suffit à répugner Natacha. Cependant, la jeune femme n’avait guère le choix. Elle avait prêté serment et devait donc s’y tenir.

La bonne nouvelle par contre était qu’après cette fameuse séance de dégustation, la vie de mademoiselle Barnes reviendrait à la normale, du moins c’était ce qu’elle pensait à ce moment. Elle se voyait de nouveau avoir des soirées normales avec…Michael. Au moment où Natacha pensa à son fiancé, le ressentiment qu’elle éprouvait envers lui refit surface. Elle avait vraiment du mal à lui pardonner ce qu’il avait fait. Si seulement il n’était pas intervenu dans cette histoire, alors peut-être que sa situation aurait été moins grave.

Natacha préféra arrêter de penser à son fiancé, du moins pour le moment, et se concentra sur le peu de travail qu’il lui restait à accomplir. Plus vite elle finirait ça et plus vite elle rentrerait chez elle.

—–*—–

Dans la cage d’ascenseur, alors qu’elle descendait vers le parking souterrain, l’élévateur s’arrêta brusquement au vingtième étage du bâtiment. Lorsque les portes s’ouvrirent, la personne qui entra à l’intérieur ne fut nulle autre que Thompson.

  • Il ne manquait plus que lui, pensa-t-elle à ce moment.

Avec tout ce qu’elle venait de vivre, Oliver était la dernière personne qu’elle avait envie de voir, d’autant plus qu’elle le trouvait très collant. Cependant, lorsque le jeune homme l’aperçût, son visage s’illumina instantanément.

  • Tu as fini ta journée ? demanda-t-il.
  • Il semblerait en effet.
  • C’est cool ça. Je dois encore attendre une heure avant de finir la mienne.
  • C’est bien.

Tess n’avait clairement pas envie de lui parler. Cependant, ce n’était pas cela qui allait refroidir Thompson qui voulait vraiment sortir avec elle et espérait également mieux la connaitre.

  • Dis, est-ce que tu as des projets pour samedi soir ?
  • C’est dans quel but ?
  • Je me disais que comme tu avais déjà quelque chose de prévu pour ce soir, alors peut-être qu’on pourrait se voir demain. Et qui sait, peut-être se faire une sortir au restaurant, lui dit-il.

Mademoiselle Harlock refusa une fois de plus ses avances. Elle était beaucoup trop en colère pour sortir avec qui que ce soit à moment. La réponse sèche de Tess ne découragea cependant pas Oliver qui gardait espoir. Il se disait qu’il finirait par percer une ouverture dans l’armure qu’elle portait en permanence.

Cinq étages plus bas, l’ascenseur s’arrêta. Oliver souhaita un bon week-end à mademoiselle Harlock avant de sortir. Cette dernière se contenta de répondre avec un bref sourire. Elle était néanmoins soulagée de le voir partir. Quelques minutes plus tard, Tess arriva devant son véhicule. Après avoir pénétré à l’intérieur, elle resta immobile un moment. Ses mains, qui étaient posées sur le volant, serraient intensément ce dernier tandis que les souvenirs de sa convocation dans le bureau d’Herman Invictus refaisaient surface.

Il fallut quelques minutes à mademoiselle Harlock pour se calmer. Dès que ce fut le cas, la jeune femme démarra finalement sa voiture et mit le cap chez elle.

—–*—–

Michael arriva finalement au bar dans lequel il avait l’habitude de fréquenter. Stanley n’étant pas encore présent, le jeune homme alla s’installer au comptoir où il commanda immédiatement une bière à Patrick, le barman.

  • Je t’apporte ça tout de suite, dit-il.

Alors qu’on partait lui chercher sa bouteille de bière, Michael repensa un peu à la situation dans laquelle il se trouvait. D’un côté, il travaillait désormais pour une femme qui semblait avoir un comportement erratique tandis que chez lui, il vivait avec une autre femme dont la personnalité avait complètement changé en quelques jours seulement. Il avait alors l’impression de ne fréquenter que ce genre de personnes.

  • La vie a vraiment un drôle de sens de l’humour, rétorqua-t-il.

Patrick revint quelques instants plus tard avec sa bière qu’il déposa en face de lui. Il lui demanda ensuite ce qu’il n’allait pas, ajoutant même qu’il avait une « tronche à faire peur ».

  • Les femmes, Patrick. Les femmes sont tellement compliquées.
  • Ce n’est pas une information nouvelle. Comme on dit, les hommes viennent de Mars tandis que les femmes viennent de Venus. Nous évoluons dans deux mondes complètement différents.
  • Je ne sais pas, Patrick. En ce moment, je me pose beaucoup de questions sur ma Natacha. Depuis un moment, je ne la reconnais plus du tout. J’ai l’impression de vivre sous le même toit qu’une parfaite étrangère.

Michael attrapa sa bouteille et prit quelques gorgées. De son côté, Patrick se rendit compte que la situation de l’un de ses clients favoris était beaucoup plus grave qu’il n’y pensait. Il se disait d’abord que la personne dont Orzak venait de faire allusion était une de ses collègues de travail. Mais maintenant, il se rendait compte qu’il s’agissait de la femme avec qui il partageait son domicile.

  • Tu as essayé de discuter avec Natacha ? Au moins pour voir ce qui n’allait pas.
  • Essayer c’est peu dire. Je suis même allé à la source du problème. Résultat, madame me fait la gueule, répondit-il avant de prendre une nouvelle gorgée de sa boisson.
  • Compliqué.
  • C’est peu de le dire. À l’allure où vont les choses, je pense que je risque de dormir à l’hôtel pendant un moment.
  • Qu’est-ce qui se passe pour que tu prennes une chambre d’hôtel ?

La personne qui venait tout juste de parler n’était nulle autre que Stanley Hopkins, le meilleur ami de Michael. C’était un jeune homme athlétique qui ne manquait aucune occasion de se servir de son apparence et de son talent d’orateur afin de gagner les faveurs de la gent féminine.

  • Alors, mon pote, qu’est-ce qui se passe avec ta petite femme pour que tu décides de prendre une chambre à l’hôtel ? demanda Stanley après s’être assis aux côtés de Michael.

Le photographe lui raconta toute l’histoire depuis le début, du moment où Natacha lui avait parlé de son intention de faire une demande de promotion à son patron jusqu’à sa dispute avec celle-ci.

  • Alors, qu’est-ce que tu en passes, Stan ?

Stanley, qui avait l’air moins enjoué depuis qu’il avait entendu l’histoire d’Orzak, commanda une bière à Patrick avant de lui répondre.

  • Mec, t’es vraiment dans une situation pourrie !
  • Je ne te le fais pas dire. Tu n’as aucune idée à quel point cette histoire m’énerve. J’ai essayé de parler avec elle, mais elle ne veut absolument pas m’écouter. Je comprends que son travail est important, mais notre couple l’est tout autant.
  • Mais est-ce que tu es certain que t’éloigner d’elle pendant un moment arrangera la situation ? Je ne sais pas, mec, mais la Natacha que je connais est du genre rancunière.

Pendant quelques dizaines de secondes, Michael resta silencieux face au commentaire de Stan. Il n’avait pas tout à fait tort. Cependant, rester auprès d’elle en ce moment le mettait trop sur les nerfs.

  • J’ai besoin de me changer les idées. Rester dans la même maison qu’une femme qui se comportement comme une gamine ne sert à rien si ce n’est attraper des maux de tête, rétorqua Michael avant de vider le contenu de sa bouteille de bière.

Tandis qu’il en commandait une autre auprès de Patrick, Stanley le questionna vis-à-vis de la soirée de dimanche prochain. Il lui demanda notamment si son absence du domicile signifiait qu’il allait également annuler leur petite réunion.

  • Jessica m’a posé la même question tout à l’heure avant que je quitte le boulot. Honnêtement, avec tout ce qui se passe en ce moment, je ne sais pas si ce sera encore possible d’organiser ça.
  • Je vois. C’est vraiment dommage. J’avais vraiment hâte de rencontrer la fameuse Enola.
  • Et il recommence.
  • Quoi ?! On ne sait jamais. Peut-être qu’elle serait devenue la future mère de mes enfants.
  • Tu ne veux pas d’enfant, dit Michael de manière sarcastique.
  • Justement, on ne sait jamais. Elle m’aurait peut-être fait changer d’avis.
  • Dommage, on ne le saura sans doute jamais.
  • Triste vie.

Les deux hommes commandèrent d’autres bières auprès de Patrick avant d’entamer des sujets de conversation beaucoup plus gays. Cependant, lorsque Stanley demanda à Michael comment les choses se déroulaient à son travail, celui-ci lui donna une réponse à laquelle il ne s’attendait pas. Il lui dit notamment que la femme pour qui il travaillait désormais, Elène Degrâce, affichait un comportement étrange.

  • Elène Degrâce ? Je pensais que tu travaillais pour Jessica, rétorqua Hopkins, surpris.
  • C’était encore le cas il y a de cela deux jours.

Michael lui expliqua ensuite tout ce qui s’était passé durant les derniers jours, de la soudaine proposition de mademoiselle Degrâce jusqu’à la fin de sa séance photo quelques heures auparavant. Bien évidemment, Stanley ne put s’empêcher d’être surpris en apprenant que son meilleur ami travaillait directement pour un top-modèle, surtout qu’il avait au préalable cherché sur son téléphone portable à quoi la jeune femme ressemblait.

  • T’es vraiment un chanceux, ma parole !
  • Est-ce que tu as écouté tout ce que je viens de te dire ?
  • J’ai écouté, j’ai écouté. Mais n’empêche, tu as vraiment une chance de fils de pute pour travailler directement pour cette beauté. Qu’est-ce que tu en penses, Patrick ?

À ce moment, il tendit son téléphone portable au barman afin que ce dernier voie également à quoi mademoiselle Degrâce ressemble. Celui-ci secoua ensuite sa tête, confirmant ainsi les dires de Stanley.

  • Vous n’êtes vraiment pas sérieux. Je vous dis qu’elle a un comportement bizarre et vous restez focalisés sur son apparence physique.
  • Mais dis-moi, est-ce que son comportement est aussi problématique que celui de Natacha ? questionna brusquement Hopkins tout en affichant un sourire narquois.
  • Là n’est pas la question.
  • Bien au contraire, mon ami. Il semblerait que cette Elène Degrâce ait posé son dévolu sur toi. De ce fait, il est possible que tu puisses obtenir certaines faveurs de sa part.

À cet instant précis, Michael lui lança un regard qui lui fit comprendre qu’il ne trouvait pas cela drôle.

  • T’inquiete, je plaisante. Toi et moi savons très bien que tu n’es pas le genre à commettre de tels actes. T’es un mec trop bien.
  • Pas comme certains ici présents, poursuivit sarcastiquement Michael.
  • Que veux-tu que je fasse ? On ne change pas l’équipe qui gagne.
  • Un jour, la fameuse équipe se retrouvera face à un adversaire qu’elle ne pourra pas battre.
  • Ce jour n’est pas encore arrivé.

Après un bref moment de silence, les deux compères se mirent à rire de ce qu’ils venaient de dire avant d’attraper leur bière et de prendre quelques gorgées de celle-ci.

A suivre !!!

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