Herman se retrouvait désormais seul dans son bureau. Affalé dans son fauteuil, l’homme d’affaires semblait exténué et pour cause, il venait de passer la dernière heure à essayer de convaincre sa femme qu’il avait commis une erreur à l’hôpital et que cette dernière ne se reproduirait plus. Malheureusement pour lui, cette dernière ne s’était pas contentée de cela et avait amené leur conversation à un tout autre niveau, mélangeant ainsi disputes et remise en cause. Cela avait été extrêmement frustrant par moment, mais nécessaire. Il avait ainsi réussi à détourner l’attention de sa femme.
Alors qu’il pensait à tout ce qu’il avait vécu au cours de la journée ; du comportement inapproprié de Karl à sa discussion/dispute avec sa femme en passant par la proposition de mademoiselle Barnes ; le téléphone d’Herman se mit brusquement à sonner. Tandis qu’il tendait sa main dans sa poche, se demandant de qui il pouvait bien s’agir, l’homme d’affaires espérait que cet appel n’avait rien à voir avec le travail. Il était déjà suffisamment exténué pour faire autre chose que se reposer. Heureusement pour lui, la personne qui essayait de le contacter n’avait aucun lien avec son travail.
En voyant le nom de Délaïla s’afficher sur l’écran de son téléphone, l’homme d’affaires se souvint qu’elle lui avait envoyé des documents sur Daniel Prine, l’homme qui était responsable de l’accident de voiture que sa fille avait eu. Tandis qu’il décrochait, Herman en profita également pour allumer son ordinateur de bureau.
- Délaïla, que m’apportes-tu d’autre ? lui dit-il.
- J’ai continué mes recherches comme tu me l’as demandé et j’ai reçu à obtenir plus d’informations sur ce type. As-tu consulté ce que je t’ai envoyé précédemment ? répondit la jeune femme.
- Pas encore. Je suis en train de le faire en ce moment. Alors, qu’as-tu trouvé d’autre ?
La détectrice lui dit que Vanessa, l’ex-femme de Daniel Prine, s’était remariée avec un certain Andrew McCollen ; un avocat travaillant dans un cabinet spécialisé dans les violences domestiques ; et avec qui elle avait eu une fille quatre ans auparavant, Oliana McCollen. De plus, mademoiselle Fitzgerald ajouta que la désormais madame McCollen avait pris des précautions contre son ex-mari juste après leur séparation, notamment sous la forme d’une ordonnance restrictive, chose que Daniel n’avait bien évidemment pas appréciée.
- Je pense que son mari actuel a aidé dans l’obtention de cette ordonnance, surement dans l’optique de protéger son beau-fils de la vie tumultueuse de son père biologique.
- Surement. Et le fils ? Tu as pu en tirer quelque chose ?
- Rien de particulier le concernant. Il est dans une école publique tout ce qu’il y a de plus normale et fait partie des meilleurs de sa classe. Dans une de ses anciennes dissertations que j’ai dénichées sur le serveur de son école, j’ai appris qu’il souhaitait devenir avocat comme son beau-père. Sur les réseaux sociaux, son activité est plutôt normale. Fan de rock et de superhéros, je n’ai trouvé rien qui vaille vraiment la peine d’être mentionné.
- Je vois ici, dans les documents que tu m’as envoyés, que madame McCollen travaille en tant qu’enseignante dans une école primaire. Hormis ces infos basiques, as-tu quelque chose que je peux exploiter du côté de la mère, rétorqua l’homme d’affaires en ayant les yeux rivés son écran d’ordinateur.
- Malheureusement, non. Tout est plutôt clean de leur côté. Aucune contravention, aucun casier judiciaire, même pas l’ombre d’une bagarre, rien du tout.
Herman Invictus n’était pas ravi de ce qu’il venait d’entendre. Après quelques dizaines de secondes de silence, ce qui rendit mademoiselle Fitzgerald quelque peu nerveuse, il lui dit qu’il allait la rappeler. Il mit ensuite un terme à leur appel avant de composer le numéro d’un autre de ses contacts. Moins de dix secondes plus tard, la mystérieuse personne décrocha.
- Monsieur Invictus ? Que puis-je faire pour vous être utile ?
- Bonsoir, j’ai besoin de renseignements. Durant tes nombreuses années au sein du bureau fédéral, quel type de crimes considères-tu comme étant le plus odieux ?
- À coup sûr, ce serait tout ce qui se rapporte de près ou de loin des enfants. J’ai eu affaire à beaucoup de criminels durant ma longue carrière, mais pour moi, les plus détestables et horrifiques sont ceux qui s’en prennent aux enfants.
- Les enfants, dis-tu ?
- Oui, monsieur. Il n’y a pas pire qu’eux.
Les dires de son mystérieux correspondant donnèrent plusieurs idées à l’homme d’affaires. Cependant, il devait d’abord s’assurer d’une chose. Il lui demanda donc quelles étaient les durées moyennes des sentences.
- En fonction du crime commis et aussi si c’est la première condamnation ou pas, les sentences peuvent aller de 10 ans à la prison à perpétuité sans libération conditionnelle. Par exemple, dans le cas d’un enlèvement, on va sur du cinq ans d’emprisonnement minimum.
- Je vois. Aussi, comment ces personnes sont-elles traitées une fois arrivées en prison ?
Le contact d’Herman lui répondit que l’univers carcéral n’était pas vraiment tendre avec ce genre d’individus et qu’ils finissaient majoritairement par subir des traitements qu’il considérait lui-même comme étant pire que la mort.
- Je prends note. Merci pour toutes ces informations. Elles me seront très utiles.
- Ce fut un plaisir, monsieur. Cependant, puis-je savoir ce que vous comptez faire avec cela ? Ne me dites pas que vous êtes…
- Non, loin de là. Disons que j’ai un compte à régler avec une certaine personne.
- Je vois. Je n’aimerais vraiment pas à être à la place de cette personne. Quoi qu’il en soit, si vous n’avez plus besoin de mes services, je vais de ce pas prendre congé. Bonne soirée, monsieur.
- Bonne soirée à toi aussi et encore merci pour tout.
Monsieur Invictus raccrocha, puis rappela Délaïla qui répondit moins de trois secondes plus tard. Il lui expliqua ensuite ce qu’elle devait faire pour lui pendant les minutes qui suivirent avant de mettre fin à leur conversation. Il s’affala par la suite dans son fauteuil avant de poser sa main sur son visage.
—–*—–
Il était aux alentours de 22 heures et demie lorsqu’un taxi vint se garer devant le domicile du couple Barnes-Orzak. À l’intérieur se trouvaient Michael et son meilleur ami, Stanley Hopkins. Les deux hommes avaient tellement bu qu’ils empestaient l’alcool à plein nez et étaient également dans une sorte d’état euphorique. Cela expliqua pourquoi les deux se mirent à rire lorsque le fiancé de mademoiselle Barnes trébucha et se vautra contre le sol en descendant du véhicule. Leur comportement énerva bien évidemment le conducteur, mais celui-ci garda son calme, les deux ayant payé une bonne somme d’argent.
Tandis que Michael se relevait en prétextant qu’il allait bien, Stanley continuait de rire. Ce n’était pas souvent qu’il avait l’occasion d’assister à ce genre de scènes. Il aida cependant son ami à se relever avant de lui dire à quel point ce genre de conneries l’avait manqué.
- Moi en revanche, ça ne m’a pas manqué du tout.
Les deux hommes échangèrent quelques brèves paroles ; se souhaitant à chacun par exemple de passer une excellente soirée ; avant de se séparer. Alors qu’il observait le véhicule s’éloigner de plus en plus, l’expression joyeuse de Michael changea lorsqu’il se retourna vers son domicile dont les fenêtres étaient plongées dans l’obscurité. Il savait qu’en franchissant le pas de cette porte, il serait à nouveau confronté à une Natacha insupportable qui l’attendait de pied ferme.
- Putain de merde ! s’exclama-t-il.
Michael aurait bien voulu aller dormir à l’hôtel, mais Stanley et Patrick l’avaient convaincu de ne pas le faire, prétextant que cela n’aurait fait qu’empirer la situation entre sa fiancée et lui. C’était la raison pour laquelle il était devant cette porte à ce moment précis, et aussi la raison pour laquelle il s’était permis de boire autant.
Titubant légèrement, le jeune homme s’avança vers l’entrée de son domicile. À mesure qu’il s’en approchait, il pouvait sentir son niveau de colère et de frustration augmenter, d’autant plus que de mauvais souvenirs ressurgissaient en même temps dans sa mémoire. Michael essaya cependant de se calmer. Il ouvrit la porte et rentra chez lui.
Le salon ainsi que la salle à manger et la cuisine étaient plongés dans l’obscurité et le silence. En voyant cela, Michael se dit surement que Natacha devait se trouver dans leur chambre à coucher. Se dirigeant vers celle-ci, il constata que cette dernière était également dépourvue de lumière. La première pensée qu’il eut à ce moment était qu’elle devait dormir ou devait peut-être suivre quelque chose sur son ordinateur portable. Cependant, en rentrant dans la pièce, il ne trouva personne.
Michael ne chercha pas à savoir où elle se trouvait et déposa ses affaires sur un des meubles. Il fallait dire que le jeune homme était quelque peu soulagé qu’elle ne soit pas présente. Cela lui évitait d’avoir une nouvelle crise colérique, bien qu’il sût que cette dernière viendrait tôt ou tard. Orzak se mit ensuite à retirer ses vêtements un après l’autre tout avant de prendre la direction de la salle de bain.
Quelques dizaines de minutes plus tard, alors qu’il avait failli trébucher de nombreuses fois sous la douche, Michael sortit de la salle de bain. Après avoir choisi de nouveaux vêtements propres qu’il enfila par la suite, le jeune homme se rendit dans la salle à manger. Il fallait à tout prix qu’il prenne quelque chose de peur de se réveiller le lendemain avec un mal de crâne infernal. Ce fut à ce moment qu’il le vit, une feuille de papier sur laquelle « lis-moi » était inscrit. Orzak qui reconnut instantanément l’écriture de Natacha se mit à lire ce qui était marqué dessus.
« Je voulais d’abord te dire que je n’ai pas apprécié ce que tu as fait tout à l’heure. Tout ce que je voulais savoir était l’endroit où tu te trouvais, mais il semblerait que tu n’aies pas voulu parler avec moi. J’admets que mon récent comportement a été quelque peu problématique et a entaché notre relation. Cependant, tu as également une part de responsabilité là-dedans. Je sais que ce que tu as fait était pour mon bien, mais tu aurais juste dû venir m’en parler au lieu d’agir comme tu l’as fait.
Je te mentirais si je te disais que je ne t’en veux pas pour ça, mais je préfère te dire la vérité en utilisant cette méthode de communication. Tes actions auraient pu réduire à néant tous les efforts que j’ai fournis pour arriver au niveau où je suis. Heureusement, monsieur Invictus a été très compréhensif et a laissé les choses couler. Mais cela ne change rien au fait que j’aurais pu perdre mon boulot ce matin. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de passer toute la journée de demain chez maman afin de me remettre les idées en place et voir comment procéder. Je serai de retour dimanche matin au plus tard.
Enfin, malgré tout ce que j’ai écrit plus haut, tu dois savoir que je t’aime, Michael Orzak. Je t’aime et je continuerai toujours de t’aimer. J’ose juste espérer que ce sentiment demeure le même pour toi.
PS : Il y a de la nourriture pour toi dans le frigo. »
Après avoir fini de lire le contenu de ce qui pouvait être considéré comme une lettre, Michael ne put s’empêcher d’être en colère. Non seulement Natacha avait l’audace de le blâmer parce qu’il avait agi comme une personne normale aurait agi, mais elle osait lui laisser un bout de papier avec des écrits au lieu de venir directement s’adresser à lui.
Le jeune homme attrapa immédiatement son téléphone portable et composa le numéro de mademoiselle Barnes. Malheureusement, il tomba directement sur sa boite vocale. Il voulut ensuite appeler sa mère, mais se souvint qu’il n’avait pas son contact. Il appela alors la seule personne qu’il savait serait en mesure de lui fournir l’information qu’il convoita, à savoir Enola Johns, la meilleure amie de sa fiancée.
- Allo ! dit la demoiselle après avoir décroché.
- Oui, Enola, c’est Michael. Désolé de te déranger à une heure aussi tardive, mais je viens tout juste de tomber sur un mot de Natacha qui dit qu’elle se rend en ce moment chez sa mère. J’essaie de la joindre, mais il semblerait que son téléphone soit éteint. Dis-moi, tu n’aurais pas par hasard le contact de sa mère ?
- Euh ! Non, désolée. Je ne l’ai pas.
- Tu es sure ? insista-t-il.
- Sure et certaine. Pourquoi ?
- Natacha et toi êtes meilleures amies depuis des années et tu vas me dire que tu n’as pas le numéro de téléphone de sa mère. Je trouve ça peu probable. Elle t’a dit de ne pas me le donner, n’est-ce pas ?
- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. Écoute, Michael, je ne sais pas ce qui se passe entre Natacha et toi, et je n’ai franchement pas envie de le savoir, mais le fait que tu m’appelles à 23h29 en insinuant que je détiens telle ou telle chose ne me plait pas.
À ce moment, le jeune homme se rendit compte qu’il était peut-être parti un peu trop loin. Il avait reporté la colère et la frustration qu’il éprouvait envers Natacha sur Enola, une personne qui n’avait rien à voir avec leur histoire. Pour ce fait, Orzak s’excusa auprès de mademoiselle Johns et lui demanda de lui faire part si elle avait de quelconques nouvelles de son amie. Après cela, il mit fin à leur conversation et à leur appel.
Michael ne savait pas quoi faire. Il essaya de contacter Stanley pour lui demander quelques conseils, mais il tomba également sur la boite vocale de ce dernier. Il se dit que c’était surement parce qu’il s’était endormi, ce qui était tout à fait normal. Lui vint alors l’idée d’appeler Jessica. Son amie et patronne pourrait certainement lui prodiguer quelques conseils comme elle avait l’habitude de le faire. Cependant, au moment où il s’apprêtait à lancer l’appel, le jeune homme se rétracta. Il se dit qu’elle devait être occupée avec sa copine.
Le ventre d’Orzak se mit à gargouiller, lui rappelant qu’il n’avait pas mangé depuis la fin de la pause au studio. Le jeune homme ouvrit donc le frigo et sortit la nourriture que Natacha avait préparée pour lui. Quelques minutes plus tard, après un passage au micro-ondes, il se retrouvait assis à manger. Même si les deux étaient présentement en froid, Michael pouvait clairement sentir que sa fiancée avait préparé ce plat avec soin, ce qui le rendit quelque peu confus.
Venant de terminer son repas, Michael Orzak décida d’aller se coucher. Le matin suivant, il chercherait à nouveau un moyen de rentrer en contact avec Natacha.
A suivre !!!