La promotion 53

Mademoiselle Barnes était très perplexe vis-à-vis de ce qu’elle avait sous les yeux. En effet, quelques minutes auparavant, elle avait ouvert le fameux présent que Herman lui avait laissé. Quel ne fut pas son choc lorsqu’elle se rendit compte que ce n’était nulle autre qu’une robe, mais pas n’importe laquelle. Il s’agissait d’une nuisette bleue faite en soie. Le vêtement était très doux au touché, mais ce ne fut pas cela qui perturba Natacha. Non, ce qui était vraiment particulier avec elle était le fait qu’on pouvait facilement voir à travers. Monsieur Invictus espérait-il vraiment qu’elle porte ça durant la « séance de dégustation » ?

Tandis que la jeune femme se posait cette question, elle commença progressivement à réaliser ce qu’était vraiment cette fameuse « séance de dégustation ». Au début, elle pensait qu’il s’agissait d’une sorte de réunion durant laquelle son patron et certains de ses amis discuteraient sûrement de divers sujets de société tout en consommant différents mets tous plus cher les uns par rapport aux autres. Elle pensait également que la seule raison pour laquelle il avait décidé de la faire venir était parce qu’il voudrait sans doute satisfaire ses pulsions sexuelles après cela. Mais maintenant qu’elle avait cette nuisette sous les yeux, il était clair qu’elle se trompait depuis le début.

C’était elle la chose qu’il allait déguster durant cette réunion. Il s’agissait là d’une chose qu’elle n’avait point envisagée, d’une chose qui était moralement très discutable.

Mademoiselle Barnes eut une sorte de black-out alors qu’elle appréhendait ce qu’elle allait subir dans peu de temps. Il fallait dire que les images qui lui avaient traversé étaient tout aussi insupportables que les cauchemars qu’elle avait eus lorsqu’elle entama cette relation non conventionnelle avec Herman Invictus, si tant est que l’on pût qualifier cela de relation. La « séance de dégustation » n’avait pas encore commencé que Natacha se sentait déjà mal. Elle avait l’impression d’être moins qu’un être humain aux yeux de son patron, d’être un objet avec lequel il pouvait faire tout ce qu’il voulait ou presque.

Plusieurs minutes après qu’elle ait réalisé ce qui l’attendait, Natacha se rendit compte qu’ils étaient vraiment très loin de la ville, qu’ils étaient en périphérie de celle-ci. Cela faisait près de deux heures qu’ils étaient sur la route et le duo n’avait toujours pas atteint leur destination. Bien au contraire, plus le temps passait et plus ils s’éloignaient de celle-ci, et s’enfonçaient une zone rurbaine. Cela intrigua énormément mademoiselle Barnes qui finit par demander à Gordon où il l’emmenait.

  • À moins qu’il s’agisse également d’une information que vous ne pouvez pas dévoiler ? poursuivit-elle.

Le chauffeur, qui regarda à ce moment Natacha à travers son rétroviseur, ne put s’empêcher d’esquisser un léger sourire devant sa question.

  • Je suis en droit de vous donner le nom de notre destination, mademoiselle Barnes.
  • Si c’est bel et bien le cas, alors pouvez-vous me dire où nous nous dirigeons ?
  • Vous le saurez bien assez tôt.

C’était là une façon assez comique du chauffeur de se moquer de sa passagère. Comme il l’avait si bien dit, il n’y avait rien qui l’empêchait de lui dévoiler leur destination, mais face au comportement que mademoiselle Barnes avait affiché bien avant qu’elle monte dans le véhicule, il n’avait pas pu s’empêcher de la taquiner un peu plus. Cela semblait visiblement fonctionner, la jeune femme lui demandant par la suite pourquoi il ne le faisait pas s’il n’y avait aucune restriction.

  • Tout simplement parce que nous y serons dans quelques minutes, répondit-il tout en sortant de l’autoroute.

Ce fut moins d’une minute après que Natacha remarqua plusieurs autres voitures de luxe se dirigeant dans la même direction que la leur. Observer un seul véhicule aurait sans doute été une coïncidence, mais près de dix étaient une certitude pour mademoiselle Barnes. Toutes ces personnes allaient au même endroit.

Lorsque la voiture dans laquelle Natacha se trouvait dépassa une des autres, elle en profita pour jeter un coup d’œil aux personnes qui se trouvaient à l’intérieur. Elle y découvrit alors deux jeunes femmes, une blonde et une rousse, assises à l’arrière.

  • Dites, ces deux jeunes femmes sont-elles également conviées à la séance ? demanda-t-elle à Gordon afin de se rassurer.
  • Il semblerait, en effet.

La réponse du chauffeur conforta et mademoiselle Barnes dans l’idée que les autres participants et elle étaient effectivement les plats qui allaient être consommés durant cet évènement. Pourquoi avait-elle fait cette demande de promotion ? Si seulement elle avait su comment les choses évolueraient se faisant, elle ne l’aurait jamais fait. Maintenant, elle se trouvait dans une situation dans laquelle elle n’avait aucune possibilité de retourner en arrière. Tout ce qui lui restait maintenant était d’accepter les choses telles qu’elles étaient, supporter tout ce qu’elle subirait, espérer que tout ceci prenne fin par la suite afin qu’elle puisse récupérer sa vie normale.

9h00

Gordon et mademoiselle Barnes arrivèrent devant un immense portail de près de trois mètres de haut sur lequel le mot « Lancaster » était inscrit et dont la barrière semblait s’étendre à l’infini. Il était alors tout à fait impossible pour quiconque se tenant devant une telle chose de savoir à quel point cette propriété pouvait être grande. D’ailleurs, même Natacha se demandait à qui ce lieu pouvait appartenir. Durant ses nombreuses années à travailler pour Herman Invictus, le nom « Lancaster » n’avait jamais été mentionné.

Devant ce portail et cette barrière aux dimensions disproportionnées se trouvaient des gardes armés qui vérifiaient que tout était en ordre avec les passagers des véhicules qui était devant le leur. Lorsque ce fut au tour de la Rolls-Royce d’Herman Invictus de se faire inspecter, le conducteur baissa les vitres de la voiture et entama une conversation avec un des gardes.

  • Quel est le but de votre présence ?
  • J’ai une réservation au nom de mademoiselle Natacha Barnes, répondit Gordon.

Au même moment, le chauffeur sortit une enveloppe noire de la poche intérieure de sa veste et la remit au garde. Pendant que celui-ci vérifiait son contenu, la jeune femme à l’arrière du véhicule ne pouvait s’empêcher d’être quelque peu nerveuse, d’autant plus que les autres gardes scrutaient leur voiture à la recherche de quelque chose. L’un d’eux observa Natacha avec beaucoup d’attention, ce qui la rendit encore plus nerveuse. Moins de trois secondes plus tard, Gordon lui demanda sa pièce d’identité afin qu’elle puisse s’identifier auprès de l’homme avec qui il discutait.

Natacha sortit nerveusement son document de son sac et le tendit à Gordon qui le remit par la suite à l’homme. Ce dernier vérifia alors l’identité de la jeune femme ; prenant soin de regarder son visage et son permis de conduire à de nombreuses reprises ; avant de leur donner finalement l’autorisation d’entrer.

Tandis que l’immense portail s’ouvrait lentement, mademoiselle Barnes récupéra son document et Gordon l’enveloppe qu’il avait remise au garde. Pendant qu’il la rangeait dans sa poche, Natacha ne put s’empêcher de se demander ce qu’elle pouvait contenir. Elle voulut alors le questionner sur cela, mais préféra se retirer, se disant sûrement qu’il s’agissait encore d’une information qu’il n’aurait pas le droit de divulguer.

La Rolls-Royce de l’homme d’affaires entra finalement dans la propriété et, après près de cinq minutes de trajet à travers une forêt lugubre à vous en donner des frissons, arriva devant un très immense manoir ayant plus l’apparence d’un château Europe occidentale que d’un manoir. Aucun mot hormis « extravagant » n’était assez fort pour décrire ce que mademoiselle Barnes avait sous les yeux. Tout devant elle respirait le luxe, mais un luxe que seule une petite poignée d’individus dans le monde étaient capables de s’offrir. Il était donc tout à fait normal pour Natacha de se demander à qui cet endroit pouvait appartenir.

Tandis que leur voiture patientait dans une file d’attente, mademoiselle Barnes observa les autres participants être accueillis individuellement. En effet, chaque véhicule s’arrêtait devant un tapis rouge où une personne différente, toujours vêtue d’une tenue de majordome, les conduisait à l’intérieur. Chose assez intéressante, les participants masculins étaient conduits dans le manoir par des hommes tandis que ceux du sexe opposé l’étaient par des femmes.

Lorsque ce fut au tour de la Rolls-Royce de prendre place devant le tapis rouge, Gordon descendit du véhicule et ouvrit la portière à mademoiselle Barnes. Telle une célébrité étant sur le point d’assister aux oscars, tous les regards étaient tournés vers Natacha, ce qui la rendit quelque peu nerveuse.

  • Vous n’avez pas à être aussi tendue. Tout ira bien, lui dit-il pour essayer de la calmer.
  • Facile à dire pour vous.

Gordon lui dit ensuite que c’était à cet endroit que leur chemin se séparait. Il lui donna alors l’enveloppe qu’il avait précieusement conservée dans la poche de sa veste et lui dit de ne surtout pas la perdre, prétextant qu’elle en aurait besoin pour rentrer.

  • Bonne séance, mademoiselle Barnes, dit-il avant de remonter dans la voiture et de s’en aller.

Désormais seule, la jeune femme s’avança timidement vers l’homme vêtu de noir qui se trouvait à quelques mètres d’elle. Ce dernier lui demanda alors très poliment son invitation. Cette dernière lui tendit ensuite l’enveloppe, pensant qu’il s’agissait de ça. L’individu l’ouvrit et mademoiselle Barnes put finalement voir ce qu’elle contenait. À l’intérieur se trouvait une petite carte en or faisant la taille d’une carte bancaire et sur laquelle son nom et son prénom étaient inscrits en argent. En la voyant, l’expression faciale de l’homme changea brusquement. Natacha put clairement voir que ce dernier était étonné et se demanda donc pourquoi cela était le cas.

  • Excusez-moi, est-ce que tout va bien ? dit-elle.

Alors qu’elle venait de lui poser la question, mademoiselle Barnes se rendit compte que plusieurs personnes autour d’elle semblaient la dévisager. De plus, elle constata également que certains des autres invités avaient des cartes presque similaires à la sienne à la différence que les leurs étaient argentées. Cela intrigua énormément la jeune femme qui ne put alors s’empêcher de se demander pourquoi la sienne était différente des autres.

  • Oui, mademoiselle Barnes. Tout va pour le mieux, répondit finalement l’homme de l’accueil.

Il lui remit ensuite sa carte, lui souhaita de passer un agréable moment, puis l’invita à suivre un de ses collègues. Il s’agissait d’une autre femme qui était vêtue d’un costume trois-pièces complètement noir et d’une cravate blanche.

Tandis qu’elle suivait silencieusement cette personne, mademoiselle Barnes ne pouvait s’empêcher de réfléchir sur la raison de la réaction de cet homme et des autres invités. Pourquoi sa carte d’invitation était-elle différente de celle des autres ? Qu’est-ce que cela signifiait donc pour elle ? Voulant obtenir des réponses, elle voulut interpeller la jeune femme devant elle. Cependant, elle s’arrêta un moment pour observer ce qui se présentait désormais à elle.

Natacha n’avait aucun mot pour décrire ce qu’elle vit à l’intérieur de cette demeure. C’était plus un château qu’un manoir. Tout était luxueux et semblait être très cher. Des tableaux décoraient les murs, une fontaine surmontée d’une statue à taille humaine s’affichait au milieu des deux escaliers hélicoïdaux, et le marbre blanc et les différentes décorations donnaient à cet endroit une apparence d’outre-monde. Même en mettant de l’argent de côté durant toute sa vie, elle ne serait pas en mesure de s’acheter ne serait-ce qu’un des objets présents dans ce hall.

La fiancée de Michael n’eut pas le temps d’admirer les alentours davantage que la femme qui l’accompagnait l’interpella et lui demanda de la suivre. Les deux prirent alors l’un des escaliers, celui de droite, avant d’emprunter un long couloir muni de nombreuses portes. Les deux femmes s’arrêtèrent devant l’une d’entre elles avant d’entrer.

  • C’est ici que vous resterez en attendant le début de la séance, lui dit-elle.

La pièce dans laquelle Natacha et cette femme venaient de rentrer était une chambre identique à celles que l’on trouvait dans les plus grands hôtels de luxe. De ce fait, elle était très spacieuse et bien garnie. Mademoiselle Barnes disposait même d’une salle de bain tout aussi extravagante que la chambre.

  • Excusez-moi, j’ai quelque chose à vous demander. Quelle est la signification de cette carte ? Et pourquoi la mienne est-elle différente de celle des autres ? rétorqua-t-elle en présentant l’objet.
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