La promotion 59

Mademoiselle Barnes était de retour dans la chambre dans laquelle on lui avait fait signer le contrat. Tandis qu’elle se repassait en mémoire tout ce qui s’était déroulé jusqu’à présent, son appréhension de la suite des évènements lui donna la nausée. Un vieil homme qui était sans aucun doute plus âgé que son père venait de l’acheter lors de la séance de mise aux enchères. De ce fait, si tout était correct, cela voulait dire que ce serait à cet homme qu’elle devrait se donner et non plus à monsieur Invictus.

Le simple fait de penser à ce vieil homme sur elle rebuta énormément mademoiselle Barnes qui ne put alors s’empêcher de courir dans la salle de bain afin de vider le contenu de son estomac.

Tandis que Natacha vomissait, l’employée du manoir Lancaster qui était présente avec elle depuis le début l’observait. Elle était calme et ne montrait aucun changement dans sa manière d’être. Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait ce genre de choses se produire et ce ne serait sûrement pas la dernière. Toutefois, lorsque mademoiselle Barnes finit sa petite affaire, elle lui donna un mouchoir qu’elle avait sorti d’une de ses poches.

  • Merci beaucoup, dit la jeune femme en saisissant l’objet.

Alors qu’elle essuyait délicatement sa bouche, mademoiselle Barnes ne pouvait pas s’empêcher de se sentir pathétique. La Natacha de la chambre d’hôtel, cette femme qui était prête à se donner à autrui afin de reprendre sa vie normale, avait complètement disparu. Il fallait cependant dire que beaucoup de choses avaient changé entre le moment où elle avait pris sa résolution et celui où elle avait pris la réalité de l’évènement auquel elle participait. À cause de tout cela, mademoiselle Barnes ne savait plus vraiment comment réagir. La jeune femme était perdue entre colère et dégoût envers son patron et ses collègues, honte envers elle-même, et culpabilité vis-à-vis ce qu’elle s’apprêtait à faire, sachant que son fiancé était sûrement chez eux à s’inquiéter pour elle.

Natacha n’avait pas voulu penser à son fiancé à ce moment. D’ailleurs, bien avant le début de la séance de mise aux enchères, elle s’était promis de ne pas le faire. Cependant, elle ne pouvait pas s’en empêcher. Michael était beaucoup trop important pour elle. Le sacrifice qu’elle commettait présentement n’était pas seulement pour elle, mais également pour lui. Elle ne voulait pas que monsieur Invictus utilise son pouvoir contre lui et brise ses rêves ainsi que tout ce qu’ils avaient bâti ensemble. De ce fait, elle devait se montrer forte et endurer ce qu’elle était sur le point de subir, ce qui était bien évidemment plus facile à dire qu’à faire.

Deux ou trois minutes plus tard, mademoiselle Barnes se redressa finalement. Le sentiment nauséeux qu’elle éprouvait n’était toujours pas parti, mais elle était dorénavant supportable. Elle lava ensuite légèrement le mouchoir qu’on lui avait donné avant de le remettre à sa propriétaire et de la remercier à nouveau par la même occasion. Cette dernière ne prononça aucun mot et se contenta de jeter le morceau de tissu dans la corbeille près du lavabo au moment où Natacha sortit de la pièce.

De retour dans la chambre, la jeune femme s’assit une première fois au bord du lit avant de se lever quelques instants plus tard pour se placer devant la fenêtre. Elle observa ensuite le paysage avec un regard quasiment vitreux et ne put s’empêcher de le trouver beau. D’ailleurs, si les choses avaient été différentes, elle aurait pu apprécier cet endroit un peu plus. Peu de temps après, elle observa une figure faire son apparition au loin. À mesure que celle-ci se rapprochait, elle devenait de plus en plus claire. Natacha se rendit alors compte qu’il s’agissait d’un hélicoptère de luxe comme ceux qui avaient transporté monsieur Invictus et ses camarades jusqu’au manoir.

Mademoiselle Barnes ne voulait pas savoir qui se trouvait à l’intérieur. D’ailleurs, elle n’en avait que faire de son identité. Pour elle, peu importe l’identité de l’individu qui était dans cet engin volant, il était exactement comme son patron et les autres, à savoir des personnes sans scrupule qui n’hésitaient pas à user de leur argent et de leur pouvoir afin d’obtenir ce qu’elles voulaient.

La jeune femme retourna donc s’asseoir au bord du lit. À ce moment, elle constata la façon dont se tenait l’autre femme présente à ses côtés. Cette dernière était postée en face de la porte telle une garde du corps dont la mission était de protéger Natacha. D’ailleurs, la fiancée de Michael lui demanda si elle avait une formation militaire, ce à quoi elle ne répondit pas.

  • Vous n’êtes pas vraiment du genre bavarde, rétorqua mademoiselle Barnes juste après.

Voyant qu’elle ne pouvait pas avoir une conversation avec l’employée, Natacha se retrancha dans ses pensées, quoique la seule armoire présente dans la pièce attira quelque peu son attention. Elle se demandait ce qu’il y avait à l’intérieur. D’ailleurs, elle questionna la domestique vis-à-vis de son contenu, et même si elle espérait n’obtenir aucune réponse. Cependant, mademoiselle fut très surprise, mais également très perturbée quand cette dernière lui dit qu’elle contenait des objets nécessaires au bon déroulement de la suite des évènements.

La réponse de cette jeune femme fit comprendre à Natacha qu’à l’intérieur de ce meuble se trouvaient des instruments que l’homme qui l’avait acquis allait utiliser afin de satisfaire son plaisir personnel. Le sentiment nauséeux de mademoiselle Barnes s’accentua tandis qu’elle s’imaginait ce qui l’attendait.

—–*—–

Pendant que Natacha avait l’esprit occupé avec la suite des évènements, l’hélicoptère qu’elle avait vu précédemment se posa finalement sur le domaine Lancaster. Un vieil homme au regard vil vêtu d’un costume trois-pièces de grande marque, muni d’une canne en ivoire dont le pommeau ressemblait fortement à un serpent, et arborant une bague en or sur laquelle étaient gravées des armoiries descendit lentement de l’appareil. Il s’agissait de David Wrightway Sr, l’un des membres du conseil d’administration de l’entreprise de monsieur Invictus et également la personne qu’il considérait comme son mentor.

Le vieil homme s’avança vers l’une des entrées du manoir où un des employés l’attendait patiemment.

  • C’est un réel plaisir de vous compter parmi nous, monsieur Wrightway. J’ose espérer que vous avez fait bon vol, dit-il.
  • Quelques turbulences durant le trajet, rien de plus. La phase de mise aux enchères est-elle déjà terminée ? répondit-il en sortant sa carte de membre de la poche de sa veste.

Cette dernière était identique à la carte noire que transportait Herman. En la prenant afin de vérifier son originalité, l’employé lui dit que la phase de mise aux enchères n’était pas encore terminée, mais que cela n’allait pas tarder. Il rétorqua ensuite que s’il se dépêchait, il serait peut-être en mesure de rattraper les derniers lots mis en vente.

  • À mon âge, aller vite n’est plus une option, déclara David en récupérant sa carte de membre.

Monsieur Wrightway Sr. S’excusa poliment auprès de cet employé avant de se mettre en route vers la salle de bal.

—–*—–

  • Mesdames et messieurs, voilà qui conclut ces enchères. J’ose espère, chers distingués membres, que chacun d’entre vous ait pu obtenir l’objet ou les objets de sa convoitise.

Ce fut avec ces quelques mots que Michel Ankou mit fin à la phase de mise aux enchères. Tout le monde se leva ensuite d’une traite et se mit à applaudir. Ils le firent tous, non pas parce que le majordome avait exécuté une belle performance tout au long de cette phase de mise aux enchères, mais plutôt pour se féliciter eux-mêmes par rapport à leurs nouvelles acquisitions.

  • Je suis très impatiente de découvrir ce que le jeune homme que j’ai acheté est capable de faire, déclara Alice.
  • Et moi donc ! poursuivit sa collègue, mademoiselle Homes.

Maintenant que cette partie de la séance de dégustation venait de s’achever, beaucoup de membres ne tinrent plus en place et se précipitèrent dans les chambres où leurs nouvelles acquisitions se trouvaient. Pendant ce temps, messieurs Invictus et Morgan se mirent à l’écart afin de discuter d’un évènement qui s’était déroulé durant la phase de mise aux enchères.

  • Alors, Herman, tu m’expliques ? Pourquoi m’obliger à faire cette acquisition alors que tu pouvais toi-même le faire ?
  • Si je te disais que je l’ai fait uniquement pour m’amuser, alors je te mentirais, mon ami. La vérité est que je voulais donner une bonne leçon à cette jeune femme, lui apprendre que pour obtenir ce que l’on veut, il faut parfois sacrifier quelque chose en chemin.

L’homme d’affaires ajouta ensuite que, pour avoir quelque chose en provenance de personnes pour eux ; des gens ayant sacrifié énormément afin d’être là où ils sont ; il fallait alors donner un peu de sa personne.

  • Toujours aussi…

Simon n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un invité très singulier fit son entrée en scène. Wrightway, qui ne marchait plus aussi vite que dans sa jeunesse, n’avait pas pu rattraper la phase de mise aux enchères et était par conséquent arrivé en retard.

  • David, c’est un plaisir de te voir ! s’exclama Herman en voyant son mentor.
  • Veuillez excuser mon retard, j’avais quelques affaires urgentes à régler. À ce que je vois, il semblerait que je sois arrivé à la fin.
  • Tu n’as pas à t’inquiéter pour ça. Herman ici présent a acquis un lot pour toi.
  • Est-ce vrai ? demanda monsieur Wrightway, soulagé.
  • En effet. Lorsqu’on m’a informé de ton retard, j’ai pris l’initiative d’acquérir un lot pour toi, juste au cas où tu n’aurais pas été en mesure de nous rejoindre avant la fin des enchères. Il semblerait que ma décision ait été la bonne.
  • Il semblerait en effet.

Wrightway poursuivit en lui disant que Herman avait toute sa gratitude pour le geste qu’il avait accompli et lui demanda également combien cette acquisition lui avait coûté, mais surtout quelle carte la jeune femme qu’il avait achetée possédait.

  • Une centaine de millions, mais ne t’en fais pas pour ça, répondit monsieur Invictus.
  • Cette jeune femme doit être une pure beauté si le montant a atteint un tel niveau.
  • Et pas qu’un peu. La compétition est toujours aussi féroce avec les présents détenteurs de carte en verre, rétorqua Simon.

En entendant que la jeune femme acquise par Herman pour lui était détentrice d’une carte en verre, le cœur de Wrightway s’emballa. Ces cartes ; en verre avec des écrits dorés ; étaient uniquement réservées aux individus qui n’avaient jamais connu d’homme ou de femme dans leur vie. De ce fait, leur pureté était encore intacte, un élément qui provoquait toujours des batailles financières parmi les membres de la séance de dégustation.

  • Je ne sais vraiment aucun mot pour exprimer toute ma gratitude envers toi, Herman.
  • Tu n’as pas besoin de le faire. Considère cela comme une façon à moi de te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi durant toutes ces années.

Une détentrice de carte en verre. Malgré sa reconnaissance envers Herman, Wrightway ne pouvait pas cacher l’impatience qui l’habitait. Il voulait se rendre au plus vite dans la chambre dans laquelle se trouvait sa nouvelle promise. D’ailleurs, il demanda à Invictus où elle se trouvait, ce à quoi son interlocuteur répondit qu’il le guiderait personnellement.

  • J’aurai besoin de traiter d’un sujet très important avec toi, poursuivit-il.

Pendant ce temps, Simon Morgan s’impatientait également. Maintenant que les choses avaient été clarifiées avec Herman, il savait ce qu’il lui restait à faire. En plus, de ce qu’il avait vu durant la phase de mise aux enchères, mademoiselle Barnes semblait être une femme avec de nombreux atouts, atouts qu’il était très impatient de découvrir. Il s’excusa donc auprès de ses deux compères et demanda à un des employés du manoir de le conduire dans la chambre où se trouvait son acquisition.

  • Une dernière chose, Simon. Ne sois pas trop violent. J’ai encore besoin d’elle de ses compétences à mon travail, rétorqua monsieur Invictus.

L’homme esquissa un léger sourire d’approbation avant de poursuivre son chemin.

A suivre !!!

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