Alors que mademoiselle Barnes venait tout juste de vider le contenu de son estomac dans les toilettes, la porte de la salle de bain s’ouvrit soudainement. Apparue ensuite une des employés du manoir Lancaster, la même qui avait surveille Natacha avant qu’elle signe la clause de confidentialité. Le regard de cette jeune femme était froid et dépourvu d’émotions, et ce tandis qu’elle observait la fiancée de Michael qui était assise sur le sol.
En se relevant, mademoiselle Barnes se demanda combien de jeunes femmes dans la même situation qu’elle cette employée avait vues afin de développer un regard pareil ; à moins que ce soit une personne qui n’éprouvait rien pour autrui, ce qui ne l’étonnerait pas non plus. Natacha vint à nouveau se placer devant le miroir et essaya tant bien que mal d’arranger son maquillage. Il ne fallait absolument pas que le vieil homme la voie dans cet état de peur qu’il s’énerve et la frappe une fois de plus.
- Je ne suis vraiment pas dans mon meilleur jour, mais je suppose que vous avez déjà vu des femmes dans un état pire que le mien, n’est-ce pas ? dit-elle en essuyant ses larmes.
L’employée resta silencieuse devant les propos de mademoiselle Barnes, ce à quoi cette dernière lui dit qu’elle n’était pas très bavarde. La jeune femme poursuivit donc ce qu’elle faisait et arrangea tant bien que mal son maquillage. Une fois cela fait, elle retourna dans la chambre accompagnée de son garde du corps et elle prit place sur le lit.
Tandis qu’elle s’attendait à ce que le vieil homme franchise le pas de la porte d’un moment à l’autre, Natacha espérait que ce soit uniquement pour lui dire qu’il en avait assez d’elle et qu’il la renvoie chez elle. La jeune femme savait que les chances pour qu’une telle chose se produise étaient faibles, mais elle souhaitait tout de même que cela s’accomplisse.
Plus d’une dizaine de minutes s’écoula et le vieil homme n’était toujours pas de retour. Natacha commença même à se demander s’il reviendrait ou s’il était définitivement parti. Non, ce n’était pas possible. Ses vêtements étaient encore dans la chambre et elle le voyait très mal rentrer chez lui sans eux. Monsieur Morgan devait être occupé à faire autre chose. Peut-être avait-il rencontré un de ses collègues en chemin ? Les deux étaient peut-être en train de parler à cet instant ? Quoi qu’il en soit, cela avantageait la jeune femme. Plus il traînait dans l’endroit dans lequel il se trouvait et plus mademoiselle Barnes avait le temps de se remettre de ce qui venait de lui arriver, si tant est qu’elle y parvienne.
—–*—–
Tandis que mademoiselle Barnes l’attendait bien sagement dans la chambre, Simon Morgan poursuivait tranquillement sa conversation avec Alice Nicolay. Après avoir abordé le sujet de leur différente acquisition, le vieil homme dévia la discussion sur son acquisition. Le banquier n’avait toujours pas abandonné l’idée de s’emparer de Natacha Barnes, et ce même si elle était ce qu’il pouvait qualifier d’insolence et irrespectueuse. De ce fait, il lui fallait des renseignements sur elle, et ce afin de trouver une quelconque faiblesse.
- Dis Alice, toi qui fréquentes cette femme, cette Natacha Barnes, que peux-tu me dire sur la façon dont elle se comporte au travail ?
- Fréquenter est un bien grand mot. Disons que je la vois une fois par mois, et ce uniquement durant les réunions du conseil d’administration. Je ne suis donc pas la personne la mieux indiquée pour te dire comment elle est sur son lieu de travail. C’est plus à Herman à qui tu devrais poser cette question.
Simon n’avait nullement envie de poser la question à Herman. D’ailleurs, il ne voulait même pas que ce dernier sache qu’il portait désormais un intérêt grandissant pour sa secrétaire.
- Je le ferai plus tard…
- Que feras-tu plus tard ? rétorqua soudainement monsieur Invictus.
La soudaine apparition d’Herman Invictus derrière eux ne plut certainement pas à Simon qui se demandait s’il avait entendu ce qu’Alicia et lui s’étaient dit quelques instants auparavant.
- Simon voulait savoir…
- Ce que tu comptais faire de mademoiselle Barnes après cette journée, déclara-t-il en interrompant son interlocutrice.
Il poursuivit en disant que son but avait été de lui ouvrir les yeux sur la véritable nature du monde et de lui montrer que pour obtenir certaines choses ou faveurs, il fallait faire des sacrifices.
- Alors Herman, quelle sera la suite des évènements pour elle ? Que prévois-tu d’autre ?
- Je ne prévois rien de particulier. À vrai dire, je pense même qu’après aujourd’hui, mademoiselle Barnes aura amplement mérité sa promotion et son augmentation de salaire, répondit-il en prenant place auprès de ses collègues.
- C’est tout ? s’étonna mademoiselle Nicolay.
La jeune femme avait toutes ses raisons d’être surprise par ce qu’il venait de dire. Elle connaissait Herman depuis de nombreuses années et savait donc qu’il n’était pas le genre de personne à se contenter d’une punition aussi simple. Du côté de Simon, les propos de son ami pouvaient se montrer à la fois avantageux et désavantageux pour lui.
D’une part, à cause de tout ce qu’elle avait vécu en ce jour, il y avait de grandes chances que Natacha Barnes démissionne d’ici peu. Le vieil homme avait vraiment du mal à la voir continuer de travailler pour Herman. Mais d’autre part, à cause de son comportement plutôt docile, il demeurait tout de même une possibilité qu’elle maintienne son poste auprès de lui. De plus, il y avait cette augmentation de salaire qui était une information non négligeable, d’autant plus que le montant n’avait pas été dévoilé. Si la somme était assez élevée, la jeune femme serait plus encline à rester sa secrétaire. Qui en ce bas monde pouvait résister au pouvoir de l’argent ?
- En effet, c’est tout. Pourquoi ? rétorqua monsieur Invictus.
- C’est juste que je te vois très mal t’arrêter là ? Tu as forcément prévu quelque chose d’autre pour ta secrétaire.
- Il semblerait que ce soit dur pour vous de croire que je laisserais mademoiselle Barnes tranquille après cette séance. Quoi, ai-je l’air d’un manipulateur à vos yeux ?
- Totalement, répondit Alicia.
- Sans aucun doute, poursuivit Simon.
Herman se mit à rire devant les réponses données par ses amis. Il était vrai qu’il n’en avait pas fini avec sa jeune secrétaire, Natacha Barnes, mais il était préférable pour lui de ne rien dévoiler sur la suite de ses plans.
- J’en suis profondément navré. Comme je vous l’ai dit, je n’ai pas d’autres projets concernant mademoiselle Barnes. Quoi qu’il en soit, comment se déroule votre période de dégustation ?
Alice ne put s’empêcher de s’énerver lorsqu’elle entendit la question d’Herman. Il fallait dire que le jeune homme qu’elle avait acquis n’était pas à la hauteur de son physique. L’homme d’affaires remarqua immédiatement le changement d’expression faciale chez son amie et lui demanda ce qui n’allait pas. Mademoiselle Nicolay lui relata alors la triste expérience qu’elle avait eue.
- Je suis sincèrement navré de l’apprendre, rétorqua-t-il.
- Ne m’en parle pas. Vous, les hommes, avez la chance de ne pas rencontrer ce genre de problème. Ce sont vos acquisitions qui doivent s’adapter à votre rythme et non l’inverse. Nous les femmes devons malheureusement attendre que vous repreniez votre souffle ou autres conneries du genre.
Les deux hommes ne firent aucun commentaire face aux propos que venait d’avoir la jeune femme. De toute façon, ils n’étaient pas en mesure de le faire. Juste après cela, la jeune femme retourna la question à Herman qui lui répondit que son expérience était plutôt agréable jusqu’à présent.
- La jeune femme que j’ai obtenue est très charmante et fait exactement tout ce que je lui demande, poursuivit-il.
- Tu m’étonnes ! rétorqua mademoiselle Nicolay toujours frustrée par ce qu’elle venait de vivre.
- Et toi, Simon ? Est-ce que tout s’est bien passé avec ma secrétaire ?
C’était désormais au banquier de répondre à la question d’Herman Invictus. Malheureusement, il ne pouvait pas lui dire tout ce qui s’était produit dans sa chambre du fait que les deux avaient passé un accord oral stipulant qu’il ne devait absolument pas porter une quelconque atteinte physique en la personne de Natacha Barnes, ce qui était cependant arrivé à de nombreuses reprises.
- Tout s’est déroulé à merveille, quoiqu’elle ait été quelque peu insolente, dit Simon.
- Quelque peu insolente, dis-tu ? Peux-tu clarifier tes propos s’il te plaît ?
- Disons que ta secrétaire a eu du mal à se montrer coopérative vis-à-vis de certaines de mes demandes. Mais bon, elle et moi avons fini par nous mettre d’accord sur la manière dont elle devait procéder.
Monsieur Invictus était quelque peu perplexe concernant la réponse qu’on venait de lui donner. Quelque chose lui disait que ce fameux accord s’était produit au détriment de sa secrétaire. De ce fait, il y avait de grandes chances que ce dernier en soit arrivé à lever la main sur la charmante Natacha Barnes.
- Dois-je en conclure que tu n’as pas respecté notre accord ? demanda monsieur Invictus.
- Bien sûr que j’ai respecté notre accord. Pour qui me prends-tu, Herman ? rétorqua le banquier en le regardant droit dans les yeux.
C’était clairement un mensonge, mais l’homme d’affaires ne pouvait pas prétendre à cela sans le témoignage de mademoiselle Barnes. De plus, s’il venait à le faire, cela risquerait de les plonger tous les deux dans une délicate situation et de ruiner leur amitié par la même occasion. Herman n’était pas prêt à prendre ce risque, surtout pour une personne comme Natacha Barnes. Il préféra donc ne pas le questionner davantage et passer à autre chose, d’autant plus qu’il s’agissait uniquement d’un accord oral et non pas quelque chose d’écrit. Cela relevait donc plus de la promesse que du contrat.
De son côté, mademoiselle Nicolay se demandait quel accord les deux avaient passé. Elle savait qu’il s’agissait d’une chose en rapport avec la secrétaire d’Herman, mais elle était curieuse de connaître les spécificités de ce dernier. Cependant, au moment où elle s’apprêtait à leur demander de quoi il en retournait, elle fut interrompue par l’arrivée soudaine de David Linch.
- Je vois que je ne suis pas le seul à prendre une petite pause, dit-il.
- Il semblerait que non, mon ami, rétorqua Herman tandis que David prenait place à leur table. Alors, comment les choses se déroulent de ton côté ? Ton acquisition te plaît-elle ?
- Oui, elle me plaît assez. C’est une charmante jeune femme pleine de ressources, quoiqu’elle ne fasse pas vraiment le poids devant mademoiselle Ferra.
- La fameuse Brésilienne que tu as rencontrée la semaine dernière, c’est bien ça ?
- Il s’agit effectivement d’elle.
- Il faudra que tu nous la présentes un de ces jours.
Herman n’était pas le seul à vouloir rencontrer cette femme. Même Alicia voulait voir à quoi ressemblait la demoiselle qui avait gagné l’estime de leur ami. David leur répondit qu’ils auraient un jour l’opportunité de la voir, quoique le ton de sa voix disait le contraire.
- Et de vous ? Comment se déroulent vos séances de dégustation ? poursuivit-il.
Monsieur Invictus lui dit que la sienne était on ne peut plus exquise et qu’il était très satisfait de la jeune femme qui lui avait tenu compagnie. Simon répondit à son tour que, hormis quelques problèmes mineurs, tout se passait pour le mieux. Seule Alice Nicolay semblait ne pas vouloir lui donner de réponse. Et pour cause, se souvenir de son expérience faisait sortir une certaine frustration chez elle.
- Est-ce que tout va bien, Alice ? questionna David après avoir remarqué son étrange comportement.
- Il semblerait que son acquisition ne soit pas à la hauteur de ses attentes, répondit monsieur Morgan à sa place.
- Oh ! Je suis sincèrement navré de l’apprendre.
L’homme était vraiment désolé pour Alice, d’autant plus que les séances de dégustation étaient une opportunité pour eux de prendre du bon temps sans se soucier de ce qui les attendait dans le monde extérieur. De ce fait, mademoiselle Nicolay semblait avoir réellement été malchanceuse en choisissant le jeune homme qu’elle avait acquis durant la phase de mise aux enchères.
- C’est bon. C’est bon. Pouvons-nous maintenant parler d’autre chose ? Je ne suis vraiment plus d’humeur à aborder ce sujet, rétorqua Alice.
- Et de quoi voudrais-tu qu’on parle, Alice ? questionna Herman.
Mademoiselle Nicolay profita alors de cette occasion pour lui demander des détails sur l’accord que Simon et lui avaient conclu, celui qui concernait sa secrétaire. L’homme d’affaires esquissa alors un léger sourire, pensant que la femme à côté de lui était beaucoup trop curieuse. Il se décida néanmoins à lui répondre. Pendant ce temps. Simon fit signe à un des employés qui s’approcha alors du groupe. Il lui murmura ensuite quelques mots avant que celui-ci ne s’éloigne d’eux.
15h23
De retour dans le bar de Patrick, l’ambiance était au rendez-vous. Peut-être était-ce parce que nous étions samedi et que les gens avaient désormais l’occasion de décompresser, mais l’établissement était désormais bondé de monde, et ce malgré le fait que nous n’étions pas encore en fin d’après-midi. Dans un coin de la grande salle se trouvaient Michael et son meilleur ami, Stanley, qui tenaient chacun dans leur main une canne et étaient tous les deux autour d’une table de billard. Les deux étaient visiblement en pleine partie, d’ailleurs, c’était au tour d’Hopkins de jouer.
Pendant que le jeune homme se mettait en position pour frapper la boule, son ami sortait son téléphone de sa poche et vérifiait s’il n’avait reçu aucun appel ou message de la part de la police ou d’Enola.
- Mec, ça doit être la cinquantième fois que tu sors ton tel depuis que nous avons commencé cette partie.
- C’est plus fort que moi, Stan. J’suis juste pas habitué à ce genre de situation.
Stanley se redressa avant de lui dire qu’il savait qu’il était inquiet pour Natacha. Cependant, il n’y avait rien qu’il puisse faire dans sa situation actuelle hormis d’attendre qu’elle se décide d’elle-même de rentrer en contact avec lui.
- En plus, nous sommes justement venus ici pour t’aider à penser à autre chose, poursuivit-il avant de finalement frapper la boule de billard.
La sphère blanche poursuivit son chemin vers d’autres boules qu’elle percuta quelques instants plus tard, les dispersant et envoyant certaines d’entre elles dans les trous prévus à cet effet. Malheureusement pour le jeune homme, une des billes de son adversaire, à savoir Michael, rentra dans une des poches, ce qui mit immédiatement fin à son tour.
- Enfin un jeu où monsieur n’est pas trop bon, rétorqua le fiancé de mademoiselle Barnes avec un sourire moqueur aux lèvres.
- Tais-toi et joue.
- Du calme, mec. Pas besoin d’être aussi agressif. Ce n’est qu’un jeu.
Il était évidemment que Michael prenait du plaisir à taquiner son meilleur ami, ce que ce dernier semblait ne pas apprécier. C’était pour lui une manière de se venger de la partie de jeu qu’ils avaient fait quand ils étaient chez lui. Le jeune homme se plaça donc à son tour et, comme Stanley quelques instants auparavant, frappa la boule blanche, ce qui provoqua une succession de réactions en chaîne qui se conclut par l’insertion intentionnelle d’une des billes dans une des poches.
- Tu vois ? C’est comme ça qu’on joue au billard, dit Michael à son ami.
- Continue de jouer, rétorqua un Stanley qui était visiblement frustré.
Le fiancé de mademoiselle Barnes continua donc de jouer comme on lui avait demandé, ce qui se solda de la même façon que sa précédente tentative. Michael poursuivit ainsi pendant trois tours avant de finalement rater son coup, ce qui permit à Stanley de prendre le relais. Les deux hommes continuèrent ainsi de se passer le relais jusqu’à ce que la partie s’achève sur une victoire de Michael.
Dès l’instant où Orzak fit rentrer la dernière boule dans une des poches, son meilleur ami demanda un match revanche, ce qu’il accepta bien évidemment. Le duo lança donc une nouvelle partie, réitérant ce qui s’était passé dans le domicile du couple Barnes-Orzak.
A suivre !!!