Tandis qu’il marchait dans un des couloirs du manoir, Herman tomba nez à nez avec un des employés travaillant pour Lancaster. Il lui demanda alors s’il avait vu son supérieur hiérarchique, Michel Ankou, ce à quoi il répondit que lorsqu’il l’avait vu pour la dernière fois, celui-ci se dirigeait vers le hall du bâtiment. Détenant cette information, l’homme d’affaires repartit à la poursuite du majordome.
Sur le trajet le menant vers le hall du bâtiment, Herman ne pouvait s’empêcher de repenser à la conversation qu’il avait eue avec Simon. Pour lui, il était clair que sa secrétaire et lui avaient échangé certains propos à son sujet, mais lesquels ? Ce n’était pas comme si ce qu’avait pu lui dire Natacha à son sujet était à même d’étonner ou contrarier le banquier, d’autant plus qu’elle n’avait pas ce genre d’information à sa disposition. Alors, qu’avait-elle bien pu lui dire ? Plus monsieur Invictus pensait à cela et plus cela l’intriguait. Il fallait désormais qu’il prenne des mesures vis-à-vis de Simon, ce qui était une affaire extrêmement déplaisante.
– Mademoiselle Barnes, vous me mettez dans une position assez délicate, pensa-t-il.
Au bout de quelques minutes de marche, Herman aperçut finalement la personne qu’il cherchait. Ce dernier, qui parlait à cet instant à un des subordonnés, entendit alors son nom être prononcé par l’homme d’affaires.
– Monsieur Invictus ?! Je vous pensais dans la salle de bal avec les autres membres, rétorqua-t-il après avoir envoyé son subordonné accomplir ses diverses tâches.
– J’ai dû m’absenter momentanément, ayant une petite affaire à régler. À vrai dire, je vous cherchais.
– Et en quoi puis-je vous être utile, monsieur ?
Herman lui expliqua alors qu’il avait besoin de rendre à nouveau dans la salle des dépôts afin de passer un coup de fil. Il précisa également que c’était de la plus haute importance. Michel accepta la requête de monsieur Invictus et l’invita alors à le suivre. Quelques minutes plus tard, le majordome et monsieur Invictus arrivèrent devant une porte gardée par deux grands hommes vêtus de costumes noirs. Michel sortit une carte bleue sur laquelle son nom était inscrit avec des caractères argentés, la leur présenta, puis leur demanda de s’écarter afin que Herman et lui puissent rentrer dans la pièce.
L’endroit dans lequel les deux hommes venaient de pénétrer était en réalité un immense placard comportant un grand nombre de compartiments numérotés. À l’intérieur de ces derniers se trouvaient tous les vêtements, bijoux, montres, téléphones, et toutes autres affaires appartenant aux membres et aux invités de la séance de dégustation. Cette pièce était l’une des plus importantes du manoir Lancaster. Une seule erreur dans l’organisation de cette dernière pouvait avoir de terribles conséquences pour tous les membres de cet évènement, d’où le fait qu’elle était surveillée et que très peu de personnes y avaient accès.
Michel demanda à monsieur Invictus de patienter quelques instants pendant qu’il se dirigeait vers le comportement sur lequel le numéro 2 était inscrit. Après l’avoir ouvert, il en sortit le téléphone portable d’Herman avant de le lui remettre.
– Merci beaucoup, s’exclama-t-il en prenant son appareil dans la main.
Immédiatement après, l’homme d’affaires composa le numéro de sa détective personnelle, Délaïla. Cela sonna de nombreuses fois avant de s’arrêter brusquement. Herman ne put alors s’empêcher de trouver cette facette du comportement de la jeune femme quelque peu fâcheux. Il relança de nouveau l’appel, patienta quelques instants, et obtint finalement une réponse.
– Herman, que puis-je faire pour toi, dit la jeune femme après avoir décroché.
– Bonsoir, Délaïla. As-tu accompli la tâche que je t’ai confiée ?
– Herman, ce que tu m’as demandé de faire est très délicat en plus d’être moralement questionnable. J’éprouve quelques difficultés à trouver les fichiers dont j’ai besoin sans compter que les obtenir s’avérera encore plus compliqué. Herman, je n’ai pas signé pour faire ce genre de choses ! Ça va…
– Délaïla, je n’ai que faire de la moralité de cette mission ni des méthodes que tu vas employer pour te procurer ce dont tu as besoin, tout ce qui compte est que tu accomplisses ta mission avant que cet homme se rétablisse complètement. Il est hors de question que je le laisse s’en sortir avec si peu après ce qu’il a fait subir à ma fille ! déclara monsieur Invictus sur un ton colérique tout en coupant la parole à son interlocutrice.
Mademoiselle Fitzgerald resta silencieuse quelques instants. Elle n’était clairement pas habituée à ce que l’homme d’affaires lui hurle dessus, ce qui témoignait de l’animosité qu’il éprouvait à l’égard de cet homme nommé Daniel Prine. Délaïla ne put alors pas s’empêcher de ressentir une certaine pitié pour cet individu qui avait eu le malheur d’attiser la colère de l’un des hommes les plus puissants du pays.
– Pour les fichiers, je pense que j’irai chez ce type afin de les télécharger directement chez lui.
– Fais comme tu veux, Délaïla. Le plus important est que tu le fasses dans les plus brefs délais.
– Tu peux compter sur moi, dit-elle avant de mettre fin à l’appel.
Leur conversation venait de se conclure, Herman remit le téléphone portable à Michel qui était resté debout à ses côtés tout au long de cette dernière. Celui-ci lui demanda alors poliment si tout allait, ce à quoi il répondit qu’il avait connu des jours meilleurs.
– Je vois. Hormis passer cet appel, y a-t-il quelque chose d’autre que je puisse faire pour vous aider ? demanda le majordome en rangeant l’appareil où il l’avait pris.
– Non, Michel. Il n’y a rien d’autre que je veuille en ce moment. Je vais retourner auprès de Lancaster et des autres, répondit-il.
– D’accord. Après vous, monsieur, rétorqua-t-il alors en lui indiquant la sortie.
Les deux hommes quittèrent donc la pièce et firent un bout de chemin ensemble avant de se séparer, Herman Invictus retournant auprès des autres membres et Michel Ankou retournant s’occuper de toutes les tâches qui étaient les siennes.
—–*—–
Natacha se trouvait de nouveau devant le miroir d’une des salles de bain du manoir Lancaster. La jeune femme, qui avait brusquement quitté la pièce dans laquelle se déroulait le dîner des invités, affichait désormais des yeux larmoyants. Et pour cause, lorsque mademoiselle l’avait empêchée de se tailler les veines quelques minutes auparavant, cette dernière lui avait dit de penser à toutes personnes que son geste aurait pu affecter en commençant par ceux qui l’attendaient chez elle. Pour Natacha, il était clair qu’elle avait fait dans son propre intérêt. Elle ne voulait sûrement pas qu’elle gâche leur petit dîner avec du sang giclant sur les invités et un cadavre sur les bras.
Néanmoins, lorsqu’elle avait fait mention de ses proches, cela la poussa à reconsidérer son acte. Natacha avait toujours l’intention de mettre fin à ses jours, cela était indéniable pour le moment. Cependant, comme lors de ses précédentes tentatives, elle s’était mise à réfléchir sur ce qu’allaient devenir les personnes qu’elle aimait après son départ. Pour Michael, même si elle savait qu’il referait sa vie après sa mort, il y avait toujours une petite partie de son être qui ne voulait pas qu’il finisse avec une autre femme. Michael était son homme à elle et à personne d’autre, mais elle devait se montrer raisonnable. Si elle s’en allait, Orzak finirait forcément avec une autre personne.
Concernant ses autres proches, mademoiselle Barnes ne se faisait pas trop de souci pour eux. Certes, certains comme sa mère seraient en proie à un immense chagrin suite à sa soudaine disparition, mais ils finiraient tous par s’en remettre et continuer la routine de leur vie quelque temps plus tard. Non, la seule personne qui préoccupait Natacha à cet instant, et ce alors qu’elle observait son reflet dans le miroir, était Michael. Alors que les secondes défilaient, l’esprit de la jeune femme commençait à flancher et à imaginer toute sorte de scénarii.
– Jusqu’à ce que la mort nous sépare, dit-elle soudainement.
En entendant cela, l’employée qui accompagnait mademoiselle Barnes se prépara à intervenir, pensant que cette dernière s’apprêtait à commettre une mauvaise action. Cependant, ce n’était pas ce que Natacha avait en tête, du moins pas à ce moment. En effet, la jeune femme, dont l’esprit partait dans tous les sens, se disait qu’aucune autre femme n’était digne de se retrouver avec Michael et que si elle venait à mourir, celui-ci devrait tout simplement l’accompagner dans l’au-delà.
Cette morbide réflexion envahit l’esprit de la jeune femme durant de nombreuses minutes. Pour elle, c’était une solution viable. Non seulement elle ne subirait plus les agissements de monsieur Invictus en employant cette méthode, mais elle pourrait également continuer sa relation avec Michael dans l’autre monde si tant est qu’un autre monde existât. Heureusement, Natacha se remit très vite en question. En effet, tandis qu’une partie de son être voulait mettre son plan à exécution, une autre s’y opposait complètement. Elle savait qu’elle n’avait absolument pas le droit d’agir de la sorte. Elle se dit que ce serait extrêmement égoïste de sa part de forcer son fiancé à la suivre dans l’au-delà, et ce même s’il se proposait de le faire lui-même.
Natacha n’arrivait pas à croire qu’elle pouvait avoir ce genre de pensée à l’égard de l’homme qu’elle aimait. Malheureusement, c’était bel et bien le cas. Cela l’obligea même à se poser des questions sur elle-même. Comment pouvait-elle envisager de commettre un acte aussi ignoble ? Certes, elle voulait mettre fin à ses jours, mais comment pouvait-elle penser à mettre fin à ceux de Michael par la même occasion ? Si la triste réalité de ces derniers jours l’amenait désormais à penser ainsi, qu’adviendrait-il d’elle après plusieurs mois ? La jeune femme était confuse et perdue. Tout ce qu’elle voulait c’était que la douleur s’arrête…c’était de quitter cet endroit…c’était de retourner auprès de celui qu’elle aimait.
Alors qu’elle l’observait depuis plusieurs minutes, l’employée du manoir Lancaster dit à Natacha qu’elle était dans l’obligation de retourner auprès des autres invités. Sa subite intervention rappela à la jeune femme qu’elle n’était pas seule, mais lui fit également se demander quand cet évènement allait prendre fin. Quoi qu’il en soit, mademoiselle Barnes se dit qu’elle devait trouver le courage d’aller jusqu’au bout, et ce pour toutes les personnes qui comptaient dans sa vie.
– OK, je vous suis, rétorqua-t-elle finalement lorsqu’elle se sentit prête.
Les deux femmes sortirent alors de la salle de bain avant de prendre la direction de la pièce dans laquelle Olivia et les autres se trouvaient.
A suivre !!!