La promotion 74

Alors que la montre affichait désormais 21 heures, Michael, Stanley, et les deux jeunes femmes qui les accompagnaient décidèrent de quitter le bar de Patrick, mais pas pour les mêmes raisons. En effet, tandis que Hopkins et ses deux nouvelles amies avaient décidé de poursuivre la soirée dans un lieu beaucoup plus calme, Orzak avait pour projet de rentrer chez lui, et ce au détriment de Sally qui avait un intérêt grandissant pour le jeune homme.

– T’es sûr que tu ne veux pas venir avec nous ? demanda une dernière fois Stanley afin de se rassurer.

– Oui ! Viens avec nous. On va bien s’amuser, continua Sally.

– C’est gentil à vous, ce serait mieux pour moi que je rentre. Je commence à fatiguer.

– Tu sais pas c’que tu rates, mec.

– T’inquiete, j’ai bien ma petite idée.

Une certaine déception pouvait clairement se lire sur le visage de Sally qui avait vraiment envie de passer plus de temps avec Michael et non pas avec Jason qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de trouver quelque peu prétentieux. Elle devait cependant faire avec la façon dont les évènements se déroulaient et dire au revoir au jeune homme. Stanley arrêta donc un taxi qui passait à proximité et le trio prit la direction de leur nouvelle destination.

Se retrouvant dorénavant seul, Michael prit la direction de son domicile. Cependant, contrairement à ses habitudes, il décida de rentrer chez lui à pied. Il s’agissait là d’une sacrée distance à parcourir ; plus d’une vingtaine de pâtés de maisons ; mais le jeune homme n’était pas vraiment pressé de rentrer chez lui. Et pour cause, il savait qu’il n’y avait rien d’intéressant pour lui dans cette demeure. Natacha n’était pas présente, donc ce qui l’attendait n’était nulle autre la solitude et la froideur d’un lit sans femme. Le regret de ne pas avoir accepté l’invitation de Stanley et les autres commençait à se faire sentir. Malgré cela, Orzak prit sur lui et commença à marcher vers sa destination.

Sur le trajet le menant chez lui, Michael se mit à ressasser tous les évènements qui l’avaient conduit à cette situation précise. De la découverte d’une Natacha complètement endormie et trempée sur leur lit à la lettre qu’elle lui avait laissée en passant par sa petite confrontation avec Herman Invictus, tous ces moments ressurgirent dans sa mémoire comme si cela ne faisait que quelques minutes qu’il les avait vécus. Le jeune homme commença alors à se remettre en question vis-à-vis de cette histoire et se dit qu’il avait peut-être sa part de responsabilité dans la disparition de Natacha.

Et s’il n’était pas parti confronter son patron juste après l’avoir découverte ? Et si elle et lui ne s’étaient pas disputés la veille ? Peut-être qu’elle serait toujours à la maison et lui ne serait pas là en train de marcher dans les rues de la ville à une heure pareille. Il était évident qu’il ressentait une certaine culpabilité à l’égard de sa fiancée, d’autant qu’en essayant de se mettre dans sa peau, il pouvait comprendre une partie de son comportement. Elle travaillait très dur afin d’obtenir sa promotion et il avait peut-être corrompu ses chances de l’avoir après sa rencontre avec son patron.

– Non, mais à quoi je pense putain ?

Michael n’avait aucune raison de se sentir coupable. Il avait fait ce que tout homme censé aurait fait s’il avait vu la femme qu’il aimait se trouver dans le même état que celui dans lequel il avait trouvé Natacha. C’était sa fiancée qui était à blâmer dans toute cette histoire. Non seulement elle n’était pas venue le voir quand la pression à son travail était devenue insupportable, préférant lui cacher cela et faire comme si tout allait bien, mais elle avait également instigué une dispute entre eux et avait fui du domicile familial sans lui donner la moindre possibilité de la joindre. C’était elle la fautive et celle qui se comportait comme une gamine ne voulant pas prendre ses responsabilités.

Orzak exprima soudainement sa frustration sous la forme d’un coup de pied qu’il donna dans une poubelle se trouvant à proximité, ce qui eut pour conséquence de renverser tout son contenu sur le sol. Se rendant compte de ce qu’il venait de faire, le jeune homme regarda autour de lui afin de s’assurer que personne n’avait assisté à ce qui pouvait s’apparenter à un acte de vandalisme. Voyant qu’il était complètement seul, il poursuivit son chemin comme si de rien n’était.

Après près de dix minutes de marche, Michael constata qu’il n’était plus tout seul et que deux individus à l’allure suspecte le suivaient. Ayant un très mauvais pressentiment vis-à-vis de cette situation, le jeune homme décida de se mettre sur ses gardes. Ils n’étaient que deux, alors cela devrait être gérable, du moins s’ils n’étaient pas armés. Alors que les personnes se rapprochaient d’Orzak, celui-ci devenait de plus en plus nerveux. Il était prêt à agir au quart de tour au cas où ils viendraient à agir de façon suspecte.

Malheureusement pour lui, ce fut le cas quelques instants après. En effet, les deux personnes qui suivaient Michael se mirent à le siffler et l’appeler afin d’attirer son attention. Le fiancé de Natacha considéra cependant qu’ils n’avaient rien de bon à lui apporter et les ignora, ce qui sembla ne pas leur plaire. Ils accélérèrent donc leur cadence de marche et le rattrapèrent rapidement.

– Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda-t-il de façon agressive quand l’un d’eux vint brusquement se placer devant lui.

– Oh ! Mais c’est qu’il joue les nerveux. Il ne doit pas savoir qui sont les bosses du coin. Tu vois, ici c’est mon territoire et y a un droit de passage à payer…

– Ouais !!!

– Donc, si tu veux pas finir la nuit à l’hosto, tu ferais mieux d’abouler le fric, poursuivit-il en soulevant légèrement son t-shirt, dévoilant ainsi une arme à feu.

Michael n’en croyait pas ses oreilles. Ces deux personnes agissaient exactement comme les personnages secondaires d’un film de série B. néanmoins, même s’il voulait rire devant leur horrible performance, la situation n’en restait pas moins dangereuse pour lui. Non seulement ils étaient en supériorité numérique, mais ils étaient également armés.

L’esprit d’Orzak commença à imaginer toute sorte de scénarii. Il se voyait notamment se jeter brusquement sur l’homme en face de lui, bloquer sa main afin qu’il ne puisse pas s’emparer de son arme, et lui assener un coup de poing en plein visage pour le faire tomber sur le sol. Cela lui permettrait de soit s’attaquer à l’individu qui se tenait derrière lui ; individu qui se serait sans aucun doute jeté à son tour dans la bagarre pour aider son complice ; soit s’enfuir le plus loin et le plus vite possible de ces deux personnes. Pendant que le fiancé de Natacha avait l’esprit ailleurs, les deux personnes avec qui il était commencèrent à s’impatienter. Celui qui était armé lui demanda alors ce qu’il attendait pour abouler le fric.

– Ouais ! Qu’est-ce que t’attends, poursuivit l’autre.

Malgré la dangerosité de la situation dans laquelle il se trouvait, Michael ne put s’empêcher d’exprimer sa frustration et sa colère en serrant fortement les poings, ce que l’un de ces voleurs remarqua immédiatement.

– Hé ! Mec, regarde ça. On dirait qu’il veut jouer au dur à cuir.

– Qu’est-ce qu’tu vas faire ? Hein !? Qu’est-ce qu’tu vas faire ? demanda-t-il en sortant et en braquant son arme sur le jeune homme.

Malgré le fait qu’on le menaçait avec une arme à feu, le regard de Michael ne changea pas. Bien au contraire, on aurait dit que cela l’avait encore plus énervé. Était-il suicidaire ? Il était clairement dans une dangereuse situation susceptible de lui coûter la vie. Malheureusement pour lui, son agresseur n’apprécia pas le regard qu’il avait et se laissa alors aller à ses plus bas instincts. Il assena donc un coup de crosse à Michael qui tomba immédiatement sur le sol.

– Qu’est-ce qu’t’as à me regarder comme ça ?! s’exclama-t-il en lui donnant cette fois-ci des coups de pied.

Le jeune homme se faisait donc tabasser par les deux voyous qui semblaient désormais en avoir après lui qu’après ses possessions. Tandis qu’il protégeait sa tête, la seule chose qu’il espérait à ce moment était ne de pas se prendre une balle et finir dans la rubrique nécrologique du prochain journal. Heureusement pour Michael, peu de temps après le début de son passage à tabac, une voiture passait dans les parages. Des gyrophares bleu et rouge caractéristiques des forces de l’ordre se manifestèrent ensuite, effrayant ainsi les deux ravisseurs.

– Merde, les flics ! On s’casse, vite ! dit celui qui était armé avant de tirer sur le véhicule de police.

Les deux hommes se mirent ainsi à courir, laissant ainsi Michael gésir de douleur sur le sol. Orzak se releva difficilement et juste à temps pour voir la voiture de police disparaître au loin. Ce fut également quelques secondes après qu’il constata qu’il avait le visage ensanglanté, le coup de crosse qu’il avait reçu l’ayant coupé légèrement au-dessus de l’oeil gauche. Le jeune homme essaya d’arrêter le saignement en déchirant un morceau de son t-shirt qu’il appliqua immédiatement après sur sa blessure. Il chercha ensuite à prendre un taxi, sa récente expérience lui ayant appris que changer certaines de ses habitudes pouvait avoir d’affreuses conséquences.

—–*—–

De retour au manoir Lancaster, le dîner s’était achevé depuis près d’une heure. Chacun des présents était donc retourné à leur précédent poste, ce qui voulait donc dire que Natacha se retrouvait de nouveau enfermée dans cette sordide chambre aux côtés de cette employée dont l’expression faciale ne changeait jamais.

Elle était assise au bord du lit, fixant la porte d’entrée et attendant que cette dernière s’ouvre, et que Simon Morgan rentre dans la pièce. Pendant ce temps, mademoiselle Barnes essayait de se préparer mentalement à ce qu’elle allait de nouveau subir. Le dîner avait duré près de 2 heures de temps, ce qui avait donc donné l’opportunité à ce vieil homme de reprendre des forces pour son horrible activité.

Le simple fait de penser à ce que ce vieil homme allait à nouveau lui faire instigua un profond sentiment de dégoût en Natacha et une soudaine envie de vomir. La jeune femme se retint, mais ne put pas s’empêcher de lancer un regard à la fenêtre de la chambre. Elle avait tellement envie de passer à travers et de mettre fin à tout ceci, mais savait que l’employée chargée de la surveiller ferait tout pour l’en empêcher.

– Cette femme est sacrément forte ? pensa Natacha tandis qu’elle se remémorait la scène durant laquelle celle-ci l’avait empêchée de sauter par la fenêtre.

D’ailleurs, en regardant cette femme de plus près, Natacha se demanda comment elle faisait pour rester dans la même position pendant des heures sans éprouver le moindre inconfort. Depuis qu’elle avait mis les pieds dans cette chambre, cette employée était stationnée au moment en droit et le fixait telle une caméra de surveillance, ne bougeant que lorsque c’était nécessaire. Quel type de formation avait-elle reçue pour avoir ce genre de compétences ? Avait-elle été à l’armée ou un truc du genre ?

Une minute s’écoula, puis cinq, puis dix, et le banquier n’était toujours de retour dans la chambre. Même si c’était une bonne chose pour elle, Natacha ne put s’empêcher de se demander où il était et ce qu’il faisait. La jeune femme se dit qu’il était peut-être en train de lui concocter une mauvaise surprise, une surprise qui allait lui faire passer un mauvais moment pendant les prochaines heures. Peu importe ce que le vieil homme avait en tête, mademoiselle Barnes devrait trouver la force de surmonter cette future épreuve.

Alors que le temps continuait à s’écouler et que Natacha devenait de plus en plus anxieuse vis-à-vis de l’absence de Simon Morgan, la jeune femme voulut en avoir le coeur net. Elle avait beaucoup de mal à supporter cette situation, s’imaginant toute sorte de scénarii dans sa tête. Elle demanda donc à sa babysitter si elle avait une idée de l’endroit où pouvait se trouver le banquier. Bien évidemment, sa tentative de communication avec l’employée du manoir Lancaster se solda de la même manière que les précédentes, la jeune femme ne prononçant aucun mot. Cela accentua la frustration de mademoiselle Barnes qui ne put alors pas s’empêcher de hurler sur son interlocutrice.

– Mais dis quelque chose, putain !

Même devant l’insolence apparente de Natacha, la jeune femme resta de marbre et se contenta de l’observer en silence, ce qui agaça d’autant plus mademoiselle Barnes. Son comportement la poussa alors à se lever du lit, à marcher vers elle, et à lever la main sur elle. Malheureusement pour la fiancée de Michael, son coup fut facilement arrêté par l’employée qui s’adressa immédiatement après à elle.

– Mademoiselle Barnes, un tel comportement ne sera point toléré dans l’enceinte de ces murs.

– Tu te décides enfin à parler. Tu peux alors répondre à ma putain de…

Natacha n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle fut interrompue par le bruit d’une personne tournant la poignée de la porte de la chambre. L’employée lâcha donc la main de mademoiselle Barnes et s’écarta afin de laisser entrer le banquier. Celui-ci demanda immédiatement après ce qui se passait dans la pièce.

– Mademoiselle Barnes vient de faire preuve d’un comportement répréhensible en voulant s’en prendre à ma personne.

En entendant cela, Simon lança un regard à Natacha qui le regarda en retour droit dans les yeux. Il ne comprit alors pas d’où lui venait son fort tempérament, d’autant plus qu’elle avait l’air très timide et inoffensive plusieurs heures auparavant. Où avait-elle trouvé cela ? Était-ce durant la phase de dîner ? Oui, cela ne pouvait être qu’à ce moment, c’était la seule explication.

– Laissez-nous, ordonna-t-il soudainement.

– Tout de suite, monsieur.

Se retrouvant de nouveau seul avec Natacha, le banquier se dirigea vers l’armoire de la pièce, passant à côté de la jeune femme qui ne put alors pas s’empêcher de reculer de quelques pas. Il sortit ensuite d’un des tiroirs deux godemichets de différente taille avant de se retourner vers mademoiselle.

– Cette fois-ci, je vais te briser, pensa-t-il en fixant la jeune femme droit dans les yeux.

A suivre !!!

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