La promotion 80

Tandis qu’elle était accompagnée vers la Rolls-Royce de son patron où l’attendait Gordon Botle, Natacha affichait un visage empli d’un mélange de tristesse et de désespoir. Et pour cause, les évènements ne s’étaient absolument pas déroulés comme elle l’avait espéré. La jeune femme avait pensé qu’elle aurait été libre de toute obligation salace après cette séance de dégustation et que sa vie aurait repris son cours normal. Elle avait pensé qu’elle serait rentrée chez elle et aurait fait de son mieux pour se réconcilier avec son fiancé qui devait sans doute se faire un sang d’encre et se demander où elle était. Elle s’était cependant fourvoyée et pas qu’un peu.

Depuis le début, son patron n’avait nullement eu l’intention de la laisser filer. Bien au contraire, il comptait toujours profiter d’elle. Connaissant le personnage, Natacha savait qu’il exigerait toujours plus d’elle et se moquerait complètement de l’état dans lequel elle la mettrait ni de l’impact que cela aurait sur sa vie personnelle. Même si elle décidait de démissionner, il était peu probable que ce dernier accepte. De plus, Herman avait de quoi la forcer à obtempérer, elle ne pouvait pas lui échapper et était donc condamnée à faire tout ce qu’il désirait jusqu’à ce qu’il se lasse.

S’approchant du véhicule, le chauffeur d’Herman lui ouvrit la portière. Natacha s’arrêta alors brusquement, observant l’intérieur de ce véhicule. Elle y vit alors une large boîte semblable à celles qui lui avaient été précédemment remises. La jeune femme se douta alors du contenu de cette dernière, pensant que le reste de ses affaires s’y trouvaient.

– Mademoiselle Barnes, il est temps d’y aller, rétorqua Gordon en la voyant immobile devant la voiture.

La jeune femme échangea un bref regard avec le jeune homme avant de finalement monter dans la Rolls-Royce. Tandis que Botle prenait à son tour place derrière le volant, Natacha jetait un dernier coup d’oeil au manoir Lancaster, ce lieu qui lui avait montré à quel point ces personnes qui clamaient être au sommet de la société étaient en fait pires que ceux qui étaient au plus bas. Elle en vint même à penser que c’était là la raison pour laquelle les gens de la haute société méprisaient ceux qui se trouvaient en bas de l’échelle sociale. Ce n’était sûrement pas parce que ces derniers étaient inutiles à la société comme ils le prétendaient, mais plutôt parce qu’ils étaient le reflet de leur moralité douteuse.

Le véhicule amorça finalement son départ et avec lui, un retour à un semblant de normalité, du moins jusqu’à lundi soir. Le manoir Lancaster s’éloignant de plus en plus, Natacha souhaita au plus profond de son coeur de ne plus jamais remettre les pieds dans cet endroit. Toutefois, une partie d’elle doutait que son vœu puisse se réaliser.

—–*—–

De retour au domicile du couple Barnes-Orzak, Michael sortait les draps de son lit du séchoir. Se faisant, le jeune homme ne put alors pas s’empêcher de se remémorer la scène dont il avait été témoin quelques jours auparavant, la terrible image de sa fiancée tremblée et endormie dans leur lit. Cela attisa de nouveau la colère du jeune homme qui voulait comprendre pourquoi elle ne lui avait rien dit. Ils étaient pourtant censés tout se raconter et partager les bons comme les mauvais moments. La communication n’était-elle pas un des fondements majeurs de leur couple ? Si ce n’était pas le cas, alors à quoi cela leur servait de poursuivre cette relation jusqu’au mariage ? Ce serait mieux de se séparer à l’amiable pendant que c’était encore possible afin que chacun puisse continuer paisiblement sa route.

Mais le souhaitait-il vraiment ? Natacha et lui étaient ensemble depuis leurs premières années d’université et avaient tous les deux vécu de bons comme de mauvais moments. De ce fait, ce qu’ils traversaient présentement n’était qu’une mauvaise période parmi tant d’autres, et même si cette dernière était beaucoup plus frustrante que les précédentes.

– Mais à quoi tu penses, Michael ? se demanda-t-il.

Le jeune homme avait raison de se poser la question. En effet, se séparer de Natacha était une décision très lourde de conséquences. Les deux avaient investi tellement d’années de leur vie dans cette relation que tout reprendre depuis le début lui semblait être une tâche colossale. Il se voyait très mal recommencer tout le processus avec les sorties, les rencontres, et autres…, et ce même avec l’aide de son meilleur ami, Stanley. Orzak aimait sa petite vie, les petits moments de rire, de partage, et d’intimité qu’il avait avec Natacha, ce qui l’énervait d’autant plus en voyant la situation dans laquelle ils étaient tous les deux.

Alors qu’il venait de ranger ses draps, Michael retourna dans le séjour où l’envie de manger se faisait de plus en plus ressentir. N’étant pas vraiment dans les bonnes conditions pour préparer quelque chose, il alla voir dans le frigidaire s’il n’y avait rien qu’il pouvait se mettre sous la dent.

– Eh puis merde ! J’vais commander un truc, dit-il après que rien n’ait attiré son attention.

Orzak partit s’emparer de son téléphone portable qui se trouvait à cet instant dans la chambre, mais eut du mal à se décider sur ce qu’il voulait prendre. Finalement, après plusieurs minutes d’hésitation, il jeta son dévolu sur une simple pizza. Venant de passer sa commande, il ne lui restait plus qu’à attendre le livreur. Une question se posait désormais : qu’allait-il bien pouvoir faire en attendant ?

Nous étions dimanche et le jeune homme se retrouvait totalement seul chez lui. D’habitude, il était en compagnie de Natacha et les deux profitaient toujours de leurs dernières heures de façon coquine avant de reprendre leur semaine de travail. Il n’avait malheureusement pas accès à ce luxe et devait donc trouver autre chose à faire. L’envie d’appeler Stan et de l’inviter à la maison se saisit alors de lui. Au moins avec lui à ses côtés, les deux trouveraient forcement une activité. Ils pourraient sans doute se refaire une partie sur la console, une idée qu’il retira immédiatement après de son esprit, se souvenant de la défaite qu’il avait subie la veille. En plus, son meilleur ami devait lui aussi avoir un programme propre à lui pour cette journée. Il n’allait donc pas le déranger inutilement.

Après avoir réfléchi plusieurs minutes à ce qu’il allait pouvoir faire, le jeune homme décida finalement de jeter un coup d’oeil aux photos qu’il avait pris dans le parc quelques jours auparavant. Michael s’empara donc de son appareil photo numérique qu’il brancha par la suite à son ordinateur portable.

Tandis qu’il parcourait le contenu de son appareil, le jeune homme ne put s’empêcher d’esquisser un sourire devant toutes les photos qu’il avait prises, notamment devant celles sur lesquelles se trouvait l’enfant qui lui avait servi de modèle. Il imaginait alors le jour où il aurait son propre enfant, toutes les diverses activités qu’il ferait avec lui ou elle. Michael se promit à cet instant d’être le meilleur père qui soit pour ce petit être, si tant est que Natacha décide de lui en donner un. Mais pour l’instant, il se contenterait de mettre toutes les images sur son site personnel.

—–*—–

Se trouvant toujours à bord du véhicule qui la reconduisait à son lieu de travail, mademoiselle Barnes avait le regard fixé sur la boîte qu’elle tenait dans les mains et pensait en même temps au devenir de sa vie. À cause du caractère de son patron, elle savait qu’elle continuerait de s’adonner à des activités très dégradantes après les heures de travail, ce qui signifiait également qu’elle devrait également poursuivre la double vie qui était désormais la sienne. Par conséquent, elle serait à nouveau dans l’obligation de continuellement mentir à son fiancé, Michael. Serait-elle cependant en mesure de supporter de mener une telle vie ?

Cela ne faisait même pas une semaine qu’elle s’était adonnée à ces pratiques obscènes avec son patron, Herman Invictus, que ça affectait déjà son mental. Elle avait du mal à dormir la nuit et quand elle y parvenait, elle était en proie à des cauchemars. Natacha n’avait pas besoin de consulter un expert pour savoir que ces mauvais rêves étaient issus de toute la culpabilité qu’elle éprouvait en plus mépris qu’elle éprouvait envers elle-même, envers cette jeune femme qui avait accepté cet accord diabolique au lieu de faire confiance aux personnes qu’elle aimait.

En parlant d’eux, celui dont elle se préoccupait le plus en ce moment était également la personne dont la réaction lui faisait le plus peur, surtout s’il venait à apprendre tout ce qu’elle avait fait. Il n’y avait aucun mot assez fort pour dire à quel point Natacha aimait Michael. Elle ne se voyait en couple avec personne d’autre que lui. C’était également une des raisons pour lesquelles elle souhaitait qu’il n’apprenne jamais tout ce qu’elle avait fait avec son patron. Vu la réaction qu’il avait eue quelques jours auparavant, elle savait que s’il venait à découvrir la vérité, elle perdrait définitivement la confiance qu’il avait placée en elle ; confiance qui avait commencé à s’effriter ; et craignait qu’il la quitte.

Non ! Vu les actions qu’elle avait menées, c’était plus que certain qu’ils se sépareraient si tout venait à se savoir. Michael était le rayon de soleil de sa vie et s’il venait à s’éloigner d’elle, elle ne le supporterait pas. À ce moment, avoir une double vie était beaucoup plus préférable que rester toute seule. La jeune femme allait donc tout encaisser, les humiliations, les cauchemars, et les dépressions nerveuses, et ça afin de conserver ce rayon de soleil. Natacha allait lui cacher la vérité, et cela même si elle devait se perdre en cours de route. Il était hors de question que Michael Orzak, l’homme qu’elle aimait le plus sur cette planète, sorte de sa vie.

—–*—–

Pendant que Michael travaillait sur son ordinateur, modifiant certains des clichés qu’il avait pris, quelqu’un frappa soudainement à la porte de son domicile. Le jeune homme stoppa immédiatement ce qu’il était en train de faire et alla vérifier de qui il s’agissait, quoiqu’il avait déjà une petite idée de l’identité de la personne. Et effectivement, Orzak se rendit compte qu’il s’agissait de son livreur de pizza à qui il ouvrit la porte. Après un échange de formalités et après avoir donné un pourboire, le jeune homme récupéra sa nourriture qu’il posa sur la table juste à côté de son ordinateur portable.

Orzak prit de nouveau place devant son appareil avec une tranche de pizza dans une main. Néanmoins, au moment où il s’apprêtait à reprendre son travail, son téléphone portable se mit brusquement à sonner. Ne faisant pas attention en se déplaçant, un morceau de nourriture tomba sur son appareil photo.

– Fais chier ! s’exclama-t-il.

Le jeune homme s’empara premièrement de son téléphone portable qu’il décrocha sans regarder qui l’appelait avant d’aller chercher quelque chose pour nettoyer.

– Hey, Mike, tu bosses quoi en ce moment ?

La personne qui se trouvait à l’autre bout du fil n’était nulle autre que Stanley, son meilleur ami. Il lui répondit alors qu’il essayait de nettoyer un bordel qu’il venait tout juste de faire.

– Qu’est-ce qui s’est passé ?

– Rien de grave heureusement. J’ai juste renversé un peu de nourriture sur mon appareil photo numérique. Et toi ? Quoi de neuf chez toi ?

– Pas grand-chose. J’appelais juste pour savoir si Natacha avait donné signe de vie depuis notre dernière conversation.

– Toujours rien. Je comptais même appeler Enola tout à l’heure après avoir fini de travailler.

– OK, mec. Sinon, c’est quoi ton programme de la journée ?

Michael lui dit que, hormis travailler sur ses diverses photos, il n’avait rien de prévu. Il lui demanda ensuite pourquoi il lui posait la question, ce à quoi Stan répondit qu’il voulait passer du temps avec son pote.

– Ça te dirait pas qu’on aille faire un tour chez Patrick ?

– J’sais pas mec. Après ce qui s’est passé hier…

– Allez, mec ! Il faut laisser les choses du passé dans le passé. Aujourd’hui, c’est un autre jour. Et si tu veux, je peux te raccompagner après.

– Très drôle. Bon OK. Quelle heure ?

– Ton travail va te prendre combien de temps ?

– J’en ai encore pour à peu près une heure. Je te tiens au courant dès que je finis.

– Ça marche. À tout à l’heure.

– Ouais, à tout.

Orzak mit un terme à leur conversation et retourna nettoyer le bordel qu’il avait lui-même causé. Quelques minutes plus tard, lorsque tout fut propre, il se remit devant son ordinateur. Cependant, le jeune homme ne reprit pas son travail immédiatement après. Non, il observa son téléphone portable pendant quelques instants, se demandant s’il devait oui ou non contacter Enola. Elle était après tout la meilleure amie de sa fiancée, et s’il y avait une autre personne autre que lui à qui Natacha pouvait se confier, c’était elle. Michael décida finalement de l’appeler et, après quelques secondes, fut accueilli sur un ton assez froid.

– Michael.

– Enola, je voulais savoir…

– Pas la peine de poursuivre ta phrase. Non, je n’ai toujours aucune nouvelle de Natacha, dit-elle en interrompant brusquement le jeune homme. Passe une bonne journée.

La jeune femme raccrocha brusquement sans donner le temps à Michael de dire quoi que ce soit d’autre ; ce qui le poussa à la traiter de « sale pute ». À cet instant, il n’avait qu’une seule envie et c’était de lui apprendre les bonnes manières à sa façon. Il fit néanmoins de son mieux pour se calmer et retourna travailler sur ses photos.

11h42

Après près d’une heure de trajet, la Rolls-Royce d’Herman Invictus arriva finalement sur le parking où Natacha avait laissé sa voiture. Gordon se gara juste à côté de cette dernière avant de partir ouvrir la portière à la jeune femme qui descendit peu de temps après avec dans ses mains la boîte que ces gens lui avaient donnée.

– J’ose espérer que ce voyage vous ait été agréable, mademoiselle Barnes.

Comment osait-il lui poser cette question ? Pour Natacha, ce « voyage » comme il l’appelait n’avait été qu’une succession de mauvaises surprises et cauchemars. Rien, mais absolument rien n’avait été agréable durant les quelques heures qu’elle avait passées en compagnie de ces gens de la haute société. En voyant que mademoiselle Barnes ne lui fournissait aucune réponse, le chauffeur lui souhaita de passer une agréable fin de semaine avant de remonter dans sa voiture et quitter les lieux.

Se retrouvant désormais seule, Natacha déposa la boîte en carton sur le capot de sa voiture avant de l’ouvrir. À l’intérieur se trouvaient ses clés et son téléphone portable, mais également les robes qu’elle avait portées tout au long de la séance de dégustation. En voyant ces vêtements, mademoiselle Barnes était tentée de les jeter, d’autant plus qu’ils étaient l’image de tous les abus qu’elle avait subis au cours des six derniers jours. Elle se retint néanmoins de le faire, et ce à contrecœur. En effet, la jeune femme ne savait pas quel genre de conséquences cela pourrait avoir sur elle si son patron venait à lui demander de porter une de ses deux robes dans le futur.

Natacha se saisit donc de ses clés de voiture et de son téléphone portable qu’elle garda éteint avant de refermer la boîte. Quelques instants plus tard, la jeune femme retrouvait derrière son volant et mettait le cap vers sa chambre d’hôtel.

A suivre !!!

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