La promotion 81

11h55

Natacha arriva finalement à destination. À peine était-elle descendue de son véhicule que la jeune femme se mit à tituber. Et pour cause, non seulement les différents trajets pour se rendre à son hôtel avaient été très longs, mais il fallait également dire que sa nuit de sommeil avait été très courte en plus d’être extrêmement désagréable. Mademoiselle Barnes était donc épuisée et cela se voyait sur son visage. Elle finit même par se demander comment elle avait fait pour ne causer aucun accident de la route pendant qu’elle conduisait. C’était vraiment un miracle. Quoi qu’il en soit, la jeune femme avait besoin de se reposer. Elle attrapa donc ses affaires, verrouilla ensuite sa voiture, et se rendit à l’intérieur de l’édifice.

À l’intérieur du bâtiment, la jeune femme essaya de se rendre directement dans sa chambre. C’était malheureusement sans compter l’intervention d’un inconnu qui l’empêcha littéralement de faire un pas en avant. Natacha ne savait pas ce qu’avait cet homme et elle ne voulait même pas le savoir. Tout ce qu’elle désirait à ce moment précis était de se reposer. Néanmoins, en le regardant de plus près, mademoiselle Barnes avait l’impression de l’avoir déjà croisé quelque part.

– Regardez qui va là. J’peux maintenant avoir ce numéro ? rétorqua-t-il soudainement.

Après qu’il ait prononcé cette phrase, Natacha se rappela l’endroit où elle avait croisé cet individu. À cause de tous les évènements marquants qu’elle avait vécus durant les 24 dernières heures, le visage de cet homme lui était complètement sorti de la tête. Cependant, elle n’avait aucun doute, il était le type qui l’avait abordée avant son depart pour son lieu de travail et l’avait violentée afin d’obtenir son numéro de téléphone.

Mademoiselle Barnes se demanda alors comment elle pouvait avoir la malchance de rencontrer ce type une seconde fois. Elle essaya de l’eviter, mais ce dernier se mit une fois de plus sur son chemin.

– Écoute, tu deviens lourd là, dit-elle avec un soupçon de frustration dans le ton de sa voix.

– T’as juste à me donner ce que je veux et j’arrête.

– Que tu vas faire quoi avec mon numéro, putain de merde ?!

– Déjà, tu baisses d’un ton quand tu me parles.

– Va te faire foutre !

– Baisse d’un ton…

Natacha l’interrompit en lui disant une fois de plus d’aller se faire foutre. Elle ajouta ensuite qu’elle n’avait aucun ordre à recevoir personne et surtout pas d’une personne comme lui.

– T’auras pas mon numéro, fais déjà un trait là-dessus. Maintenant, si tu veux bien te pousser, j’ai du sommeil à rattraper.

Une fois de plus, mademoiselle Barnes essaya de se rendre dans sa chambre d’hôtel, mais son interlocuteur ne l’entendait pas de cette oreille. Frustré par le constant refus de la jeune femme, mais également par sa façon de s’adresser à lui, il lui saisit brusquement et violemment le bras.

– J’en ai pas fini avec toi, dit-il par la même occasion.

– Lâche-moi ! Tu me fais mal !

Leur petite altercation attira l’attention de nombreuses personnes se trouvant dans le lobby de l’hôtel y compris un des employés travaillant à la réception. Ce dernier se demanda bien évidemment ce qui se passait entre ces deux clients et se rendit auprès d’eux afin de connaître le fin mot de l’histoire.

– Excusez-moi, est-ce que tout va bien ? questionna-t-il après être arrivé à leur côté.

– Tout va très bien. Ma petite-amie et moi…

– Petite-amie, mon cul ! Ce type délire complètement. Monsieur, il ne cesse de me harceler depuis hier et refuse d’entendre raison. Et maintenant, il me fait mal au bras, rétorqua Natacha en interrompant le jeune homme.

– Est-ce vrai, monsieur ?

– Non, ne l’écoutez pas. Ma petite-amie…

À ce moment, mademoiselle Barnes se mit à hurler de douleur, accentuant le fait qu’il lui faisait mal au bras. Face à ce spectacle plus que déplorable pour leur établissement, l’employé se trouva dans l’obligation d’intervenir, demandant tout d’abord poliment à l’homme de lâcher Natacha.

– Ne l’écoute pas. Elle fait juste son intéressante, dit-il en essayant de se défendre.

– Lâche-moi ! Tu me fais mal !

– Monsieur, je ne le répéterai pas. Veuillez la lâcher tout de suite.

Perdant patience face à cet homme borné, l’employé n’eut d’autre choix que d’intervenir physiquement en séparant ces deux clients de l’hôtel. Cela ne plut bien évidemment pas à l’agresseur de Natacha qui ne put alors pas s’empêcher de hurler sur lui et lui dire qu’il n’avait aucun droit de le toucher.

– La même chose peut être dite pour cette femme et vous.

L’homme, ne pouvant pas supporter ce que cet employé venait de faire ni ce qu’il venait de lui dire, décida alors de s’en prendre à lui. Une bagarre éclata donc dans le hall de l’hôtel avec une Natacha Barnes étant au centre de tout ça.

Pendant que les deux hommes se battaient devant Natacha, le peu de gens qui étaient dans le hall ne trouva rien de mieux à faire que sortir leur téléphone portable et filmer la scène qui se déroulait devant leurs yeux. De son côté, mademoiselle Barnes avait désormais l’opportunité de se retirer tranquillement dans sa chambre d’hôtel et de laisser les évènements continuer leur cours. Néanmoins, elle ne pouvait pas se faire à l’idée de partir et laisser cet employé aux mains de cet horrible individu. De tous les hommes qu’elle avait côtoyés durant les 24 dernières heures, il était le seul à lui être venu en aide. Elle ne pouvait donc pas s’en aller sans lui rendre la pareille.

La jeune femme alluma son téléphone portable afin d’appeler la police et fut immédiatement bombardée de messages en provenance de sa meilleure amie, Enola. Natacha se doutait un peu de la nature de leur contenu, mais l’endroit n’était pas vraiment approprié pour les consulter. Elle les ignora donc et fit ce pour quoi elle l’avait pris. Voyant que mademoiselle Barnes était au téléphone, son agresseur essaya de le lui arracher, mais c’était sans compter l’intervention de la personne contre qui il se battait.

– La police ne devrait plus tarder. Je viens de les appeler, rétorqua la jeune femme quelques instants plus tard.

– Qu’est-ce que tu as fait, sale pute ?! s’exclama-t-il en étant au sol.

– Va te faire foutre ! Tu te prends pour qui pour me parler ainsi ?!

L’homme était dans une situation plus que délicate. Non seulement les forces de l’ordre étaient en route, mais ses chances de gagner son combat avaient également drastiquement diminué. En effet, il se retrouvait dans une position très désavantageuse avec son adversaire exécutant sur lui un étranglement d’avant-bras. Il suffisait que l’employé de l’hôtel exerce une plus grande pression pour qu’il perde connaissance. Il n’avait cependant pas envie de se laisser faire ou abandonner, et continua de se débattre. Une décision qui se solda finalement avec lui s’évanouissant.

Maintenant que ce perturbateur était hors d’état de nuire, il ne restait plus qu’à l’employé d’attendre l’arrivée de la police. Natacha, malgré la fatigue qu’elle ressentait, vint lui demander si tout allait bien.

– Hormis quelques bleus qui s’en iront d’ici quelques jours, tout va très bien.

– Je vois. Merci beaucoup pour votre aide. Sans vous, je ne sais pas comment cette histoire aurait fini.

– Pas besoin de me remercier. J’ai juste fait mon boulot. Sinon, c’était quoi son délire ?

– C’était justement ça, un délire.

La jeune femme lui raconta alors en détail comment elle avait rencontré cet individu et la façon dont il insistait pour obtenir son numéro de téléphone.

– Ce type est un vrai malade, dit-il avec dégoût. Heureusement que vous avez appelé la police. Les gens comme lui doivent être gardés derrière les barreaux.

– J’suis tout à fait d’accord. Dites-moi, serait-il possible que vous soyez celui qui traite avec les policiers quand ils arriveront ? Ce n’est pas que je n’ai pas envie de le faire, mais j’suis extrêmement épuisée en ce moment et je comptais aller me reposer avant qu’il m’interpelle.

– J’ai bien peur que cela ne soit pas faisable, madame. Vous êtes la personne ayant pris contact avec eux, donc ils voudront tout naturellement avoir votre version des faits, répondit-il.

Ce n’était malheureusement pas la réponse qu’elle voulait entendre, d’autant plus qu’elle avait vraiment besoin de se reposer. Cependant, elle n’avait pas le choix.

—–*—–

Pendant que Natacha attendait l’arrivée des agents de police, Michael terminait à peine la retouche de ses photos. Le jeune homme n’avait travaillé que sur la moitié d’entre elles, se disant que ça lui prendrait beaucoup trop de temps s’il devait se pencher sur la totalité d’entre elles, en plus d’avoir un rendez-vous avec son meilleur ami. Orzak éteignit donc son ordinateur et attrapa son téléphone avant d’appeler Stanley.

– Yo, t’es où en ce moment ? Je viens tout juste de finir de bosser, rétorqua-t-il au moment où son ami décrocha.

– J’suis presque arrivé chez Patrick.

– OK. J’te retrouve là-bas.

– Cool. À tout à l’heure.

L’appel venant de se terminer, le jeune homme partit dans sa chambre afin d’enfiler quelque chose de plus présentable. Une fois cela fait, il mit le cap vers le bar de Patrick.

—–*—–

Assise dans un des sièges du hall de l’hôtel, Natacha résistait non seulement à la fatigue qui la gagnait de plus en plus, mais observait également l’écran de son téléphone portable qui affichait tous les messages vocaux et messages texte qu’elle avait reçus durant les dernières 36 heures. Cependant, parmi eux ne se trouvait qu’un seul qui était en provenance de son fiancé, Michael. De ce fait, parce qu’elle était un tantinet effrayée par son contenu, Natacha consulta d’abord ceux de sa meilleure amie.

Comme avec Michael, Enola s’était également inquiétée de la soudaine disparition de la jeune femme et lui avait donc envoyé plus d’une dizaine de messages afin d’obtenir des réponses de sa part. Dans le premier, celle-ci demanda à connaître où Natacha se trouvait en plus de la questionner sur la raison qui avait fait en sorte que cette dernière s’en aille aussi subitement de chez elle. Dans le second, elle lui dit à quel point son fiancé commençait à devenir à cran. Le message suivant faisait plus référence au fait qu’Enola avait contacté sa mère et que cette dernière n’avait pas eu la moindre idée de sa localisation…, et dans le dernier, elle suppliait mademoiselle Barnes de rentrer en plus de souhaiter que rien ne lui soit arrivé.

En écoutant et lisant tous les messages envoyés par sa meilleure amie, Natacha n’avait qu’une seule envie et c’était de pleurer. En effet, elle venait de se rendre compte à quel point son geste avait impacté tout son entourage. Tout le monde s’inquiétait pour elle y compris sa mère, une personne qu’elle n’avait absolument pas envie de mêler à toute cette histoire. Il était cependant déjà trop tard ; qu’elle le veuille ou pas, sa mère était déjà impliquée.

Natacha se sentait coupable, d’autant plus qu’elle était à l’origine de toute cette histoire. C’était parce qu’elle avait voulu obtenir cette fameuse promotion qu’elle s’était retrouvée dans le bureau d’Herman Invictus ce fameux lundi après les heures de travail. C’était également parce qu’elle s’était assoupie chez elle complètement trempée que Michael était parti confronter son patron, l’obligeant ainsi à donner un peu plus de sa personne à cet homme.

Mais au final, pourquoi avait-elle vraiment fait cette demande ? Était-ce parce que Tess avait obtenu la sienne avant elle ? Non. Natacha connaissait la véritable raison derrière son geste. Si elle avait souhaité obtenir une augmentation de salaire, ce n’était pas à cause de Tess Harlock, mais plutôt par orgueil. En effet, c’était son orgueil qui l’avait conduite à faire cela, cet orgueil qui l’avait empêché d’accepter le fait d’être moins payée que quelqu’un au même poste d’elle, cet orgueil qui l’avait conduite dans le bureau d’Herman Invictus ce jour fatidique.

Tout ce que Natacha avait vécu et vivait à cet instant présent n’était donc que les conséquences de son propre orgueil, ce qui lui fit d’autant plus mal. Tout était en effet sa faute et elle ne pouvait que s’en prendre à elle-même. Désormais, elle devait se plier en quatre afin de satisfaire tous les désirs de son patron, et ce au risque de voir son couple imploser.

Tandis que mademoiselle Barnes était occupée à s’en vouloir, un des agents de police, qui étaient enfin arrivés sur les lieux, s’approcha d’elle et se présenta ensuite à elle.

– Cet homme prétend avoir été agressé par vous et un des employés de l’hôtel au moment où il s’apprêtait à quitter les lieux…

Natacha n’en croyait pas ses oreilles. Non seulement il avait été celui qui l’avait agressé, mais il essayait maintenant de tout lui coller sur le dos.

– Ce n’est absolument pas comme ça que les choses se sont déroulées, monsieur l’agent.

– Je suis justement là pour mettre les choses au clair. Pourrai-je donc avoir votre version de l’histoire ?

Comme précédemment avec l’employé, mademoiselle Barnes relata les faits comme ils s’étaient déroulés, de son retour à l’hôtel jusqu’au moment où son agresseur perdit connaissance. Pendant ce temps, l’agent de police prenait des notes dans un petit carnet qu’il avait sorti au préalable.

– Et vous dites qu’il vous a soudainement bloqué le passage lorsque vous vouliez rentrer dans le bâtiment ?

– C’est bien ça, répondit-elle.

– Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce à vous précisément qu’il a fait ça ?

Natacha commençait à être un peu exaspérée par cet interrogatoire, d’autant plus qu’elle faisait de son mieux pour rester éveillée. Elle s’empressa donc de lui expliquer la raison pour laquelle il avait fait ça, ce qu’il nota soigneusement dans son carnet.

– Je vois. Et concernant l’altercation ? Qui parmi les deux a donné le premier coup ?

– Celui qui prétend avoir été agressé. Écoutez, toutes ces questions sont inutiles. Vous n’avez qu’à vérifier les téléphones de tous ceux qui ont été témoins de la scène ou encore les caméras de surveillance, et vous saurez tout ce qui s’est passé. C’est cet homme qui m’a violemment agressée et l’autre n’a fait que me défendre.

L’agent de police continua à prendre des notes avant de lui demander de patienter. Il retourna ensuite auprès de ses collègues afin de comparer tout ce qui avait été dit. Pendant ce temps, Natacha perdait de plus en plus patience. Si elle avait su que ça allait prendre autant de temps pour régler un problème d’agression, elle n’aurait jamais appelé la police. Elle avait tellement sommeil qu’elle décida finalement de s’assoupir dans son siège. Cependant, lorsque quelqu’un la toucha quelques minutes plus tard, cette dernière se réveilla en sursaut.

– Wow ! Désolé, je ne voulais pas vous faire peur.

Mademoiselle Barnes s’excusa auprès de cette personne après s’être rendu compte qu’il s’agissait de l’employé qui l’avait aidée. Au même moment, il remarqua également que son agresseur était en train menotté par les policiers.

– Qu’est-ce qui se passe là-bas ? Qu’est-ce que j’ai manqué ? demanda-t-elle.

– Il refuse tout simplement de faire face aux conséquences de ses actes.

Il lui expliqua ensuite que, pendant qu’elle s’était assoupie, il avait montré les images des caméras de surveillance aux agents de police, ce qui confirma leur version des faits. Après cela, devant les diverses preuves, l’homme refusa de suivre gentiment les policiers, ce qui les obligea à employer la force.

– Je vois. Je dois donc en conclure que je peux maintenant me rendre dans ma chambre, n’est-ce pas ? J’ai vraiment besoin de me reposer.

– Je n’ai malheureusement pas la réponse à cette question. Ce serait plutôt à lui que vous devriez demander, répondit-il en faisant référence à l’agent de police qui se dirigeait vers eux.

Le représentant de la loi vint leur expliquer la situation en plus d’obtenir leurs informations personnelles et leur donner le numéro de leur dossier.

– Puis-je maintenant m’en aller ? J’ai quelque chose d’important à faire.

– Vous êtes libre de vous en aller…

Natacha ne prit pas le temps d’écouter le reste de sa phrase qu’elle attrapa ses affaires et prit la direction des ascenseurs. Quelques minutes plus tard, elle refermait la porte de sa chambre d’hôtel avant de s’adosser sur cette dernière et de finir assise au sol. La jeune femme se mit soudainement à pleurer. Elle en avait marre des gens qui cherchaient à profiter d’elle, marre de son patron, marre de devoir mentir à son fiancé et son entourage, marre de sa situation en général. Mais que pouvait-elle bien faire ? Elle était la seule et unique responsable du merdier dans lequel elle se trouvait, ce qui était encore plus difficile à supporter pour elle. Tout ce qu’elle voulait était de retrouver une vie normale, mais c’était désormais impossible. Tout ce qu’il lui restait était de supporter jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus le faire. Ce fut donc cet état que la jeune femme finit par s’en dormir devant la porte de sa chambre d’hôtel.

A suivre !!!

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