La promotion 85

Natacha conduisait tranquillement lorsqu’une voiture de police apparut soudainement derrière elle avec ses gyrophares activés. Surprise, la jeune femme pensa tout d’abord qu’il devait s’agir d’une erreur de la part des forces de l’ordre, d’autant plus qu’elle était certaine de ne pas avoir commis la moindre faute durant sa conduite. Barnes se dit néanmoins que la meilleure chose à faire dans l’immédiat serait de trouver un endroit où se garer et de remédier à cette nouvelle situation dans laquelle elle se trouvait.

Quelques dizaines de secondes plus tard, alors qu’elle venait tout juste d’arrêter son véhicule et cherchait tous les documents dont elle aurait besoin pour effectuer ce qu’elle pensait être un simple contrôle de la route, Natacha se rendit compte que l’agente de police, qui était une femme à l’occurrence, avait un comportement des plus étranges. En effet, elle l’avait aperçue utiliser sa radio avant de sortir de son véhicule. Malheureusement pour Barnes, ce ne fut que quelque temps plus tard qu’elle comprit de quoi il s’agissait vraiment.

La policière sortit de son véhicule et dégaina son arme qu’elle pointa immédiatement après en direction de Natacha. Elle lui ordonna ensuite de sortir de sa voiture et de mettre les mains en l’air, ce qui effraya énormément la jeune femme en plus de la rendre très confuse. Elle n’avait jamais vécu une telle expérience et se demanda ce qui se passait. Qu’avait-elle bien pu faire pour se retrouver dans une telle situation ? Depuis son départ de l’hôtel, elle n’avait commis aucune faute sur la route. Elle n’avait grillé aucun feu, avait toujours signalé avant de changer de voie, et avait respecté toutes les limitations de vitesse ; sa conduite avait été irréprochable. Alors, pourquoi cette femme pointait-elle son arme sur elle ?

– Sortez du véhicule ! Sortez du véhicule et mettez les mains en l’air ! répéta l’agent de police.

Natacha était très effrayée par la situation dans laquelle elle se trouvait et encore plus lorsqu’une deuxième voiture de police vint se garer à proximité de la sienne et qu’un autre agent des forces de l’ordre se mit également à pointer son arme sur elle. La jeune femme n’avait pas d’autre choix, elle devait leur obéir si elle ne voulait pas que cette rencontre prenne une tournure beaucoup plus dramatique.

– Ne tirez pas ! Je sors. Ne tirez pas, s’exclama-t-elle au moment où elle ouvrit lentement la portière de sa voiture.

Se retrouvant debout avec les mains en l’air, Barnes avait le coeur qui battait extrêmement vite. Et pour cause, elle ne savait pas ce qu’elle avait fait de mal et n’avait aucune idée de ce qui l’attendait. Elle avait vu de nombreuses fois au journal télé ou sur internet comment ce genre d’interactions pouvait vite prendre une tournure dramatique et elle n’avait absolument aucune envie d’être la prochaine personne dont on parlerait dans ce genre de choses.

Toutefois, sa situation était extrêmement délicate et confuse. En effet, alors qu’elle venait tout juste de sortir de son véhicule, la policière qui l’avait interpellée ne faisait que lui ordonner de se coucher à plat ventre tandis que le second agent de police lui demandait d’approcher de leur véhicule. La jeune femme ne savait donc pas quoi faire et avait donc toutes les raisons de panique. Elle dont le but était de rentrer chez elle et de revoir l’homme qu’elle aimait risquait désormais de ne plus accomplir cela. Était-ce une punition pour tous les actes qu’elle avait commis ? Sûrement. Néanmoins, elle ne voulait pas s’en aller ainsi, pas avant d’avoir dit une dernière fois « je t’aime » à Michael.

Ne sachant pas auquel des agents des forces de l’ordre elle devait obéir, la jeune femme s’agenouilla tout en gardant ses mains en l’air. Pour elle, il s’agissait de la meilleure chose à faire vu que les ordres qu’elle recevait étaient contradictoires. En voyant sa réaction, les deux policiers s’approchèrent d’elle tout en lui disant de ne pas faire le moindre geste.

– Mettez vos mains derrière le dos ! s’exclamèrent-ils une fois qu’ils arrivèrent à ses côtés.

Natacha obéit, mais profita également de l’occasion pour leur demander ce qu’elle avait fait de mal. Cependant, ce fut uniquement après qu’on lui ait placé les menottes qu’on lui expliqua que la voiture dans laquelle elle avait roulé avait été déclarée comme étant volée.

– Quoi ?!

La jeune femme avait toutes les raisons d’être surprise, d’autant plus que cela n’avait aucun sens. Sa voiture ne pouvait pas avoir été volée vu qu’elle était en possession de cette dernière. Elle le dit même aux deux policiers, mais ceux-ci ne l’écoutèrent absolument pas et se contentèrent dans un premier de lui lire ses droits. Ils la conduisirent ensuite à côté d’une des voitures de police où ils procédèrent à une fouille au corps.

– Ma voiture n’a pas été volée ! Je ne sais pas qui vous a dit ça, mais elle n’a pas été volée ! J’ai rien fait de mal ! s’exclama Barnes pendant ce temps.

Bien évidemment, aucun des policiers ne crut les dires de la jeune femme. Pour eux, elle était coupable jusqu’à ce que tout indique le contraire. Natacha fut donc placée à l’arrière d’une des voitures de police tandis que les deux agents partaient fouiller son véhicule.

Pendant que les agents des forces de l’ordre passaient sa voiture au peigne fin, Barnes réfléchissait sur la situation dans laquelle elle se trouvait, notamment sur comment elle avait fait pour s’y retrouver. On lui avait dit que son véhicule avait été déclaré comme ayant été volé, mais elle ne comprenait pas pourquoi quelqu’un ferait une chose pareille. D’ailleurs, qui avait bien pu faire cette déclaration à la police ? Était-ce Simon Morgan ? Non, le banquier ne pouvait pas être le responsable, il ne savait pas quel modèle elle conduisait ni même sa plaque d’immatriculation.

Mais était-ce vraiment le cas ? Les employés du manoir Lancaster lui avaient montré toutes les informations que ces gens détenaient sur elle et ce ne serait donc pas surprenant s’ils détenaient également tout ce qui était en rapport avec sa voiture. Des questions demeuraient néanmoins. Pourquoi avaient-ils fait une chose pareille ? Pourquoi avaient-ils déclaré sa voiture comme ayant été volée ? Cela ne leur servait strictement à rien. Elle était complètement sous leur emprise et n’avait aucun moyen d’en échapper. Lui poser des problèmes avec la loi ne servait aucun but. Alors pourquoi ?

Natacha était confuse et était également très effrayée. En effet, en voyant ces policiers fouiller son véhicule et ses affaires, elle avait peur pour la suite des évènements, peur de ne pas pouvoir rentrer chez elle et voir l’homme qu’elle aimait le plus au monde, peur de se retrouver derrière les barreaux pour quelque chose qu’elle n’avait pas fait. Que pouvait-elle bien faire pour se sortir de cette situation ?

*

Pendant que Barnes avait ses déboires avec les forces de l’ordre, Herman sortait de sa chambre dans une tenue beaucoup plus simple et détendue. L’homme se dirigea ensuite vers la salle à manger où sa femme et ses enfants se trouvaient. Lorsqu’il arriva dans la pièce, il constata non seulement que ces derniers avaient déjà commencé leur repas, mais qu’ils cessèrent également de parler lorsque sa présence fut connue des autres.

– Un accueil plutôt charmant, déclara-t-il en prenant place à côté de son épouse.

Au moment où l’homme s’installa à table, un de leurs employés de maison commença à lui servir son déjeuner. Il lui demanda alors de mettre une petite portion dans son assiette, prétextant qu’il n’avait pas beaucoup d’appétit, avant de retourner son attention sur son fils, Ethan, et de lui demander à son tour comment ça se passait à l’université.

– Tout est tranquille comme d’habitude, répondit-il assez froidement.

– Je suppose donc que tu maintiens un niveau académique à la hauteur de mes attentes et que ton séjour parmi nous n’impactera en aucun cas tes notes, n’est-ce pas ?

– Oui, monsieur.

– Bien, ça me convient parfaitement. Aussi, Marion, j’ai changé d’avis. Nous irons voir Karl demain pour savoir s’il n’y a pas un moyen pour accélérer ton processus de guérison. Nous partirons d’ici aux alentours de 9 heures. Donc, sois prête avant.

– OK.

Pour l’adolescente, il s’agissait d’une très bonne nouvelle. En effet, non seulement leur médecin familial trouverait peut-être une solution afin qu’elle se débarrasse de ces « foutus » bourdonnements, mais cela lui donnait également l’opportunité de sécher les cours. Il n’y avait rien de mieux pour elle. De son côté, Ethan était quelque peu hostile envers son père, et ce depuis qu’il s’était croisé plusieurs dizaines de minutes auparavant. Il voulut alors lui en parler, et ce de façon très sérieuse, mais au moment où il l’interpella, ce dernier reçu un appel qu’il ne put malheureusement pas ignorer.

– Je reviens tout de suite, rétorqua Herman en se levant de son siège.

L’homme quitta la salle à manger, laissant sa femme et ses enfants tout seuls.

– Tu as vu, maman ? Tu as vu comment il se comporte avec moi ? Jamais il n’a demandé comment je me portais. Tout ce qui l’intéresse est de savoir si j’ai oui ou non sali son nom en ramenant de mauvaises notes.

– J’ai vu. Mais il faut que tu comprennes la position dans laquelle il se trouve. Votre père a beaucoup de responsabilités et il veut juste s’assurer que vous soyez prêts à…

– Oh, arrête, maman ! Stop ! Toi-même tu ne crois pas c’que tu dis. Cet homme n’en a rien à foutre de nous.

– Ethan, ça suffit ! Je t’interdis de parler de la sorte de ton père. Comment peux-tu penser ça de lui ? Tu penses vraiment que s’il ne tenait pas à vous, il vous aurait donné accès à la meilleure éducation au monde, qu’il aurait été auprès de ta sœur après son accident de la route, ou qu’il ferait tout pour qu’elle aille mieux ? Ton père a beaucoup de défauts, mais ne pas tenir à vous n’en fait pas partie.

– Incroyable. Vraiment incroyable. Tu sais quoi ? Fais chier, rétorqua Ethan en se levant de son siège.

Le jeune homme quitta également la salle à manger, laissant ainsi sa mère et sa petite sœur seules avec leurs domestiques. De son côté, Marion, qui était restée silencieuse durant leur dispute et avait même souhaité ne pas y assister, demeura dans le même état. Ne sachant pas quel parti prendre ou plutôt ne voulant aucun parti, elle avait préféré garder le silence. Néanmoins, cela ne voulait pas dire qu’elle n’était pas affectée par cette situation. En effet, Ségolène aimait son grand frère et sa mère, ce qui avait rendu cette confrontation d’autant plus difficile pour elle et lui avait fait perdre l’appétit.

En voyant l’expression que sa mère arborait, Marion se dit qu’elle devait agir, qu’elle ne pouvait pas laisser l’atmosphère de la maison demeurer ainsi. Elle se leva donc de son siège, s’excusa auprès de sa mère en lui disant qu’elle reviendrait dans les prochaines minutes, puis partit à la recherche d’Ethan. Henrietta observa alors son troisième enfant s’en aller à son tour et commença à se questionner. Qu’avait-elle bien pu faire de mal pour que ses enfants l’abandonnent ainsi ? Était-elle une mauvaise mère ? Tout ce qu’elle désirait était leur bien, alors pourquoi ? Pourquoi se retrouvait-elle seule ?

À cet instant précis, un souvenir se manifesta dans la mémoire d’Henrietta, une image d’elle beaucoup plus jeune se trouvant aux côtés d’un jeune homme autre que son mari. Tous deux avaient un pique-nique sous un arbre et semblaient partager un moment très agréable. En repensant à cela, elle fut envahie d’une certaine nostalgie, mais également d’une profonde tristesse.

Peu de temps plus tard, Herman revint dans la salle à manger et, constatant que ses enfants n’étaient plus présents, demanda à sa femme où ils se trouvaient. Elle lui donna cependant le traitement du silence.

– Que se passe-t-il, Henrietta ? demanda-t-il après être venu prendre place à côté de sa femme.

Une fois de plus, madame Invictus ne lui répondit pas. Néanmoins, en voyant son regard, l’homme remarqua qu’elle arborait une certaine hostilité envers lui, mais ne comprit pas pourquoi elle éprouvait un tel ressentiment vis-à-vis de lui.

– Henrietta, qu’est-ce qui ne va pas ? Et où sont Ethan et Marion ?

Une fois de plus, Herman reçut le traitement du silence en guise de réponse, ce qui l’obligea bien évidemment à demander à Clémentine, leur gouvernante, qui se tenait debout à leurs côtés depuis le début du déjeuner.

– Monsieur Ethan et miss Marion se sont tous deux rendus dans le jardin. Voulez-vous que…

– Est-ce que tu nous aimes, Herman ? questionna soudainement Henrietta en interrompant sa gouvernante.

– Qu’est-ce qui te prend de me poser soudainement une question pareille ?

– Tu ne réponds pas à ma question, Herman.

En voyant le regard déterminé de sa femme, l’homme ordonna à toutes les autres personnes présentes dans la salle à manger de les laisser seuls. Lorsqu’ils eurent finalement leur intimité, Herman demanda à nouveau à Henrietta ce qui n’allait pas et pourquoi elle lui posait une telle question.

– Herman, je t’ai posé une question simple dont la réponse est d’autant plus simple. C’est juste une question de oui ou non, c’est tout. Je ne vois donc pas pourquoi tu tournes autour du pot au lieu de me donner une réponse directe.

– Si j’ai besoin de te le dire directement, alors je me demande ce que j’ai fait durant les 27 dernières années.

– Je vois.

Henrietta se leva de son siège et prit la direction de la sorte sous le regard de son époux qui ne cessait de l’appeler par son prénom. Se retrouvant désormais seul, l’homme se demanda ce que sa femme avait et pourquoi elle avait eu la soudaine envie de lui poser cette question. Cela faisait 27 ans qu’ils étaient mariés et durant toutes ces années, il les avait recouverts de nombreux cadeaux, les avait fait visiter les endroits les plus exotiques du monde, et avait même bâti cette demeure pour eux. Si cela n’était pas une preuve d’amour, alors qu’est-ce que c’était ?

– Ah, les femmes !

A suivre !!!

Catégories : Étiquettes : ,

Laisser un commentaire